Les autorités zimbabwéennes s’en prennent à des militants et des syndicalistes

Une militante zimbabwéenne des droits humains a été enlevée chez elle le 3 décembre à l’aube par un groupe d’hommes armés en civil qui se sont présentés comme étant des policiers. Jestina Mukoko est la directrice de Projet de paix pour le Zimbabwe (ZPP), organisation locale de défense des droits humains qui observe la situation dans le pays et rassemble des informations sur les violations qui y sont commises.

Plusieurs syndicalistes, notamment le secrétaire général du Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe (PTUZ), Raymond Majongwe, et un journaliste travaillant pour un organe de presse audiovisuelle sud-africain, ont également été arrêtés à Harare le 3 décembre.

« L’enlèvement ou l’arrestation de Jestina Mukoko s’inscrit dans la politique délibérée de harcèlement et d’intimidation que mènent les autorités du Zimbabwe contre les défenseurs des droits humains pour les dissuader de diffuser des informations sur les violations qui ont lieu », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

Mercredi 3 décembre vers 5 heures du matin, une douzaine d’hommes au moins ont fait irruption au domicile de Jestina Mukoko, à Norton, au sud de la capitale, Harare, et l’ont emmenée de force pieds nus et en pyjama. Un témoin de la scène a déclaré à Amnesty International que les hommes étaient partis dans deux voitures, dont l’une n’avait pas de plaque d’immatriculation.

Samedi 29 novembre, six hommes environ, qui faisaient sans doute partie du même groupe, avaient essayé de pénétrer chez elle en son absence après avoir dit qu’ils venaient pour faire des travaux, selon le même témoin.

« Nous considérons les autorités du Zimbabwe comme responsables du sort de Jestina Mukoko. Cette femme devrait être libérée immédiatement, mais en attendant sa libération les autorités doivent assurer sa sécurité et veiller à ce qu’elle puisse entrer en contact avec un avocat et sa famille et recevoir de la nourriture, des habits chauds et des médicaments », a poursuivi Erwin van der Borght.

Ces arrestations interviennent au moment où le Congrès des syndicats zimbabwéens a lancé un mouvement de protestation contre la pénurie de liquidités à laquelle le pays est confronté, dans un contexte d’hyperinflation marqué par l’augmentation quotidienne du prix des produits de première nécessité.

Le ZCTU avait incité les habitants à exiger des banques le versement de leur argent, après que la Banque de réserve du Zimbabwe eut imposé un plafond quotidien de retrait, dont le montant ne permettait pas de payer un ticket de bus. Ce plafond a été relevé début décembre, mais les banques font face à une pénurie de liquidités.

Le 1er décembre, un groupe d’au moins 40 militaires qui n’avaient pas pu retirer leur solde à la banque se sont livrés à des violences dans Harare. Ils ont frappé des passants, pillé des boutiques, dérobé de l’argent à des changeurs de rue et détruit des biens publics. Le 2 décembre, le ministre de la Défense, Sydney Sekeralayi, a attribué ces troubles à « des éléments indisciplinés des forces de défense ».

La situation sociale et économique du Zimbabwe s’est détériorée pour atteindre un niveau sans précédent, alors que le pays vit toujours dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement. Le système de santé du Zimbabwe, que d’autres pays lui enviaient jadis, est dans un état de quasi-désintégration.

L’épidémie de choléra qui a démarré en août a déjà fait 484 morts au moins sur les 11 735 cas recensés par les Nations unies. Les médecins et les infirmiers zimbabwéens sont en grève depuis le mois de novembre pour obtenir des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail.

Amnesty International a fait part de sa profonde préoccupation devant l’aggravation de la situation des droits humains au Zimbabwe. L’organisation demande une nouvelle fois au président Mugabe, au Premier ministre désigné Morgan Tsvangirai et aux autres dirigeants politiques du Zimbabwe d’agir de toute urgence pour résoudre la crise humanitaire et des droits humains que traverse actuellement le pays.