La Chine doit enquêter sur 156 morts survenues lors de manifestations à Ürümqi

D’après des informations relayées par les médias, 156 personnes ont été tuées dans la ville d’Ürümqi (ouest de la Chine) dans la soirée du 5 juillet, après qu’une manifestation eut basculé dans la violence.

Xinhua (Chine nouvelle), l’agence de presse officielle, a indiqué que la police d’Ürümqi – capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où vivent plus de huit millions de Ouïghours – a procédé à l’arrestation de 1 434 personnes, en relation avec cette action de protestation. Parmi les personnes appréhendées figurent plus de dix figures influentes accusées d’être à l’origine des troubles.

Ce 6 juillet, Amnesty International a demandé aux autorités chinoises d’ordonner sans plus tarder l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur les morts signalées.

« Les autorités chinoises doivent fournir tous les renseignements disponibles sur l’ensemble des personnes qui ont perdu la vie et sur celles qui ont été arrêtées », a déclaré Roseann Rife, directrice adjointe du programme Asie-Océan pacifique d’Amnesty International.

« Celles qui ont été appréhendées au seul motif qu’elles ont pacifiquement exprimé leur opinion et fait l’exercice de leur liberté d’expression, d’association et de réunion doivent immédiatement être remises en liberté. Une enquête juste et approfondie doit être menée et déboucher, le cas échéant, sur des procès équitables qui soient conformes aux normes internationales en la matière, sans que la peine de mort ne puisse être requise. »

« Ces événements se sont soldés par des pertes humaines tragiques et il est essentiel qu’une enquête indépendante soit menée en urgence dans le but de traduire en justice tous les responsables présumés de ces morts, a ajouté Roseann Rife. La violence et les atteintes, qu’elles soient le fait des autorités ou des manifestants, ne sont absolument pas justifiées. »

Amnesty International a exhorté les autorités à honorer leurs obligations en vertu du droit chinois et international en ce qui concerne la protection de la liberté d’expression et de réunion, mais aussi la prohibition des arrestations arbitraires et de la torture et des autres types de mauvais traitements en détention. L’organisation a également demandé aux autorités de laisser les journalistes chinois et étrangers ainsi que des observateurs indépendants se rendre librement sur place afin de pouvoir rendre compte des faits.

Les actions de protestation auraient débuté par des manifestations non violentes contre l’inaction du gouvernement après une émeute violente ayant fait deux morts dans une usine de Shaoguan (province du Guangdong). Le 26 juin, des centaines de travailleurs ouïghours se sont heurtés à des milliers d’ouvriers chinois han dans une usine ayant recruté des Ouïghours au Xinjiang.

La police aurait arrêté un homme, licencié par cette même usine, qui a fait circuler les rumeurs ayant déclenché cet affrontement fatal. Les autorités ont réagi aux violences dont le Guangdong a été le théâtre en imposant aux médias le silence sur cette affaire ; des sites Internet et forums de discussion en ligne se sont vu ordonner de supprimer les billets consacrés aux affrontements.

Au-delà de la nécessité de réagir à cette flambée de violence, les autorités doivent selon Amnesty International se préoccuper des questions à la source de ces tensions. Depuis les années 1980, les Ouïghours sont la cible de violations graves et systématiques des droits humains : arrestations et détentions arbitraires, détention au secret, restrictions sévères de la liberté de religion et de l’exercice des droits sociaux et culturels.

Les politiques gouvernementales, notamment celles qui limitent l’usage de la langue ouïghoure, imposent de sévères restrictions à la liberté de religion. Cette minorité est aussi victime de l’afflux permanent de migrants chinois han dans la région. La destruction des coutumes des Ouïghours et la discrimination à l’embauche alimentent le mécontentement et les tensions ethniques.

Le gouvernement a organisé une campagne agressive qui a mené à l’arrestation et à la détention arbitraire de milliers d’Ouïghours accusés de « terrorisme, séparatisme et extrémisme religieux » car ils avaient exercé, pourtant pacifiquement, leurs droits fondamentaux.