Amnesty International a demandé de nouveau qu’une enquête publique et indépendante soit menée sur la possible complicité du Royaume-Uni dans des actes de torture. Cet appel intervient après les déclarations récentes des ministres britanniques des Affaires étrangères et de l’Intérieur sur la question des renseignements obtenus par le biais de la torture.
Devant la multiplication des éléments indiquant que des agents britanniques ont participé, au Pakistan et dans d’autres pays, à l’interrogatoire de personnes soupçonnées de terrorisme, de hauts responsables ont décidé la semaine dernière de s’exprimer publiquement. Le directeur du MI6, le service britannique du renseignement, a alors démenti catégoriquement que ses agents aient été impliqués dans des actes de torture ou d’autres mauvais traitements perpétrés contre des suspects d’activités terroristes détenus à l’étranger.
« Les allégations d’une éventuelle complicité du Royaume-Uni dans des actes de torture sont très graves et ne peuvent être balayées par de simples déclarations de principe, a indiqué Julia Hall, chercheuse sur la question de la lutte contre le terrorisme au sein du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Si le gouvernement tient pour sûr que ses agents ne sont pas impliqués dans des actes de torture, il n’a alors rien à craindre d’une procédure transparente qui peut le prouver. »
Le ministre des Affaires étrangères, David Miliband, et le ministre de l’Intérieur, Alan Johnson, ont réaffirmé le 9 août que le gouvernement britannique était opposé à la torture. Ils ont toutefois indiqué que l’on ne pouvait exclure l’utilisation de certains renseignements obtenus par le biais de mauvais traitements.
« Que ce soit pour transmettre des informations pouvant conduire à l’arrestation de suspects, pour transmettre des questions à leur soumettre ou pour les interroger directement, nos agences ont pour instruction de minimiser, et d’éviter quand c’est possible, les risques de mauvais traitements, peut-on lire dans un article signé conjointement et publié par le Sunday Telegraph.
« Tout est fait pour évaluer les risques dans chaque cas. Des opérations ont été arrêtées quand le risque de mauvais traitements était trop élevé. Mais il n’est pas possible d’éliminer tout risque. Il faut se faire une opinion dans chaque cas. »
Dans une interview accordée à la BBC, le directeur du MI6, John Scarlett, a démenti que des agents du renseignement britannique soient impliqués dans des actes de torture. Il a également affirmé, toutefois, que la question de la complicité dans des actes de torture perpétrés à l’étranger contre des suspects devait être abordée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme.
« Cette déclaration concernant la politique suivie n’offre pas de réponse claire aux graves allégations selon lesquelles des agents britanniques ont été impliqués dans la collecte et l’utilisation de renseignements obtenus par le biais de la torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes détenues à l’étranger et soupçonnées d’actes de terrorisme, a affirmé Julia Hall.
« Toutes ces déclarations semblent dictées par l’idée que la torture peut se révéler inévitable lorsqu’il s’agit de protéger la population contre le terrorisme, a-t-elle ajouté, mais nous avons constaté à de multiples reprises ces huit dernières années que cette idée menait au résultat inverse de celui escompté. C’est en respectant les droits humains que l’on obtiendra la meilleure protection, et non en donnant le mauvais exemple et en attisant les tensions par manque de fermeté vis-à-vis de la torture. »
Les déclarations de ces hauts responsables sont intervenues à la suite de la publication, la semaine dernière, des rapports de deux commissions du Parlement britannique. Les deux documents déploraient vivement que le gouvernement du Royaume-Uni n’ait pas répondu de manière appropriée aux allégations selon lesquelles les autorités savaient que des mauvais traitements étaient infligés à des suspects détenus à l’étranger dans des affaires de terrorisme, et avaient été impliquées dans de telles pratiques.
Le 4 août, la Commission conjointe des droits humains du Parlement a accusé le gouvernement de vouloir tout faire pour éviter une enquête parlementaire sur le fait qu’il savait que la torture était utilisée contre des suspects détenus par les services du renseignements du Pakistan et d’autres pays. Seule une enquête indépendante pourra rétablir au sein de la population la confiance dans les agences chargées du renseignement et de la sécurité, indiquait le rapport.
Le 9 août, la Commission des affaires étrangères a fait part de ses préoccupations quant à une éventuelle implication dans des actes de torture et d’autres mauvais traitements perpétrés contre des suspects détenus à l’étranger. « L’utilisation d’éléments susceptibles d’avoir été obtenus sous la torture sur une base régulière, notamment lorsqu’il n’est pas avéré que les protestations contre les mauvais traitements aient induit un changement de comportement des services de renseignement étrangers, pourrait être interprétée comme une complicité avec ce comportement », peut-on lire dans le rapport annuel de la commission.
« Le Royaume-Uni ne peut pas agir comme bon lui semble au regard de ses obligations internationales, a déclaré Julia Hall. La torture et la complicité de torture sont interdites en toutes circonstances. Il est grand temps que l’action du gouvernement britannique soit examinée et que celles et ceux qui pourraient être responsables de violations graves des droits humains soient amenés à rendre compte de leurs actes. »