Le gouvernement sri-lankais doit agir maintenant pour protéger 300 000 personnes déplacées

La situation humanitaire dans la région du Vanni (nord de Sri Lanka) s’aggrave car le gouvernement ne fait pas le nécessaire pour protéger les plus de 300 000 personnes déplacées et leur fournir un abri. En pleine mousson, des dizaines de milliers de familles manquent de nourriture et d’eau et vivent dans des conditions d’hygiène et d’hébergement insuffisantes. Elles ont quitté leur foyer pour échapper aux combats qui opposent l’armée sri-lankaise aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE). Ces civils sont bloqués dans la région du Vanni, aux mains des LTTE. Ceux-ci continuent à recruter de force une personne par famille, enrôlant depuis peu de plus en plus de jeunes. Ils ont imposé un système de laissez-passer très sévère qui empêche les gens de partir pour des régions plus sûres. Ils contraignent parfois certaines personnes à rester sur place afin de garantir le retour du reste de la famille. Les LTTE contrôlent également les mouvements des personnes déplacées à l’intérieur de la région. Il semble que ces mesures soient en partie destinées à utiliser les civils comme boucliers contre les forces régulières. Privés d’aide et d’assistance humanitaire extérieures Le gouvernement sri-lankais a ordonné en septembre au personnel des Nations unies et des ONG de quitter la région, assumant dès lors seul la responsabilité de répondre aux besoins des civils affectés par les hostilités. Bien qu’elles affirment avoir la situation en main, les faits tendent à montrer pour le moment que les autorités sri-lankaises n’ont pas les moyens d’apporter aux personnes déplacées et à la population civile du Vanni l’assistance humanitaire dont elles ont besoin. Les organismes gouvernementaux et leur personnel vont notamment avoir des difficultés à répondre aux besoins des personnes déplacées sans l’intervention des organisations humanitaires. Constatant la gravité de la situation, le gouvernement indien a décidé d’envoyer 2 000 tonnes de matériel de secours à Sri Lanka. C’est le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui doit se charger de l’acheminement. Le gouvernement sri-lankais a refusé d’autoriser la présence dans le Vanni d’observateurs internationaux indépendants chargés de surveiller que les convois de nourriture, médicaments et autres fournitures essentielles parviennent bien dans la région et que leur chargement est distribué. Grave pénurie alimentaire Si l’on se base sur les apports préconisés par le Programme alimentaire mondial (PAM), il faut chaque semaine environ 773 tonnes de vivres pour nourrir les 230 000 personnes actuellement enregistrées par le PAM dans le Vanni. Les trois derniers convois ont acheminé respectivement 650 tonnes, 750 tonnes et 462 tonnes, ce qui laisse persister le problème de la sécurité alimentaire, à terme et actuellement. Environ 35% des zones cultivées (riz et légumes) de la région du Vanni seraient actuellement inaccessibles. Des personnes déplacées expliquent qu’elles sont contraintes de vendre ou de mettre en gage des bijoux afin de se procurer de la nourriture. Les mères qui allaitent et leurs nourrissons sont particulièrement vulnérables, car elles ne reçoivent pas le complément alimentaire nécessaire pour satisfaire leurs besoins spécifiques. Des dizaines de milliers de sans-abri Lorsqu’elles ont quitté la région, le 16 septembre, les organisations humanitaires avaient construit 2 100 abris temporaires. Les agents de l’État sri-lankais dans les districts de Kilinochchi et de Mulaithivu estiment qu’au moins 20 000 familles ont besoin d’un hébergement. Les abris en cadjan (feuilles de cocotier) ne remplissent pas les critères minimaux d’un hébergement approprié aux besoins des personnes déplacées, contrairement à ce qu’a laissé entendre récemment le gouvernement sri-lankais. Un grand nombre de familles vivent dehors, sous un simple toit de fortune. Une partie importante des personnes déplacées se sont rassemblées dans des anciennes rizières, exposées aux inondations. Des organisations qui avaient auparavant examiné les possibilités d’installation des personnes déplacées avaient jugé ces zones inappropriées. On a pu voir sur des images récentes que des personnes tentaient désespérément de se construire un abri à l’aide de sacs de riz déchirés tendus sur des morceaux de bois. Celles et ceux qui ne disposent pas d’un hébergement approprié ont du mal à conserver la nourriture et les autres produits essentiels au sec, et sont davantage vulnérables aux serpents. « Les populations ont vu se réduire leurs moyens de subsistance, a déclaré Sam Zafiri, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Il n’y a pas de possibilité de pêcher et un grand nombre de personnes déplacées viennent de zones rizicoles. […] Une bonne partie de leurs champs se trouvent désormais en zone de conflit et sont infestés d’engins non explosés. » Manque d’installations sanitaires, d’eau potable et de médicaments La mousson dure jusqu’à la mi-février. Le niveau moyen mensuel des précipitations est actuellement de 300 mm. Si elles ont ralenti les combats, les fortes pluies ont également fait des ravages parmi les populations déplacées. Le risque de maladie s’est accru et les médicaments manquent. Le système de soins de la région du Vanni manque cruellement de personnel et de produits : avec la fuite des populations civiles, les hôpitaux ont été fermés ou bien contraints de s’installer ailleurs. Les personnes qui seraient touchées par le paludisme auront du mal à se procurer le traitement approprié. Selon les estimations des autorités locales, il faudrait installer 5 230 toilettes provisoires. Selon des membres d’ONG locales qui s’occupent de la construction de toilettes, 95% des personnes déplacées n’ont pas accès à des latrines convenables, sans même parler de toilettes et de sanitaires séparés pour les femmes. En raison de la cessation de l’approvisionnement en ciment, les toilettes ne peuvent être construites selon la méthode normale. Les autorités sanitaires du Vanni ont donné leur accord pour que soient aménagées des installations avec cuvette dans un sol en bois et fosse équipée de bidons comme réceptacle. Les responsables craignent le déclenchement d’épidémies au sein de la population si rien n’est fait rapidement. La grave pénurie d’eau potable a d’ores et déjà provoqué l’apparition d’affections à transmission hydrique, notamment de diarrhées. Des responsables du secteur de la santé ont déclaré que les conditions d’hygiène et le manque d’eau potable constituaient un problème majeur dans la région et étaient à l’origine de pathologies infectieuses. Amnesty International demande aux autorités sri-lankaises de garantir que l’aide humanitaire puisse être acheminée sans entraves afin que les besoins matériels essentiels des personnes déplacées soient satisfaits et que la sécurité de ces personnes soit assurée. Le gouvernement doit également garantir la sécurité des travailleurs humanitaires et de leur famille, en particulier ceux qui sont restés dans le Vanni, et leur apporter son soutien. « Le gouvernement sri-lankais et les LTTE doivent permettre aux observateurs internationaux d’évaluer les besoins des milliers de personnes bloquées dans le Vanni et d’assurer la distribution adéquate de la nourriture et d’autres produits, a déclaré Sam Zarifi. Les employés des organisations internationales jouaient par ailleurs un rôle indispensable pour la protection des agents sri-lankais chargés de l’aide humanitaire contre les attaques des LTTE. »