Commentaires : le résultat de l’élection afghane demeure flou, à l’exception des attentes en matière de droits humains

Des millions d’Afghans ont voté, malgré les graves problèmes d’insécurité et les défis de taille en matière de logistique, marquant ainsi leur volonté de vivre mieux et de substituer les bulletins de vote aux balles.

Cependant, alors que les représentants de l’État afghan et la communauté internationale sont aux prises avec une crise électorale émaillée d’accusations de fraude, les Afghans sont confrontés à une vague croissante de violence et d’atteintes aux droits humains.

Le scrutin du 20 août s’est déroulé sur fond de multiplication des attaques par les talibans et d’autres groupes d’insurgés, et de violences attribuées aux forces de l’OTAN et aux troupes américaines – on a enregistré le plus fort taux de victimes parmi la population civile depuis la chute des talibans en 2002.

Les talibans et les groupes rebelles sont responsables de la majorité (environ 60 p. cent) des pertes civiles liées au conflit en Afghanistan.

Le 26 août, une explosion a retenti dans le centre de la ville de Kandahar juste après la tombée de la nuit, faisant au moins 43 morts et 65 blessés.

Quelques jours plus tard, des combattants talibans ont incendié une école secondaire pour filles dans la province de Nangarhar, dans l’est du pays.

Les attaques à Kaboul et dans le nord, relativement calme, se sont également multipliées.

Trois personnes ont trouvé la mort le 6 septembre lorsque des missiles, semble-t-il tirés par des rebelles, ont fait exploser une maison, dans le nord-ouest de Kaboul.

L’intensification de l’activité des rebelles se traduit par une multiplication des opérations de l’OTAN et de l’armée américaine, mettant de plus en plus la vie des civils en danger.

Les forces de l’OTAN et des États-Unis ont récemment réaffirmé leur volonté de réduire le nombre de victimes civiles. Il leur faut toutefois mettre sur pied un système clair, cohérent et crédible concernant les enquêtes et l’obligation de rendre des comptes pour les violations des lois de la guerre et des consignes d’ouverture du feu.

Par ailleurs, l’élection a mis en avant les défis et les possibilités en matière de droits pour les femmes afghanes.

Deux femmes se sont présentées à l’élection présidentielle en 2009, tandis que 333 prenaient part aux élections des conseils provinciaux, représentant environ 10 p. cent des candidats.

Selon les responsables des élections, des centaines de bureaux de vote pour les femmes n’ont même pas ouvert leurs portes dans des régions où les rebelles ont menacé les femmes désireuses d’exercer leur droit de vote.

D’après un rapport de l’Union européenne (UE), on a constaté une faible augmentation du nombre de femmes candidates, mais une baisse de la participation des femmes dans près de la moitié des provinces.

Le président sortant Hamid Karzaï a signé un texte de loi attendu de longue date qui érige en infractions la violence et les diverses formes de discrimination contre les femmes – mesure qui semble s’inscrire dans les efforts de conciliation post-électoraux.

En début de semaine, il a gracié Parwiz Kambaksh, étudiant universitaire condamné à une peine de vingt ans d’emprisonnement parce qu’il aurait téléchargé un article sur les droits des femmes au sein de l’islam.

Ces initiatives ont suscité chez les Afghans l’espoir que le prochain gouvernement – qu’il soit dirigé par Hamid Karzaï ou son principal rival, l’ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah – fera davantage pour répondre à leurs demandes, à savoir une vie meilleure et une meilleure gouvernance, tout au moins dans les régions contrôlées par le gouvernement.
 
Dans l’ensemble du pays, de nombreux Afghans ont fait part à Amnesty International de leur déception, le gouvernement n’ayant guère cherché à donner suite aux améliorations en matière de droits humains mises en œuvre après la chute des talibans.

Un étudiant de la faculté de droit de l’université de Kaboul a par exemple affirmé : « Je constate déjà parmi mes camarades de classe une plus grande division fondée sur l’origine ethnique. La situation n’est pas rassurante, l’un des deux camps sera forcément perdant et il pourrait causer de nombreux problèmes. »

Le gouvernement, ainsi que les stratèges militaires de l’OTAN et des États-Unis, reconnaissent désormais que les talibans ont su exploiter cette faille pour faire valoir qu’ils apporteront au moins la sécurité, essentielle, faute de respecter les droits humains.

Le bilan du gouvernement est tout particulièrement critiqué au regard de l’implication de personnes accusées de graves atteintes aux droits humains au cours des vingt dernières années de conflit en Afghanistan.

Malheureusement, tant Hamid Karzaï qu’Abdullah Abdullah se sont entourés de certaines de ces personnes.

Dans l’attente du résultat final de l’élection afghane, un message se dessine clairement : le peuple afghan désire avoir son mot à dire quant à son avenir et veut un gouvernement responsable, efficace et représentatif.

Il souhaite obtenir le concours d’appuis internationaux pour l’épauler dans ce combat, mais le peuple afghan, pas plus que la communauté internationale, ne supporteront indéfiniment l’impasse politique actuelle.

Qui que soit le prochain président afghan, il devra, à l’instar de ses soutiens internationaux, placer les droits du peuple afghan au cœur de sa stratégie pour l’Afghanistan.

Par Sam Zarifi, directeur du programme Asie d’Amnesty International