Amnesty International a appelé le gouvernement zimbabwéen à mettre en place un organe impartial et indépendant de surveillance de la police. L’organisation a indiqué mercredi que cet organe devait être accessible au public et devait pouvoir enquêter sur toutes les plaintes relatives à des violations des droits humains commises par des membres de la police nationale.
Cet appel fait suite à la décision rendue mardi par une juridiction de Harare ordonnant au gouvernement zimbabwéen d’enquêter sur les agressions dont quatre défenseures des droits humains auraient été victimes pendant leur détention aux mains de la police. Les quatre militantes de l’organisation Femmes du Zimbabwe, debout ! (WOZA) ont été arrêtées de manière arbitraire par la police le 18 juin alors qu’elles participaient à une manifestation pacifique à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés.
« Nous saluons cette décision judicaire mais les autorités du Zimbabwe doivent à présent faire toute la lumière sur cette affaire et veiller à ce que les responsables rendent des comptes », a déclaré la secrétaire générale d’Amnesty International, Irene Khan, qui se trouvait à Harare au moment où ces femmes ont été arrêtées.
« Depuis des années, au Zimbabwe, des milliers de militants politiques et de défenseurs des droits humains sont arrêtés de manière arbitraire et maltraités voire torturés pendant leur détention par la police, et personne n’est amené à rendre des comptes pour ces agissements. »
Les quatre militantes ont été arrêtées le 18 juin à une cinquantaine de mètres d’un hôtel de Harare où la secrétaire générale d’Amnesty International tenait une conférence de presse. Elles ont été agressées par des policiers et accusées de mettre le gouvernement dans l’embarras sous les yeux de visiteurs venus de l’étranger.
Une avocate de renom spécialisée dans la défense des droits humains, Beatrice Mtetwa, qui représente les militantes, a indiqué au tribunal que ces femmes n’avaient en outre pas été autorisées à recevoir des soins médicaux pour leurs blessures et ce, à titre de sanction pour leurs activités militantes. Le tribunal a ordonné à l’État de remettre son rapport au sujet des allégations de ces femmes avant le 13 juillet.
« Il s’agit ici d’un des nombreux cas recensés par Amnesty International qui mettent en évidence les agissements déplorables auxquels se livre la police lors d’opérations de maintien de l’ordre visant des manifestations pacifiques, ainsi que les mauvais traitements infligés aux personnes considérées comme des opposants politiques pendant leur détention », a souligné Irene Khan. Les autorités zimbabwéennes devraient mettre en place un organe indépendant et accessible au public chargé de recevoir les plaintes et d’enquêter sur toutes les accusations portées contre la police.
« Nous ne pensons pas que la police soit capable d’enquêter sur ses propres agissements. L’absence dans les faits d’obligation de rendre des comptes au sein de la police nationale du Zimbabwe semble davantage relever d’une pratique bien ancrée que de l’absence de connaissances ou de cadre juridique concernant la procédure à suivre pour que les responsables de violations répondent de leurs actes. La police nationale a largement contribué à faire taire ceux qui critiquent le gouvernement depuis 2000, et elle continue de jouer ce rôle en toute impunité. »
Amnesty International a également fait part de ses préoccupations au sujet des retards observés dans la mise en œuvre des réformes concernant la police alors que cinq mois se sont écoulés depuis la mise en place d’un gouvernement de coalition. Aux termes de l’article 12-1(b) de l’Accord politique global, le nouveau gouvernement « doit mettre en place pour la police et les autres organes chargés de l’application des lois des réunions, ateliers et programmes de formation portant sur le respect du droit à la liberté de réunion et d’association et sur la compréhension, la juste interprétation et l’application des dispositions de la législation en matière de sécurité. »
« Malgré l’accord politique, la police continue de considérer comme criminelles toutes les activités pourtant légitimes des défenseurs des droits humains », a déploré Irene Khan.
Amnesty International a en particulier demandé une réforme urgente de l’unité spéciale chargée du maintien de l’ordre du département des enquêtes criminelles de la police nationale, et de la police antiémeute, qui sont tout particulièrement connues – témoignages des victimes à l’appui – pour recourir à la torture, à une force excessive, à des arrestations arbitraires et à la détention illégale dans le cadre d’une politique de répression des personnes considérées comme des opposants au gouvernement menée depuis 2000.
Contexte
Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International, a conduit une mission de haut niveau au Zimbabwe du 13 au 18 juin 2008. Elle a rencontré des hauts responsables du gouvernement, notamment le vice-président, Joice Mujuru, et le Premier ministre, Morgan Tsvangirai.
Irene Khan s’est également entretenue avec les co-ministres de l’Intérieur Kembo Mohadi et Giles Mutsekwa au sujet du besoin urgent de réformes au sein de la police.
Depuis 2000, Amnesty International a rassemblé des informations sur de nombreux cas de personnes, parmi lesquelles des milliers de militants des droits humains, ayant été victimes d’une arrestation arbitraire, d’une détention illégale, d’un recours excessif à la force et d’actes de torture infligés pendant la détention. De plus, de nombreux détenus se sont vu refuser, à titre de sanction pour leurs activités militantes, la liberté sous caution, des soins médicaux, de l’eau, de la nourriture ainsi que la possibilité de communiquer avec un avocat ou avec leur famille.