France : les images d’un centre de rétention révèlent les mauvais traitements infligés aux migrants

Des hommes, des femmes, des enfants et des nourrissons s’entassent sur des matelas dans des cellules surpeuplées. Les toilettes débordent et il y a de la nourriture éparpillée partout dans la cuisine. Des enfants fouillent dans les poubelles. Des sacs de déchets jaunes sont empilés juste à côté de la porte d’entrée, laissant augurer de graves problèmes sanitaires dans un endroit où l’on ne voit rien qui ressemble à une structure médicale digne de ce nom. Les conditions dans le centre constituent de fait un traitement cruel et dégradant.

Telle est la réalité que l’on découvre sur les photos et la vidéo qui ont été envoyées anonymement à un organe de la presse française et à Amnesty International. Ces images révèlent les mauvais traitements infligés aux migrants en situation irrégulière dans un pays de l’Union européenne, alors même que les organes politiques de celle-ci ont autorisé la détention prolongée de ces personnes.

La vidéo a été tournée au centre de rétention de Pamandzi, à Mayotte, collectivité d’outre-mer française située entre Madagascar et le nord du Mozambique.

La capacité de 60 places est régulièrement dépassée et le centre a accueilli jusqu’à 220 personnes. Aucun espace spécifique n’est réservé aux familles et rien n’est prévu pour les enfants (pas de tables à langer, ni de lits pour bébé, ni de jeux).

La France n’est pas le seul pays dans lequel les migrants sont maltraités. En Grèce, 160 enfants étrangers non accompagnés sont détenus au centre de Pagani, sur l’île de Lesbos, dans des conditions inhumaines et dégradantes.

Ils sont entassés dans des pièces surpeuplées, où ils ne sont pas au sec et dorment à même le sol. Ils ne sont autorisés à sortir qu’en de très rares occasions et ne peuvent s’entretenir facilement avec un avocat.

Dans de nombreux domaines, l’Union européenne veille à ce que la législation et les politiques mises en œuvre par les États membres soient conformes aux normes relatives aux droits humains. Sur la question de l’immigration, toutefois, l’Union est davantage une partie du problème qu’une partie de la solution, d’où l’expression d’« Europe forteresse ».

Le 9 décembre 2008, le Conseil des ministres de l’Union a adopté une directive qui autorise la rétention des étrangers en instance d’éloignement pour une durée pouvant atteindre dix-huit mois. Le but de cette directive est manifestement de freiner les flux migratoires à destination de l’Europe.

« Dix-huit mois, c’est une durée excessive, disproportionnée et inacceptable, qui ne peut constituer une norme européenne commune, a déclaré Sherif Elsayed-Ali, responsable des droits des migrants et des réfugiés au sein d’Amnesty International. Le droit international prévoit que la détention pour des raisons liées à l’immigration ne doit être utilisée qu’en dernier recours et pour une durée aussi brève que possible. Elle ne doit être ni prolongée ni indéfinie. Amnesty International a la ferme conviction que les mineurs non accompagnés ne doivent en aucun cas être placés en détention. »

L’application de la directive pourrait entraîner un recours plus important à la détention prolongée dans l’Union européenne, dont certains États membres – par exemple l’Irlande et l’Espagne – prévoient des périodes maximales de détention d’une durée bien plus courte.

Le gouvernement néerlandais a d’ores et déjà annoncé qu’il appliquerait cette durée maximale de dix-huit mois, tandis que l’Italie envisage de relever la période légale de détention de soixante jours à dix-huit mois. Avant cela, seuls deux États, Malte et l’Allemagne, autorisaient une limite de dix-huit mois. En Lettonie, la durée maximale de détention reste fixée à vingt mois.

Aux Pays-Bas, la durée de la détention est variable, et inférieure à trois mois la plupart du temps. Toutefois, sur les 20 000 personnes détenues entre 2004 et 2007, environ 11% l’auraient été pour une période comprise entre six et neuf mois, et 10% ont passé plus de neuf mois en détention, par exemple lorsqu’elles étaient considérées comme des « étrangers indésirables » ou que leur identité ou nationalité était sujette à caution.

« Les États membres de l’Union européenne doivent respecter les droits des migrants, quels que soient leur situation au regard de la loi, leur nationalité ou le lieu où ils sont détenus, a déclaré Amnesty International. Ils doivent notamment veiller à ce que le placement en détention ne soit utilisé qu’en dernier recours, et que les personnes retenues soient traitées avec humanité. »