Cambodge : les forces de sécurité ont procédé à l’expulsion forcée de 60 familles à bas revenus

Jeudi et vendredi, les forces de sécurité cambodgiennes ont procédé à l’expulsion forcée de 60 familles à bas revenus qui habitaient dans le centre de Phnom Penh.

Les familles ont démonté leurs maisons après trois années de harcèlement et d’intimidation de la part du gouvernement ; pour éviter que leurs maisons ne soient démolies elles ont dû accepter de quitter les lieux avec une indemnisation insuffisante.

« Amnesty International condamne fermement cette expulsion forcée ainsi que la procédure entachée de graves irrégularités qui y a mené », a déclaré Brittis Edman, chargée de recherche sur le Cambodge à Amnesty International.

Vendredi 17 juillet avant l’aube, au moins 70 agents des forces de sécurité, dont certains étaient armés de pistolets et de matraques électriques, ont encerclé le secteur connu sous le nom de Groupe 78, où sept familles résistaient encore. Des défenseurs des droits humains et des journalistes surveillaient la situation. Des dizaines d’ouvriers embauchés pour cette tâche ont démoli ce qui restait des maisons démantelées. Au bout de quelques heures, les familles qui résistaient ont accepté de partir.

Les familles du Groupe 78 vivaient sous la menace d’une expulsion forcée depuis trois ans ; les autorités cambodgiennes n’ont respecté aucune des garanties prévues par le droit international.

« Il est clair que le Groupe 78 a été privé des garanties prévues par la loi et n’a pas obtenu justice. La municipalité de Phnom Penh n’a fait aucune tentative de consultation de la population concernée et n’a étudié aucune alternative viable à l’expulsion, a déploré Brittis Edman. Cela dénote un mépris total pour l’obligation de protéger le droit au logement qui incombe au gouvernement. »

La municipalité a remis le dernier avis d’expulsion au Groupe 78 en avril 2009 ; lors des rencontres qui ont suivi, des responsables, notamment le vice-gouverneur de Phnom Penh, ont prévenu les habitants que la police et la police militaire détruiraient leurs maisons s’ils n’acceptaient pas l’indemnité qui leur était offerte. Les habitants ont également été informés du fait que 700 agents des forces de sécurité avaient été mobilisés en vue de leur expulsion.

Les habitants du Groupe 78 ont commencé à s’installer dans le secteur des berges du fleuve en 1983. Ils ont effectué à plusieurs reprises depuis 2006 des démarches afin d’obtenir un titre de propriété officiel, mais les autorités sont restées sourdes à leurs demandes malgré les documents officiels présentés par les familles prouvant que leurs revendications reposaient sur des bases solides.

L’ordre d’expulsion a été donné par la municipalité, qui, au regard du droit international, n’est pas habilitée à délivrer un tel document, et sans la supervision d’une autorité judiciaire contrairement à ce que prévoit la loi de 2001 relative à la propriété foncière. L’ordre a été donné en dépit du fait qu’une commission locale doit encore déterminer qui est propriétaire du terrain contesté. Les solutions de relogement et les indemnités offertes par la municipalité sont insuffisantes.

Aux termes du droit international, notamment du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), le Cambodge est tenu de ne procéder à aucune expulsion forcée et de protéger la population contre cette pratique.

Le gouvernement cambodgien fait rarement respecter le droit à un logement décent et ne protège pas sa population contre les expulsions forcées. Pour la seule année 2008, Amnesty International a enregistré environ 27 expulsions forcées, qui ont affecté 23 000 personnes approximativement. Amnesty International appelle à nouveau le gouvernement cambodgien à mette un terme aux expulsions forcées et à décréter un moratoire sur toutes les expulsions massives jusqu’à ce que soit mis en place un cadre juridique garantissant la protection des droits humains.

Dans le cadre de la campagne Exigeons la dignité qu’elle a lancée en mai 2009, Amnesty International a exhorté le gouvernement cambodgien à mettre un terme aux expulsions forcées et à décréter un moratoire sur toutes les expulsions massive en attendant la mise en place d’un cadre juridique garantissant la protection des droits humains.

L’organisation a également demandé aux gouvernements au niveau mondial de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment en adoptant des lois et des politiques conformes au droit international relatif aux droits humains, afin d’interdire et d’empêcher les expulsions forcées.