Une femme risque l’exécution au Yémen à la suite d’interventions politiques

Une Yéménite accusée d’avoir tué son mari pourrait se voir ôter la vie à tout moment. Fatima Hussein al Badi a été déclarée coupable de meurtre en 2001 et se trouve sous le coup d’une sentence de mort, bien qu’un organe judiciaire ait estimé en 2003 qu’elle n’avait pas pris part à l’homicide.

On craint de plus en plus pour sa vie, une autre femme à laquelle des faits similaires avaient été imputés ayant été mise à mort le 19 avril. Aisha Ghalib al Hamzi avait été condamnée à la peine capitale pour le meurtre de son époux, commis en octobre 2003. Cette sentence avait été confirmée en appel en 2007.

En décembre 2008, à Sanaa, la Cour suprême a rendu le même jugement, ratifié ensuite par le président. Aisha Ghalib al Hamzi a été exécutée après que des parents de son époux, dont leurs sept enfants, aient refusé de lui accorder leur pardon.

Selon le principe de qisas (« réparation ») propre à la charia (loi islamique), les membres de la famille de victimes de certaines catégories de meurtre ont la possibilité d’accorder leur pardon gratuitement ou moyennant le paiement d’une compensation financière (la diyya, soit le prix du sang) ou bien d’exiger l’exécution.

Amnesty International a condamné l’exécution d’Aisha Ghalib al Hamzi, et demandé aux autorités yéménites de ne pas ôter la vie à Fatima Hussein al Badi et de suspendre immédiatement toutes les autres exécutions prévues. L’organisation est opposée en toutes circonstances à la peine de mort, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie.

Fatima Hussein al Badi et son frère Abdullah ont été arrêtés le 13 juillet 2000 pour le meurtre de Hamoud Ali al Jalal, le mari de Fatima. Au cours des interrogatoires qui ont suivi, la police aurait tenté de la faire « avouer » en la mettant en présence de son frère alors qu’il avait le visage couvert de sang.

On l’aurait menacée de viol devant celui-ci, qui s’est semble-t-il accusé du meurtre pour la sauver.

D’après certaines informations recueillies par Amnesty International, elle n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat durant les interrogatoires et n’a pu en consulter un qu’après avoir été inculpée de meurtre. Au cours de plusieurs audiences, Fatima et Abdullah Hussein al Badi n’auraient bénéficié d’aucune assistance juridique et auraient été contraints au silence dès qu’ils tentaient de s’exprimer.

Ils ont tous deux été condamnés à la peine capitale par un tribunal de première instance en février 2001, sentence confirmée par la Cour d’appel en août 2002.

En septembre 2003, la Cour suprême a jugé que Fatima Hussein al Badi n’avait pas pris part au meurtre de son époux mais avait aidé à cacher son corps, et ramené sa peine à quatre ans d’emprisonnement.

Cependant, à la suite de l’intervention du président du Parlement, le président de la République du Yémen a refusé de ratifier ce nouvel arrêt, et a renvoyé l’affaire devant la Cour suprême afin qu’elle l’examine une seconde fois. La condamnation à mort a été rétablie, décision validée par le président.

Abdullah Hussein al Badi a été exécuté en mai 2005. Fatima Hussein al Badi se trouve toujours dans le quartier des condamnés à mort et risque d’être exécutée. Selon certaines sources, son fils, qui serait l’aîné de ses quatre enfants, refuse de lui accorder son pardon au titre de qisas et exige son exécution immédiate.

« Dans le cas de Fatima Hussein al Badi, les tenants des pouvoirs exécutifs et législatifs de l’État se sont immiscés de manière flagrante dans des affaires qui devraient être du seul ressort du pouvoir judiciaire, a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International. Cette ingérence, conjuguée aux irrégularités patentes qui ont caractérisé l’enquête et le procès rendent la perspective d’une exécution particulièrement dérangeante. »

Le Yémen maintient la peine de mort pour de nombreuses infractions, allant du meurtre à des délits non violents comme l’apostasie. La vaste portée de ce châtiment, associée au fait que les procédures judiciaires sont souvent loin d’être conformes aux normes internationales, ont contribué à faire du Yémen l’un des pays ayant le plus recours à la peine capitale dans le monde.