République dominicaine : le projet d’amendement à la Constitution mettra la vie des femmes en péril

Le projet d’amendement à la Constitution de la République dominicaine pourrait aboutir à une interdiction de l’avortement, mettant la vie des femmes et des jeunes filles en péril et risquant d’accroître le taux de mortalité maternelle du pays, a mis en garde Amnesty International.

Dans sa nouvelle formulation, l’article 30 introduirait le principe d’inviolabilité du droit à la vie, « de la conception à la mort ». Il est largement admis que cela entraînera une modification du Code pénal qui risque d’aboutir à une interdiction de l’avortement en toutes circonstances.

« Dans sa version actuelle, le projet d’amendement à la Constitution aurait des conséquences tragiques pour les femmes et les jeunes filles en termes d’accès à des soins efficaces en matière de procréation en République dominicaine », a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Le Congrès dominicain doit se prononcer sur ces propositions mardi 15 septembre.

Si l’article 30 est adopté dans sa version actuelle, il limitera grandement la possibilité d’avorter en toute sécurité, même lorsque la femme souffre de complications engageant le pronostic vital ou a besoin d’un traitement susceptible de lui sauver la vie mais contre-indiqué pendant la grossesse – tels que les traitements contre le paludisme, le cancer ou le VIH/sida.

En outre, il restreindra encore davantage l’accès à un avortement pratiqué en toute sécurité pour les femmes ou les jeunes filles dont la grossesse non désirée résulte d’un viol ou d’un inceste.

La Société dominicaine des obstétriciens et gynécologues a souligné les répercussions « catastrophiques » que l’article 30 pourrait avoir sur la mortalité maternelle. S’il est adopté dans sa formulation actuelle, cet article compromettra la capacité des médecins à prodiguer en temps voulu des traitements efficaces aux femmes et jeunes filles souffrant de complications durant leur grossesse.

« Lorsque l’avortement fait l’objet d’une interdiction totale, les taux de mortalité maternelle augmentent, car les médecins ne sont pas en mesure ou redoutent de prodiguer des soins indispensables mais contre-indiqués durant la grossesse, même lorsque c’est le seul moyen de sauver la vie de la patiente », a expliqué Susan Lee.

Amnesty International a publié récemment un rapport s’intéressant aux conséquences de l’interdiction de l’avortement en toutes circonstances au Nicaragua.

Il établit que cette interdiction contribue à l’augmentation de la mortalité maternelle à travers le pays : 33 femmes et jeunes filles sont mortes au cours de leur grossesse depuis le début de l’année 2009, alors qu’elles n’étaient que 20 sur la même période en 2008. Le recueil des données concernant la santé maternelle s’avérant lacunaire au Nicaragua, ces chiffres officiels seraient en fait en deçà de la réalité.

« Dans les rares pays qui ont instauré l’interdiction absolue de l’avortement, de nombreux médecins, craignant d’être poursuivis en justice, retardent la prescription de soins efficaces ou se sentent légitimes de les refuser, même lorsque cela risque d’entraîner la mort de la femme enceinte ou de nuire à sa santé à long terme, a expliqué Susan Lee.

« Quatre organes de suivi des traités des Nations unies ont vivement critiqué l’interdiction totale de l’avortement au Nicaragua, parce qu’elle met en péril la vie et la santé des femmes et des jeunes filles. La République dominicaine ne doit pas suivre cet exemple. »

Amnesty International demande au Congrès dominicain de rejeter l’article 30 formulé en ces termes : « de la conception à la mort ».

L’organisation l’exhorte également à prendre toutes les mesures nécessaires pour que des services d’avortement légaux et sûrs, disponibles et de bonne qualité, soient accessibles à toutes les femmes et les jeunes filles qui le demandent en cas de grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque la poursuite de la grossesse met en péril leur vie ou leur santé.