En Colombie, des communautés qui ont décidé de défendre le droit qu’ont leurs membres, en tant que civils, de ne pas être impliqués dans le conflit qui déchire le pays depuis de longues années, sont sanctionnées par les deux camps. Les « communautés en résistance » sont depuis des années la cible d’attaques menées par les forces de sécurité colombiennes, les paramilitaires et des mouvements de guérilla.
Les communautés d’origine africaine des bassins du Curvaradó et du Jiguamiandó, dans le département du Chocó, et la « communauté de paix » de petits paysans de San José de Apartadó, dans le département d’Antioquia, comptent parmi ces « communautés en résistance » qui sont attaquées.
Plusieurs « zones humanitaires » ont été créées par des communautés des bassins du Jiguamiandó et du Curvaradó en vue de protéger leurs membres contre les attaques et d’empêcher les plantations illégales de palmiers à huile d’empiéter sur leurs terres, et aussi pour faire savoir avec fermeté aux belligérants qu’ils doivent respecter leurs droits en tant que civils.
« Les communautés afro-colombiennes, indigènes et paysannes comptent parmi les plus touchées par le conflit, a expliqué Marcelo Pollack, chercheur sur la Colombie à Amnesty International. Certaines attaques visent à décourager toute tentative de mettre sur pied d’autres communautés ou à sanctionner ceux qui ont déjà pris position, et d’autres ont pour objectif de pousser les communautés à quitter des terres riches en ressources naturelles ou revêtant une importance stratégique pour l’un ou l’autre des deux camps. »
La « communauté de paix » de San José de Apartadó a été fondée en mars 1997 par des civils qui se sont engagés à ne pas prendre part au conflit et à ne pas s’y laisser entraîner. Ses membres refusent de porter les armes ou de fournir une quelconque information ou aide logistique aux belligérants des deux camps. Les forces de sécurité et les paramilitaires la qualifient de subversive, tandis que les mouvements de guérilla l’accusent de collaborer avec leurs ennemis.
Depuis la création de cette communauté de paix, plus de 170 de ses membres ont été tués ou victimes d’une disparition forcée. La semaine dernière, la communauté a commémoré le quatrième anniversaire du massacre de huit de ses membres, le 21 février 2005. L’enquête judiciaire a conclu à l’implication d’agents des forces de sécurité et de paramilitaires dans ces meurtres.
Au cours du conflit colombien, des communautés entières se sont retrouvées isolées et prises au piège, incapables de se procurer de la nourriture et des médicaments en raison des combats ou des restrictions en matière de transports imposées par les belligérants, qui font souvent valoir que ces biens sont destinés à leurs ennemis.
Les violences en Colombie ont entraîné le déplacement forcé de trois à quatre millions de personnes. Un grand nombre d’entre elles ont dû fuir leur foyer après avoir reçu des menaces de la part de toutes les parties au conflit. Seul le Soudan bat ce triste record.
« Le conflit qui ravage la Colombie depuis quarante ans est marqué par d’innombrables cas de communautés brisées et de tragédies humaines, a ajouté Marcelo Pollack. Les forces de sécurité, les paramilitaires et les guérilleros devraient respecter, et non attaquer, ceux qui défendent leur droit de rester en dehors du conflit. »
Amnesty International a appelé les autorités colombiennes à mener des enquêtes et à traduire en justice tous les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains commises contre des membres de ces « communautés en résistance », et à prendre d’urgence toutes les mesures nécessaires pour garantir leur sécurité, conformément aux souhaits exprimés par ces communautés.
« Tous les belligérants doivent aussi respecter le droit à la vie des membres de ces communautés, et des autres communautés civiles, et veiller à ce qu’ils ne soient pas précipités dans le conflit », a souligné Marcelo Pollack.