Les autorités colombiennes ont engagé de nouvelles poursuites pénales contre deux éminents défenseurs colombiens des droits humains très respectés. Le prêtre jésuite Javier Giraldo et Elkin Ramírez, avocat de la Corporation juridique « Liberté », une ONG de défense des droits fondamentaux, doivent répondre d’accusations de diffamation, une infraction pénale en Colombie.
Tous deux dénoncent avec vigueur le massacre, datant de février 2005, de huit membres de la communauté de paix de San José de Apartadó, département d’Antioquia, ainsi que d’autres violations des droits humains commises dans la région au fil des années. Les services de la Fiscalía General (l’organe de l’État qui déclenche les procédures pénales, mène l’enquête et prononce l’inculpation) a déterminé que des membres des forces de sécurité et de groupes paramilitaires étaient impliqués dans cette tuerie.
Les poursuites pénales engagées contre Javier Giraldo et Elkin Ramírez remontent à 2005. À l’époque, le colonel Néstor Duque, qui commandait le bataillon du génie Carlos Bejarano Muñoz de la 17e brigade de l’armée colombienne, avait porté plainte pour diffamation contre les deux hommes après qu’ils eurent dénoncé certaines irrégularités dans l’arrestation, effectuée par la 17e brigade, de membres de la communauté de paix en 2004.
Des soldats de la 17e brigade figurent parmi les personnes soupçonnées d’avoir pris part au massacre de 2005 à San José. Au moment des faits, le colonel Duque dirigeait le bataillon du génie Carlos Bejarano Muñoz de la 17e brigade.
« Nous craignons que la décision de rouvrir ces affaires ne relève d’une volonté de salir ces deux hommes, afin de freiner l’information judiciaire sur le rôle joué par la 17e brigade dans la tuerie de San José, a déclaré Marcelo Pollack, directeur adjoint du programme Amériques d’Amnesty International. Les autorités doivent une fois pour toutes cesser de se servir du système judiciaire du pays pour faire obstacle au travail légitime des défenseurs des droits humains. En persistant dans cette voie, elles mettent en danger la vie de ces militants et affaiblissent la lutte contre l’impunité. »
En Colombie, les défenseurs des droits humains et d’autres militants, tels que les syndicalistes, continuent également à être menacés et parfois même tués pour avoir dénoncé des atteintes aux droits fondamentaux. Plus de 12 défenseurs et de 46 syndicalistes ont été tués au cours de la seule année 2008.
L’une des dernières victimes, Álvaro Miguel Rivera Linares, militait pour les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres et des personnes vivant avec le VIH/sida. Il a été retrouvé mort, ligoté et bâillonné, dans son appartement, dans la ville de Cali, le 6 mars 2009.
« Paradoxalement, la principale ligne de défense des militants des droits humains – la loi et la justice – est très souvent utilisée de manière abusive afin de les harceler et de les intimider, a déploré Marcelo Pollack. Au lieu de persécuter les défenseurs, les autorités devraient s’efforcer de les protéger davantage contre les agressions dont ils font l’objet, et de traduire les responsables présumés en justice. »
« Afin de décourager efficacement ce harcèlement et ces attaques, les autorités doivent, au plus haut niveau, reconnaître publiquement le précieux travail mené par les personnes qui défendent les droits fondamentaux. Cela enverrait un message fort à tous ceux qui tentent de porter atteinte au travail effectué par les défenseurs en usant de la violence.»