Le ministre irakien de la Justice a été prié de suspendre la mise à mort de 128 condamnés, certaines informations faisant état de l’intention des autorités de commencer à procéder à des séries de 20 exécutions hebdomadaires dès la semaine prochaine.
Le recours à la peine de mort en Irak augmente à un rythme alarmant depuis le rétablissement de ce châtiment par le gouvernement en août 2004, après une interruption de plus d’un an ordonnée par l’Autorité provisoire de la coalition.
L’an dernier, au moins 285 personnes ont été condamnées à mort ; trente-quatre exécutions, peut-être davantage, ont eu lieu. En 2007, au moins 199 personnes ont été condamnées à la peine capitale et 33 exécutées, et en 2006, au moins 65 personnes ont été mises à mort. Ces chiffres pourraient être bien en-deçà de la réalité, car il n’existe pas de données officielles relatives au nombre de prisonniers sous le coup d’une sentence de mort.
« Le gouvernement irakien avait soutenu en 2004 que le rétablissement de la peine capitale permettrait de freiner l’escalade de la violence dans le pays. En réalité, cependant, les chiffres de la violence restent extrêmement élevés et la peine de mort n’a, encore une fois, pas eu l’effet dissuasif escompté, a expliqué Malcolm Smart, directeur du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. À vrai dire, la plupart des attaques sont des attentats-suicides, dont il est bien évidemment improbable que les auteurs se laissent dissuader par la menace d’une exécution. »
Le 9 mars, le Conseil judiciaire suprême d’Irak a informé Amnesty International que le Collège présidentiel (composé du président de la République et de ses deux vice-présidents) avait ratifié les condamnations à mort de 128 personnes, dont les peines avaient déjà été confirmées par la Cour de cassation.
Les autorités irakiennes n’ont fourni aucune information relative à l’identité de ceux qui risquent ainsi d’être exécutés à tout moment, attisant les craintes que nombre d’entre eux n’aient été condamnés à l’issue de procès iniques.
La plupart ont certainement été condamnés à mort par le Tribunal pénal central irakien, dont les procédures sont systématiquement non conformes aux normes internationales d’équité. Il est probable que certains aient été déclarés coupables de meurtre et d’enlèvement sur la base d’« aveux » arrachés sous la torture au cours de leur détention provisoire par les forces de sécurité irakiennes. Les trop rares enquêtes menées par Tribunal pénal central irakien sur les allégations de torture sont insuffisantes. Les détenus se trouvant sous la garde des forces de sécurité irakiennes continuent fréquemment à subir la torture.
« Le système judiciaire irakien, qui est dépassé par les événements, n’est tout simplement pas en mesure de garantir des procès équitables dans les affaires criminelles ordinaires, et encore moins lorsque le crime est passible de la peine capitale. Nous craignons par conséquent que de nombreuses personnes ne soient envoyées à la mort à l’issue de procès iniques, a ajouté Malcolm Smart. L’Irak continue à être en proie à des violences politiques aiguës mais la peine de mort n’est pas la bonne réponse et, compte tenu de son effet déshumanisant, elle peut même aggraver la situation. Le gouvernement irakien doit ordonner l’arrêt immédiat de ces exécutions et instaurer un moratoire sur toutes les exécutions en Irak. »
Amnesty International a demandé aux autorités irakiennes de rendre publiques toutes les informations disponibles relatives aux 128 personnes concernées, en particulier leur nom complet, le détail des charges retenues contre elles, la date de leur arrestation, de leur procès et de leur appel éventuel, et leur lieu de détention actuelle.