Le système carcéral chinois sur la sellette après la mort de plusieurs détenus

Alors qu’au moins six détenus ont trouvé la mort en prison depuis le début de l’année 2009, les appels en faveur d’une réforme du système carcéral chinois se multiplient.

Lors de la récente session de l’Assemblée populaire nationale – l’organe responsable des pouvoirs législatifs centraux –, qui s’est achevée le 13 mars, les autorités judiciaires se sont engagées à inspecter plus fréquemment les établissements carcéraux afin d’empêcher que les détenus ne soient torturés par des policiers ou brutalisés par d’autres prisonniers.

« En Chine, la torture et les autres types de mauvais traitement restent monnaie courante parce que les détenus ont des contacts restreints avec leur avocat et leur famille, et que l’accusation utilise souvent des ” aveux ” à titre de preuve, a déclaré Roseann Rife, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Amnesty International salue les engagements pris en faveur d’une surveillance accrue des lieux de détention en Chine. Les autorités doivent cependant modifier le code de procédure pénale afin qu’il interdise explicitement que les ” aveux ” arrachés sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitement puissent être retenus à titre de preuve dans le cadre de procès. »

Le système pénitentiaire chinois s’est trouvé sous les projecteurs après la mort, des suites de graves lésions cérébrales, d’un jeune homme détenu dans la province de Yunnan (sud-ouest du pays) le 12 février.

Des policiers en poste dans ce centre de détention, dans le canton de Jinning, ont initialement affirmé que Li Qiaoming s’était blessé accidentellement en fonçant dans un mur avec les yeux bandés alors qu’il jouait à cache-cache avec d’autres prisonniers.

Cette affaire a fait l’objet d’une très large couverture médiatique en Chine et les autorités ont fait droit aux demandes en faveur d’une enquête, décision qui leur a valu des louanges unanimes. Les résultats livrés par l’enquête ont montré que Li Qiaoming avait été battu à mort par d’autres détenus tyrannisant le reste de la population carcérale.

Compte tenu des informations persistantes selon lesquelles des détenus sont tourmentés et torturés, il est demandé à des institutions judiciaires ou indépendantes de remplacer la police à la tête des lieux de détention.

« La responsabilité de l’élimination des brutalités au sein des prisons revient au service dirigeant les établissements. Le travail de supervision effectué par le Parquet populaire suprême est important mais cette instance ne doit pas être la seule responsable de la sécurité des détenus », a estimé Tong Jianming, porte-parole du Parquet populaire suprême.

« Les centres de détention ne doivent pas être administrés par les services de police, car ils procèdent aux arrestations et torturent parfois les suspects afin de les forcer à ” avouer ” », a fait remarquer Duan Zhengkun, ancien vice-ministre de la Justice.

La mort de Li Qiaoming a donné lieu au limogeage de trois hauts fonctionnaires responsables des établissements carcéraux du canton de Jinning, et à l’inculpation de deux gardiens pour manquements à leurs obligations. Un fonctionnaire travaillant dans l’aile où était incarcéré le jeune homme a également été démis de ses fonctions et, d’après le parquet de la province, il est probable que les trois détenus qui l’ont roué de coups aient à répondre d’accusations de violences ayant entraîné la mort.

Tout récemment, Hu Fenqiang, de Xiangtan (province du Hunan), simple suspect, a été prononcé mort le 12 mars après avoir perdu connaissance dans un centre de détention. Les policiers ayant participé à son interrogatoire ont été suspendus de leurs fonctions le temps de l’enquête.

Xu Gengrong, un étudiant de dix-neuf ans, est mort au bout de sept jours de détention dans le canton de Danfeng (province du Shaanxi) le 8 mars. Les résultats de son autopsie ont montré que le jeune homme, soupçonné du meurtre d’une étudiante, avait été privé de nourriture et souffrait de diverses lésions.

Son cas a suscité une vive émotion dans le canton de Danfeng, lorsque ses amis et parents ont accusé la police de l’avoir torturé après avoir vu son corps. Ils ont dit que ses bras, ses mains et ses jambes portaient des ecchymoses. Il avait également du sang dans les narines.

Wu Ming, un camarade de classe de Xu Gengrong, lui-même détenu pendant deux jours, a déclaré que la police les a considérés comme des suspects depuis le tout début. « Ils m’ont gardé éveillé, battu jusqu’à ce que mon nez saigne et obligé à porter un tas de briques sur mon dos ; à force de les retenir, mes bras s’engourdissaient », a-t-il confié aux médias locaux.

À Changsha, dans la province du Hunan, Xiao Haixing et Qiu Xiaolong, deux adolescents placés dans la même maison de redressement pour mineurs, sont tous deux morts à l’hôpital après avoir reçu des soins d’urgence, les 3 et 6 mars respectivement. Les autorités ont attribué leur mort à des raisons médicales mais leur famille refuse d’accepter ces explications officielles, estimant que les autorités essaient d’étouffer les véritables raisons de leur décès.

Le 4 mars, Luo Jingbo a été battu à mort dans un centre de détention de l’île de Hainan, dans le sud. D’après les informations relayées par les médias, ce travailleur agricole âgé de cinquante-huit ans a été agressé par d’autres détenus après qu’il eut refusé de prendre un bain comme ils le lui avaient ordonné. D’après les fonctionnaires en poste dans ce centre de détention, la tête de Luo Jingbo a heurté un mur et il est tombé à terre.

Yang Caicong, policier en service ce jour-là, a entendu ce qui se passait grâce à un dispositif de surveillance, mais n’a pas pris de mesures immédiates pour mettre un terme à l’agression. Il a été arrêté le 13 mars pour manquement à ses obligations.

« L’augmentation du nombre d’informations faisant état de morts en détention est révélatrice d’un problème grave au sein du système carcéral chinois, qui doit être réglé par le biais d’une réforme rigoureuse. Les autorités chinoises doivent également diligenter des enquêtes indépendantes sur toutes les morts survenues en détention et traduire les responsables présumés en justice », a conclu Roseann Rife.