Le Sénat italien doit bloquer un projet de loi controversé

Le Sénat italien se prononcera, ce mardi 30 juin, sur un projet de loi controversé qui bafouerait les droits des migrants et des demandeurs d’asile et qui risque d’être à l’origine de discriminations à l’égard des Roms et des Sintis.

Ce projet de loi, dit « paquet sécurité », a été approuvé par la Chambre des députés le 14 mai 2009.

Amnesty International s’est dite particulièrement préoccupée par une disposition qui érige en délit « l’immigration clandestine », soit le fait d’être arrivé dans un pays sans autorisation ni papiers. L’organisation s’inquiète également d’autres dispositions du projet de loi qui priveraient de droits des personnes vulnérables au motif qu’elles n’ont pas de titre de séjour régulier ou ne figurent pas sur certains registres, et qui permettraient aux mairies de charger des groupes de citoyens d’effectuer des rondes.

« Les autorités italiennes sont responsables de toutes les personnes qui vivent sur le territoire italien, indépendamment de la façon dont celles-ci y sont parvenues, a déclaré David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« En mettant en œuvre certaines des propositions figurant dans le “paquet sécurité”, elles priveront de leurs droits fondamentaux des personnes qui vivent en marge de la société. Elles violeront également les obligations de l’État italien aux termes du droit international relatif aux droits humains. »

Si l’immigration clandestine, comme le prévoit le projet de loi, est érigée en délit, les migrants en situation d’irrégularité seront passibles d’une amende comprise entre 5 000 et 10 000 euros. En application de cette nouvelle disposition et du droit pénal existant, les fonctionnaires et autres personnes chargées d’un service public (médecins, enseignants et employés municipaux) seront tenus de dénoncer les migrants clandestins à la police, faute de quoi ils s’exposeront à des poursuites pénales.

La crainte de la délation risque de dissuader les migrants en situation irrégulière d’accéder à l’éducation et aux soins médicaux (y compris d’urgence) et de faire appel, le cas échéant, à la protection des forces de l’ordre contre la criminalité. De même, elle pourrait les amener à renoncer à faire enregistrer la naissance de leurs enfants, portant ainsi atteinte au droit de l’enfant d’être reconnu devant la loi.

« Les États ont le pouvoir et le devoir de contrôler les flux migratoires, mais ils ne doivent pas le faire aux dépens des droits humains, notamment des droits des migrants clandestins à la santé, à l’éducation et à l’enregistrement des enfants à la naissance », a déclaré David Diaz-Jogeix.

Aux termes de la disposition du projet de loi relative au séjour et à l’enregistrement, toutes les personnes sans domicile fixe, de même que celles vivant dans des habitations délabrées ou dans des caravanes, seront rayées des registres des habitants des communes. Or, toute personne, pour avoir accès aux services de santé, d’aide sociale, d’éducation et de logement social à l’endroit où elle vit, doit être inscrite sur de tels registres. Les habitations délabrées hébergeant majoritairement des immigrés clandestins et les caravanes des Roms et des Sintis, la mise en œuvre de la loi risque d’entraîner une discrimination indirecte.

Enfin, la disposition autorisant les mairies à charger des groupes privés de citoyens d’effectuer des rondes risque de déboucher sur des discriminations et sur la constitution de milices d’autodéfense. On ignore quelle serait l’étendue des pouvoirs de ces groupes, quelle serait la formation requise (ni même si une formation serait requise) pour en faire partie, sous quelle autorité ils agiraient et quelles mesures seraient adoptées pour qu’ils soient tenus de rendre compte de leurs actes en cas de violations présumées du droit relatif aux droits humains.

Ces dernières années, Amnesty International et d’autres organisations ont recueilli des informations sur des agressions commises contre des Roms et des étrangers par des groupes auto-constitués dans plusieurs régions italiennes.

« La “légalisation” potentielle des groupes privés de citoyens pourrait déboucher sur des tentatives de harcèlement et des violences accrues ou moins visibles, qui pourraient même constituer des crimes, a déclaré David Diaz-Jogeix.

Les autorités, en dernière analyse, seront responsables d’avoir incité à la discrimination et à l’hostilité envers les groupes minoritaires, dont les Roms, les Sintis et les migrants. »

Amnesty International a exhorté le Parlement italien à n’adopter aucune loi susceptible de déboucher sur des discriminations et de violer l’obligation qui incombe à l’État italien de respecter, protéger et mettre en œuvre des droits internationalement reconnus.