Ahmed Seif El Islam, défenseur des droits humains en Égypte

Ahmed Seif El Islam Hamad, un avocat égyptien âgé de cinquante-sept ans, a décrit à Amnesty International comment il a été arrêté et torturé par des agents du Service de renseignement de la sûreté de l’État en 1983 pour son rôle au sein du mouvement socialiste. Il consacre depuis lors son existence à la lutte contre la torture en Égypte. En 1989, peu après avoir recouvré la liberté à l’issue de cinq années d’emprisonnement, Ahmed Seif El Islam Hamad s’est engagé en faveur de quelques-uns des cas en relation avec les droits humains parmi les plus marquants qu’ait connus le pays.

« Bien entendu, quand je suis devenu plus actif sur le terrain des droits humains, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’un ensemble de préoccupations beaucoup plus larges que la seule torture, même si elles découlent toutes du même principe de base, que la Déclaration universelle des droits de l’homme protège également, à savoir le respect pour la dignité humaine. Tout ce qui constitue une atteinte à la dignité humaine est une violation des droits humains », a-t-il déclaré à Amnesty International au téléphone.

En 1999, Ahmed Seif El Islam Hamad a fondé, au côté d’autres défenseurs des droits humains, le Centre Hisham Mubarak pour le droit, ainsi nommé en l’honneur d’Hisham Mubarak, un avocat égyptien spécialisé dans les droits humains, qui a décidé en 1994 de consacrer sa carrière à fournir une assistance juridique aux victimes de violations des droits fondamentaux.

Le Centre propose des conseils et d’autres formes de soutien aux victimes récentes et anciennes de la torture et d’autres atteintes aux droits fondamentaux, s’efforce de faire en sorte que les auteurs présumés de ces agissements soient traduits en justice, et travaille avec d’autres organisations de la société civile pour obtenir l’abrogation des lois mettant à mal les droits humains et contredisant les principes inscrits dans la Constitution égyptienne relatifs à ces droits.

En 2006, Ahmed Seif El Islam Hamad était l’un des avocats de la défense de Karim Amer. Cet homme, le premier blogueur égyptien poursuivi pour avoir mis en ligne des documents que les autorités considéraient critiques à l’égard du président égyptien et de l’islam, a été condamné à quatre ans d’emprisonnement.

Ahmed Seif El Islam Hamad faisait également partie de l’équipe de juristes défendant 15 personnes inculpées d’infractions en relation avec le terrorisme, pour des attentats à la bombe en octobre 2004 à Taba et dans d’autres zones de la péninsule du Sinaï. Il s’était rendu dans cette région après que les autorités eurent procédé à des centaines d’arrestations au lendemain des attentats.

Ahmed Seif El Islam Hamad et d’autres défenseurs des droits humains avaient ensuite mené l’enquête sur des allégations faisant état d’actes de torture et d’autres atteintes graves dont des détenus auraient été victimes aux mains des forces de sécurité égyptiennes. S’il a condamné sans réserve la vague d’attentats, il n’estimait pas pour autant que ceux-ci justifiaient les actes de torture ou les autres violations des droits humains dont les autorités se rendaient coupables.

En l’occurrence, malgré ses efforts et ceux de ses collègues, les 15 personnes accusées d’avoir pris part aux attentats ont été jugées par la Cour suprême de sûreté de l’État (une juridiction d’exception instaurée dans le cadre de l’état d’urgence décrété de longue date en Égypte) à Ismailia, et déclarées coupables sur la base d’« aveux » qui, selon les prévenus, avaient été arrachés sous la torture.

Ahmed Seif El Islam Hamad a également aidé à la défense de 52 hommes inculpés dans le cadre de l’affaire dite du Queen Boat, en 2001, au motif de leur orientation sexuelle avérée ou présumée. Ces hommes étaient accusés de « pratique de la débauche », chef d’inculpation permettant d’ériger en infraction les relations sexuelles consenties entre adultes du même sexe en privé.

Ahmed Seif El Islam Hamad est actuellement l’un des avocats de la défense de 49 personnes jugées par la Cour suprême de sûreté de l’État à Tanta, au nord du Caire, pour leur rôle présumé dans les manifestations du 6 avril 2008 en faveur du mouvement social, émaillé de violences, lancé par des ouvriers du textile dans la ville de Mahalla. Les principaux éléments à charge sont des « aveux », extorqués selon les prévenus sous la torture alors qu’ils étaient placés au secret durant leur détention provisoire. Le jugement doit être prononcé le 15 décembre 2008. S’ils sont déclarés coupables, certains prévenus pourraient être condamnés à des peines pouvant aller jusqu’à quinze ans d’emprisonnement.

Ahmed Seif El Islam Hamad qualifie la torture de « forme de cancer qui peut dévorer la jeunesse d’un pays et étouffer sa capacité à changer, critiquer, réformer et se révolter ». Il se dit malgré cela émerveillé et encouragé par le nombre de plus en plus élevé de jeunes gens tenant à s’impliquer dans le mouvement de défense des droits humains, ainsi que par leur énergie, et leur capacité et enthousiasme à apprendre.

En ce qui concerne le procès de Mahalla, il a exprimé sa fierté de faire partie d’une équipe comprenant plus de 20 jeunes avocats plaidant pour la première fois dans le cadre d’une affaire d’une importance publique majeure. « Je crois que c’est ce qui me rend le plus heureux : entendre nos jeunes collègues prendre pour la première fois la parole devant la cour afin de défendre le public. Quelle que soit l’issue de ce cas, je pense que nous avons gagné et j’estime que nous avons beaucoup accompli », a-t-il ajouté.