Le Parlement éthiopien adopte une nouvelle loi répressive sur les ONG

Le Parlement éthiopien a adopté une nouvelle loi qui pourrait rendre pénalement répréhensibles les activités de défense des droits humains des organisations non gouvernementales (ONG) nationales et étrangères.

La Loi sur les sociétés et associations caritatives, adoptée ce mardi 6 janvier, vise à contrôler et surveiller étroitement la société civile, dans un climat d’intolérance à l’égard du travail mené par les défenseurs des droits humains et par les organisations de la société civile.

Dans une de ses premières versions, le projet de loi prévoyait des contrôles stricts exercés par le gouvernement et de lourdes sanctions pénales pour les ONG. La version finale du texte n’est probablement pas très différente.

Le gouvernement éthiopien affirme que cette loi vient pallier ce qu’il considère comme des insuffisances de la législation, et garantit la transparence financière, l’obligation de rendre des comptes ainsi qu’une administration et une réglementation « appropriées » de la société civile. Mais elle va beaucoup plus loin que ce qui serait nécessaire en matière de législation pour encadrer les ONG.

Les dispositions répressives de la loi semblent avoir pour objectif de cacher les violations des droits humains, d’étouffer la contestation et d’empêcher les gens de protester publiquement contre les agissements du gouvernement, à l’approche des élections prévues pour 2010.

Amnesty International considère également que la mise en œuvre de certaines des dispositions de la loi pourrait violer des traités relatifs aux droits humains internationaux et régionaux auxquels l’Érythrée est partie.

Si elle est appliquée, la Loi sur les sociétés et associations caritatives rendra pénalement répréhensibles les activités de défense des droits humains menées par des organisations éthiopiennes dont le financement est assuré à plus de 10 % par des fonds étrangers.

La loi rendra aussi pénalement répréhensibles les activités de défense des droits humains menées par des ONG étrangères, y compris dans le cadre de campagnes pour l’égalité des genres, pour les droits des enfants, pour les droits des personnes handicapées et pour la résolution des conflits.

Elle va également infliger des sanctions pénales disproportionnées pour des infractions mineures à la législation, mettre en place une Agence des sociétés et associations caritatives dotée de larges pouvoirs discrétionnaires à l’égard des organisations de la société civile, et permettre au gouvernement de surveiller les activités et la gestion de ces organisations et de s’immiscer dans leurs affaires.

Le bilan du gouvernement éthiopien en matière de droits humains s’est fortement alourdi après les élections contestées de 2005 : au moins 187 manifestants ont été tués et des milliers d’autres ont été arrêtés, parmi lesquels un grand nombre de parlementaires de l’opposition, de dirigeants de partis d’opposition, de journalistes et de défenseurs des droits humains.

La plupart des personnes arrêtées et jugées ont été acquittées ou libérées après une condamnation, à la faveur de grâces présidentielles négociées en 2007. Or, la semaine dernière, Birtukan Mideksa, ancienne juge et actuelle dirigeante du nouveau Parti de l’unité pour la démocratie et la justice, a de nouveau été arrêtée. Le ministère de la Justice l’a avertie que la peine de réclusion à perpétuité à laquelle elle avait été initialement condamnée serait rétablie.

Amnesty International a exhorté les organisations internationales et les pays donateurs – notamment les États-Unis, la France et le Royaume-Uni – à condamner cette nouvelle loi et à surveiller de près ses répercussions sur les organisations de défense des droits humains qui travaillent dans le pays.

Ces pays doivent clairement faire savoir qu’ils ont l’intention d’user de leur influence pour empêcher que des violations des droits humains ne soient commises en Éthiopie en vertu des dispositions de cette loi.