France : un cas de mort en détention attire l’attention sur les accusations de brutalités policières

Un jeune homme d’origine algérienne est décédé en France la semaine dernière dans des circonstances peu claires après avoir passé une nuit en garde à vue. Cet événement survient trois mois après la publication d’un rapport d’Amnesty International exposant en détail les violations des droits humains commises par des policiers français – qui visent bien souvent des personnes issues de minorités ethniques –, et mettant en évidence une impunité généralisée.

Selon les informations parues dans les médias, Mohamed Benmouna, un jeune homme de vingt et un ans arrêté pour extorsion de fonds, est mort le 8 juillet. La police a indiqué qu’il avait tenté de se pendre dans sa cellule et était tombé dans le coma. Il est décédé à l’hôpital.

En réaction à sa mort, des jeunes se sont livrés à des émeutes et des incendies pendant trois nuits à Firminy, une petite ville du sud de la France où il travaillait comme caissier dans un supermarché. Durant ces troubles, la police aurait tiré des grenades lacrymogènes et des balles en plastique.

Les proches de Mohamed Benmouna ont porté plainte afin que soient déterminées les circonstances de sa mort et afin qu’il soit établi si des mauvais traitements commis par des policiers ont été dissimulés.

D’après le procureur local, Jacques Pin, une autopsie a confirmé que Mohamed Benmouna était mort asphyxié et que son corps ne présentait aucune trace de violence. Une seconde autopsie a également conclu à sa mort par asphyxie.

M. Pin a par ailleurs déclaré qu’il n’existait aucun enregistrement vidéo de la garde à vue de Mohamed Benmouna car la caméra de sa cellule, semble-t-il, ne fonctionnait pas. Le service d’inspection interne de la police a ouvert une enquête.

Publié le 2 avril, le rapport d’Amnesty International intitulé France. Des policiers au-dessus des lois révèle que les allégations d’homicides illégaux, de passages à tabac, d’insultes racistes ou de recours à une force excessive portées contre des policiers français donnent rarement lieu à l’ouverture d’enquêtes véritables.

Ce document montre que les procédures d’enquête relatives aux plaintes déposées contre des policiers en France ne sont pas conformes aux normes fixées par le droit international. Les personnes qui se plaignent de mauvais traitements commis par des agents de la force publique sont de plus en plus souvent inculpées d’« outrage » ou de « rébellion ». Les recherches effectuées par Amnesty International montrent que la grande majorité des plaintes de ce type sont déposées par des Français appartenant à une minorité dite « visible » ou par des ressortissants étrangers.

L’un des cas présentés dans le rapport d’Amnesty International est celui d’Abou Bakari Tandia. Ce migrant d’origine malienne en situation irrégulière est tombé dans le coma en décembre 2004 dans une cellule du commissariat de Courbevoie, en région parisienne, après y avoir été amené pour un contrôle d’identité. Il est mort peu après, sans jamais avoir repris connaissance. Le rapport d’autopsie attribue son décès à une défaillance organique multiple, mais sans préciser ce qui l’a provoquée.

En mars 2005, le procureur de la République a classé sans suite l’affaire concernant sa mort, n’ayant trouvé « aucun élément justifiant l’ouverture de poursuites ».

En avril de cette même année, la famille d’Abou Bakari Tandia a porté plainte avec constitution de partie civile pour « actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort », et l’enquête a été rouverte. À peu près au même moment, les proches de la victime ont appris que la caméra de surveillance de sa cellule ne fonctionnait pas la nuit de son arrestation parce qu’un détenu en avait arraché les fils. Il a été prouvé par la suite que cela était faux.

Plus de cinq ans après les faits, on ignore toujours la cause de la mort d’Abou Bakari Tandia.

Amnesty International a appelé les autorités françaises à prendre des mesures pour réformer le système actuel d’enquêtes sur les allégations de violations des droits humains par des agents de la force publique, et à créer une commission indépendante chargée de traiter ces plaintes, dotée de pouvoirs et de moyens suffisants pour mener des enquêtes exhaustives et efficaces.

« Quelle que soit la cause réelle de la mort de Mohamed Benmouna, les cas de ce type montrent clairement le besoin d’enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales, a déclaré David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. Celles-ci sont essentielles pour mettre fin à l’impunité qui entoure les graves violations des droits humains que peuvent commettre des policiers, et pour écarter tout soupçon lorsque ces accusations sont infondées ».