La haute cour de Kuala-Lumpur a acquitté lundi une défenseure des droits des travailleurs migrants bien connue. Cette décision, qui intervient après plus de douze ans de procédure, a mis fin à l’une des affaires les plus longues de l’histoire judiciaire en Malaisie.
Irene Fernandez, fondatrice et directrice de l’organisation de défense des droits humains Tenaganita, a été arrêtée en 1996 pour avoir signalé dans un rapport que des migrants illégaux placés en détention souffraient de malnutrition et étaient soumis à des actes de torture.
Un tribunal de première instance a alors considéré qu’il s’agissait d’un cas de « publication malveillante de fausses nouvelles » aux termes de la Loi relative à la presse et aux publications, très restrictive.
Amnesty International a longuement fait campagne pour obtenir la libération d’Irene Fernandez, estimant qu’elle avait été prise pour cible en raison de ses activités pourtant légitimes de défenseure des droits humains.
Sept ans après son arrestation elle a été condamnée à une année d’emprisonnement, mais elle a fait appel et a obtenu une mise en liberté sous caution. Ses droits civils ont cependant été restreints. Du fait de sa condamnation, elle n’a pas été autorisée à se présenter aux élections législatives de 2004, ni à se rendre librement à l’étranger.
Irene Fernandez et son association Tenaganita ont continué d’œuvrer pour les droits des travailleurs migrants malgré les restrictions apportées aux droits civils de cette militante. Lors d’une entrevue avec des représentants d’Amnesty International à Kuala-Lumpur en août 2008, elle a parlé de l’aide à apporter aux travailleurs migrants dupés par des recruteurs ou employeurs et victimes du trafic de main d’œuvre.
En 2005, Irene Fernandez a fait partie des quatre lauréats du prestigieux prix Right Livelihood, également appelé « prix Nobel alternatif ». Durant le discours qu’elle a prononcé lors de la remise du prix en Suède, elle a déclaré :
« Dans un contexte où il n’existe pas de médias libres, de système judiciaire indépendant, de contrôle indépendant de la police et où l’État ne rend pas compte de ses actes, j’ai été déclarée coupable d’avoir publié de fausses nouvelles […] Je suis sortie du tribunal avec le sourire car je savais que j’avais dit la vérité ; nous n’avions pas transigé sur les droits fondamentaux et la dignité des personnes. Ma condamnation a […] réveillé les consciences en Malaisie et dans le reste du monde. »
Le 24 novembre, le parquet a levé son opposition à l’appel interjeté par Irene Fernandez en raison de la découverte d’« erreurs systématiques » apparues dans les comptes rendus d’audiences.
D’après les estimations, on dénombre actuellement en Malaisie 2,6 millions de migrants, et la majorité des travailleurs immigrés sont, selon les termes du gouvernement malaisien, « des immigrés illégaux ». Au début de l’année, le vice-Premier ministre malaisien, Najib Razak, a annoncé de vastes mesures de répression pour expulser de Malaisie les migrants sans papiers, ces mesures visant les centaines de milliers de travailleurs migrants en situation irrégulière.