Afghanistan : le gouvernement allemand doit enquêter sur la frappe aérienne meurtrière de Kunduz

Le gouvernement allemand doit immédiatement ouvrir une enquête convaincante et transparente sur le raid aérien qui a frappé le 4 septembre Kunduz, en Afghanistan, et fait de très nombreuses victimes, dont beaucoup de civils, a déclaré Amnesty International ce jeudi 29 octobre 2009.

Le 29 octobre, l’armée allemande a déclaré que l’enquête de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) estimait que cette frappe aérienne, qui visait deux camions-citernes transportant du carburant dont s’étaient emparés les talibans cinq heures auparavant, était appropriée, même si elle avait fait des victimes parmi la population civile.

Toutefois, d’après l’enquête d’Amnesty International, les lois de la guerre ont sans doute été bafouées au cours de cette attaque.

« Le gouvernement allemand se doit de diligenter de toute urgence une enquête transparente sur ce qui s’est passé à Kunduz. L’OTAN et le gouvernement allemand doivent rendre des comptes pour la mort de ces civils et démontrer qu’ils ont la volonté et la capacité d’enquêter sur les victimes civiles », a fait savoir Sam Zarifi, directeur du programme Asie et Océanie d’Amnesty International.

Selon l’armée allemande, les investigations de l’OTAN n’ont pas permis d’établir le nombre exact de victimes. Des anciens des villages alentour ont indiqué à Amnesty International à Kunduz que 142 personnes avaient trouvé la mort dans cette attaque, dont au moins 83 civils. Les talibans ont tué l’un des chauffeurs lorsqu’ils se sont emparés des camions-citernes, selon des responsables des services de sécurité afghans.

Le ministère allemand de la Défense a assuré qu’il étudierait le rapport de l’OTAN et envisagerait de nouvelles mesures si cela s’avérait nécessaire.

Amnesty International a recueilli des témoignages directs de victimes de cette attaque et s’est entretenue avec le chef de la police locale, Mohammed Razaq Yaqoobi, et avec des représentants de l’ONU et de la Commission indépendante des droits de l’homme de l’Afghanistan.

« Les talibans ont une nouvelle fois fait fi de la vie des civils afghans en les plaçant en ligne de mire, a poursuivi Sam Zarifi. Toutefois, cela ne dispense pas l’OTAN de prendre toutes les précautions possibles afin de limiter les pertes civiles. »

Les talibans contrôlent de nombreux villages dans le secteur où a eu lieu la frappe aérienne. Ils ont invité les habitants d’AmerKheil, un village voisin qu’ils contrôlent, à venir chercher de l’essence, les camions-citernes s’étant embourbés alors qu’ils traversaient la rivière Kunduz.

D’après les recherches d’Amnesty International, l’OTAN n’a pas averti efficacement les civils de la région qu’une attaque était imminente, ce qui a mis leur vie en péril.

Dans certaines circonstances, les avions de l’OTAN en Afghanistan survolent les cibles à basse altitude ou tirent des salves d’avertissement afin que les civils puissent s’éloigner d’une cible potentielle. Selon des témoins de cette attaque, les avions de l’OTAN n’ont rien fait pour avertir la population avant de lancer leur frappe aérienne sur Kunduz.

Un villageois du secteur, Omera Khan, a déclaré à Amnesty International: « Les Allemands auraient pu réagir autrement à ce détournement et épargner la vie des civils. Les villageois étaient là pour récupérer de l’essence offerte par les talibans et ils n’ont absolument pas été prévenus au moment de l’attaque. »

« L’OTAN s’efforce d’améliorer la protection des civils, notamment avec ses récentes directives tactiques, que nous saluons. Pourtant, elle n’a toujours pas mis en place de mécanisme de responsabilisation digne de ce nom pour accorder réparation, a expliqué Sam Zarifi. L’OTAN doit rendre public son rapport sans délai. »

En 2009, le nombre de victimes civiles en Afghanistan a été le plus élevé enregistré par le pays depuis la chute des talibans en 2002. « Toutes les parties au conflit doivent prendre toutes les précautions possibles pour épargner la population civile. Les civils n’ont pas à payer pour la conduite illicite des belligérants. Toutes les violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains doivent faire l’objet d’une enquête approfondie et indépendante dans les meilleurs délais et les responsables présumés doivent être traduits en justice », a ajouté Sam Zarifi.