Guinée : les transferts d’armes utilisées pour les opérations militaires ou de police doivent être suspendus

Amnesty International a demandé à tous les États de suspendre les livraisons internationales d’armement, de munitions et d’autres équipements à usage militaire ou de police qui pourraient être utilisés par les forces de sécurité guinéennes pour commettre des violations des droits humains.

L’organisation demande également la mise en place d’une commission internationale chargée d’enquêter sur les atteintes aux droits humains commises à Conakry dans la semaine du 28 septembre, qui auraient provoqué la mort de plus de 150 personnes.

« Il faut arrêter le transfert de ces équipements jusqu’à ce que le gouvernement guinéen ait pris des mesures pour empêcher de nouvelles violations et ait traduit en justice les responsables présumés des violentes attaques perpétrées la semaine dernière », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

L’organisation a lancé cet appel alors que de nouvelles informations font état de l’utilisation par la police et les forces de sécurité guinéennes d’armes et d’équipements sud-africains et français durant les événements de la semaine dernière.

Lors d’une réunion aux Nations unies le 6 octobre, Amnesty International a évoqué devant les délégués à l’Assemblée générale de l’ONU la question des livraisons d’armes irresponsables à la Guinée. Brian Wood, responsable à Amnesty International des recherches sur le contrôle des armes, a déclaré : « Tous les transferts d’armes du type de celles qui sont utilisées pour commettre de graves violations des droits humains en Guinée et ailleurs pourraient être évités si les négociations à l’ONU débouchent sur un traité efficace sur le commerce des armes, comprenant un outil juridiquement contraignant d’évaluation des risques en matière de droits humains. »

Amnesty International appelle l’Assemblée générale des Nations unies, actuellement réunie, à entamer sans plus attendre un processus de négociations formelles en vue de l’élaboration d’un traité international sur le commerce des armes comprenant des principes fermes en matière de droits humains.

Sur des photos prises par des journalistes à Conakry le 1er octobre, on peut voir des policiers guinéens équipés de lance-grenades Cougar de calibre 56 mm.

Ces lance-grenades manufacturés en France sont conçus pour lancer des grenades lacrymogènes et des grenades à impact cinétique produites par le même fabricant français.

Des membres des forces de sécurité guinéennes ont également été photographiés le 1er octobre en train de patrouiller dans les rues de Conakry à bord d’un véhicule blindé de transport de troupes Mamba. Dix véhicules Mamba ont été vendus en 2003 à la Guinée par une filiale sud-africaine d’une société britannique dont un porte-parole avait déclaré à l’époque qu’ils étaient destinés au « contrôle des frontières » du pays. Amnesty International dispose d’informations établissant que des véhicules Mamba ont été utilisés à Conakry en janvier 2007 contre des manifestants pacifiques. Les blindés ont été lancés sur la foule et ont fait feu.

La semaine dernière, Amnesty International a reçu du gouvernement français des informations indiquant qu’il avait autorisé ces dernières années la livraison de grenades lacrymogènes et d’autres projectiles antiémeutes aux forces de sécurité guinéennes, bien que celles-ci aient fait usage de telles munitions pour commettre de graves violations des droits humains constatées de manière persistante depuis 1998. Selon des témoignages recueillis par Amnesty International auprès de manifestants et de témoins oculaires, des grenades lacrymogènes et des armes légères tirant à balles réelles ont été utilisées contre des manifestants rassemblés dans le stade de Conakry le 28 septembre 2009.

En 2006, la France a livré 500 grenades antiémeutes (de type non spécifié) au ministère guinéen de l’Intérieur. En 2008, elle a émis un agrément préalable en vue de la vente à ce ministère de grenades assourdissantes et de grenades lacrymogènes GM-2L 56 mm, conçues spécifiquement pour les lance-grenades utilisés ces jours derniers par les forces de sécurité guinéennes.

On ignore si l’agrément final d’exportation a déjà été délivré pour ces équipements. Le gouvernement français a annoncé le 29 septembre qu’il suspendait sa coopération militaire avec la Guinée. Amnesty International salue cette décision et engage la France et les autres États à veiller à ce que la suspension concerne également la fourniture d’armes, de munitions et d’équipements à usage militaire ou de police.

« De telles munitions ont été utilisées lors de la répression violente menée ces dix dernières années par les forces de sécurité guinéennes, qui a été marquée par des violations graves et répétées des droits humains, notamment des homicides illégaux, des violences sexuelles et l’usage flagrant d’une force excessive », a ajouté Erwin van der Boght.