Une trêve doit être instaurée à Sri Lanka en raison de la détérioration de la situation humanitaire

Alors que les combats continuent de faire rage à Sri Lanka et que la situation humanitaire se détériore, les appels à une trêve entre le gouvernement sri-lankais et les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) se multiplient.

Amnesty International a demandé aux deux parties impliquées dans le conflit d’instaurer immédiatement une trêve humanitaire et d’ouvrir des couloirs humanitaires. Cela permettrait aux plus de 250 000 civils pris au piège de fuir le conflit en cours et à ceux qui ne peuvent s’échapper d’obtenir de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux.

L’organisation a insisté auprès du gouvernement sri-lankais pour qu’il veille à ce que les personnes déplacées qui ont fui la zone de combat et rejoint des centres de transit ne voient pas leur liberté de mouvement indûment restreinte. Elle lui a également demandé de veiller à ce qu’elles soient en sécurité.

Depuis décembre, moins de 10 000 personnes originaires du Vanni ont cherché refuge dans des zones contrôlées par le gouvernement. Elles sont maintenues dans des centres de détention de facto ou dans des « villages d’accueil » et risquent de subir des violences de la part des forces gouvernementales.

Ces camps sont situés à Kalimoddai et Sirukandal (district de Mannar), ainsi qu’à Manik Farm et Nellumkulam (district de Vavuniya). De nouveaux camps sont en train de voir le jour dans les districts de Mannar, Vavuniya et Jaffna.

Bien que le gouvernement ait autorisé quelques personnes déplacées à quitter ces camps pour des motifs liés à leur éducation, leur subsistance ou leur santé, celles-ci doivent laisser un membre de leur famille dans le camp afin de garantir leur retour. Cette pratique bafoue l’interdiction de la prise d’otage inscrite dans le droit international.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) bénéficient d’un accès limité aux centres existants. Le gouvernement n’a pas autorisé d’autres organisations humanitaires à y accéder.

« Actuellement, le plus urgent est de faire porter tous les efforts sur l’acheminement immédiat et sans entrave de l’aide humanitaire aux familles prises au piège entre les parties au conflit, a déclaré Yolanda Foster, chercheuse d’Amnesty International chargée de Sri Lanka. Le gouvernement sri-lankais veut l’aide internationale, mais pas les normes internationales. »

Environ 300 000 personnes sont actuellement prises au piège des affrontements entre les différentes parties sur un petit territoire dans la région du Vanni. Ces familles ne disposent pas d’abris suffisants et manquent de nourriture depuis maintenant des mois. Les civils sont totalement dépendants de la nourriture en provenance de l’extérieur. Le dernier convoi d’aide alimentaire est arrivé dans la région le 29 janvier mais on ignore si la nourriture été distribuée en totalité à tous ceux qui en avaient besoin.

« La situation de la population civile du Vanni est inacceptable, a ajouté Yolanda Foster. Les gens ne peuvent pas circuler en sécurité, même pour aller chercher les dépouilles de leurs proches, et il n’y a pas d’hôpital pour accueillir les blessés. Quelque 250 000 personnes souffrent de la pénurie de nourriture et d’abri, tandis que les obus pleuvent alentour. La majorité de ceux qui sont parvenus à fuir les combats n’ont pas reçu les soins hospitaliers requis. »

Le dernier hôpital en fonctionnement dans la zone de conflit a été fermé. Situé dans la ville de Puthukkudiyiruppu, il a dû être évacué mardi après avoir été pilonné.

Il avait fait l’objet de plusieurs attaques avant l’évacuation. Dimanche, au moins neuf personnes ont été tuées et 20 autres blessées lorsque l’hôpital a été la cible de trois frappes directes. Il a été touché une quatrième fois lundi matin.

« Si l’hôpital a été délibérément visé par le gouvernement ou les LTTE, cela constitue un crime de guerre, a indiqué Yolanda Foster. Si l’hôpital a été touché au cours d’une attaque disproportionnée ou aveugle par l’une ou l’autre des parties, cela constitue aussi un crime de guerre. Amnesty International demande une nouvelle fois aux forces sri-lankaises et aux LTTE de respecter le droit humanitaire international. »

Les deux principales parties au conflit ont un lourd passif en matière de droits humains. Par le passé, les LTTE ont recruté des enfants. Ils ont réduit au silence des détracteurs dans les zones qu’ils contrôlent et ont envoyé des civils creuser des bunkers et travailler sur les lignes de front.

« La vie des civils dans les zones contrôlées par les LTTE est extrêmement pénible, a expliqué Yolanda Foster. Pour récolter des fonds, les LTTE ont imposé une taxe à certaines familles. Une autre de leurs pratiques consistait à réclamer qu’un enfant par famille leur soit remis. Je me suis entretenue avec des mères qui avaient perdu non pas un mais deux enfants au profit des LTTE. Il est également très difficile de créer une radio indépendante ou d’avoir une quelconque opinion qui diffère de la ligne officielle des LTTE. »

Le gouvernement est impliqué, directement et indirectement, dans des disparitions, des exécutions extrajudiciaires et des actes d’intimidation explicite à l’encontre de ses détracteurs. Il a également réduit au silence la dissidence dans le sud du pays afin d’écraser la contestation.

Depuis 2006, 14 journalistes ont été tués à Sri Lanka. De nombreuses actions ont été menées pour faire taire toute voix critique. Le gouvernement a intimidé des rédacteurs en chef, exigeant notamment que les journaux ne couvrent pas certains sujets comme la crise humanitaire, et il est clair qu’une campagne concertée visant à réduire les médias au silence a été lancée.

Les responsabilités n’ont pas été véritablement établies en ce qui concerne les homicides commis au cours des deux dernières années, ce qui est synonyme d’impunité pour les auteurs de ces actes. Au début de l’année, le célèbre journaliste Lasantha Wickramatunge, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Sunday Leader, a été assassiné à Colombo. La plupart des journalistes pensent qu’aucune enquête sérieuse ne sera ouverte sur cet homicide.

« L’un des éléments vraiment préoccupants est qu’il s’agit d’un conflit sans témoins, a expliqué Yolanda Foster. Nous ne savons absolument pas ce qui s’est passé à Sri Lanka ces dernières semaines. Mais selon les quelques organisations humanitaires encore sur place, il y aurait eu plusieurs centaines de victimes rien qu’au cours de cette période.

« Les informations minimes dont nous disposons sur ces événements montrent qu’il est absolument nécessaire de déployer de toute urgence des observateurs internationaux indépendants. Le gouvernement sri-lankais et les LTTE doivent permettre sans délai l’arrivée de ces observateurs. »