Des dissidents lourdement condamnés au Myanmar

Quatorze dissidents ayant participé aux manifestations contre le gouvernement en 2007 au Myanmar ont été condamnés à soixante-cinq ans d’emprisonnement mardi 11 novembre. Ces peines ont été prononcées à l’issue d’un procès qui s’est tenu à huis clos dans la prison d’Insein, à Yangon. Le même jour, les autorités ont condamné 27 autres personnes en raison de leurs activités de protestation.

Min Zeya, Kyaw Min Yu (alias Ko Jimmy) et la femme de ce dernier, Nilar Thein, figurent parmi les condamnés. Ces trois chefs de file du groupe Étudiants de la génération 88, font partie des militants étudiants qui ont conduit le soulèvement en faveur de la démocratie au Myanmar il y a vingt ans.

Ils ont été condamnés pour leur participation au mouvement de protestation de 2007 connu sous le nom de « révolution safran ». Ce mouvement a débuté le 19 août 2007 avec des manifestations de faible ampleur contre la hausse soudaine du prix des carburants décrétée par l’État, et il s’est rapidement développé. Des dizaines de milliers de manifestants ont ensuite également lancé des appels pour la libération de tous les prisonniers politiques et pour qu’il soit mis fin, grâce à un processus de réconciliation nationale, à une impasse politique persistante. Les autorités ont mis un terme au mouvement de protestation en lançant une violente répression fin septembre 2007.

« En condamnant ces dissidents uniquement parce qu’ils avaient, pourtant pacifiquement, exprimé leurs points de vue lors des manifestations de l’année dernière, le gouvernement du Myanmar, censé suivre une “feuille de route pour la démocratie”, a montré quelles sont véritablement ses intentions », a déclaré Benjamin Zawacki, chargé de recherche sur le Myanmar à Amnesty International.

Ces condamnations montrent clairement que le gouvernement militaire du Myanmar ne tient aucun compte des appels lancés par la communauté internationale pour qu’il améliore la situation des droits humains dans le pays. Elles contredisent également les déclarations des autorités selon lesquelles sa nouvelle constitution et ses projets d’élections pour 2010 représentent de véritables efforts en vue d’une participation politique accrue.

Les autres dissidents condamnés à cause de leur participation à la « révolution safran » sont Mie Mie, Zaw Zaw Min, Than Tin (alias Kyi Than), Zayya (alias Kalama), Ant Bwe Kyaw, Kyaw Kyaw Htwe (alias Marky), Pannate Tun, Thet Zaw, Mar Mar Oo, Sandar Min (alias Shwe) et Thet Thet Aung.

Le 11 novembre également, Su Su Nway, militante des droits des travailleurs, a été condamnée à douze ans et six mois d’emprisonnement en raison de son implication dans les manifestations de l’an dernier. La veille, le blogueur Nay Phone Latt avait été condamné à une peine de vingt ans et six mois d’emprisonnement pour avoir, entre autres, manqué de respect, sur son blog, à l’égard du général Than Shwe.

Le Myanmar compte plus de 2 100 prisonniers politiques. Au moins 23 autres membres du groupe Étudiants de la génération 88 font actuellement l’objet de poursuites judiciaires au Myanmar. Il s’agit notamment des dissidents de renom Min Ko Naing, Htay Kywe et Ko Ko Gyi. On s’attend à ce qu’ils soient bientôt condamnés.

« Ces condamnations et les procès en cours devraient détromper ceux qui croient que le gouvernement du Myanmar à l’intention, comme il l’a assuré aux Nations unies, d’améliorer la situation des droits humains dans le pays et de favoriser la participation politique. Ce gouvernement ne connaît que la répression », a conclu Benjamin Zawacki.

Min Zeya
Min Zeya a quarante ans et il a été l’un des chefs de file du groupe Étudiants de la génération 88. Il a été arrêté le 21 août 2007 en même temps que 12 autres militants après avoir participé à l’organisation des premières manifestations contre la hausse du prix du carburant. Il a été président du Comité de reconstruction du Syndicat des étudiants de Birmanie, fondé après le soulèvement de 1988 en faveur de la démocratie. Il avait été arrêté en août 1989, accusé d’avoir dirigé un réseau clandestin, et condamné à huit années d’emprisonnement. Après sa libération en octobre 1995 il avait encore été arrêté à trois reprises. Il a de nouveau été arrêté en août 2007.

Kyaw Min Yu
Kyaw Min Yu, qui est également connu sous le nom de Ko Jimmy, a été arrêté en même temps que Min Zeya, le 21 août, en raison de sa participation aux manifestations contre la hausse du prix du carburant. Il avait auparavant été emprisonné de début 1990 à juillet 2005 en raison de ses activités en faveur de la démocratie. Cet homme de trente-neuf ans a purgé durant cette période deux peines distinctes. Il avait en effet été condamné à une deuxième peine après avoir été accusé d’être impliqué dans un projet visant à faire circuler dans la prison d’Insein des informations diffusées par des médias étrangers, et à contacter la Commission des droits de l’homme de l’ONU pour l’informer des conditions de détention dans la prison. Il a été torturé au cours de sa détention.

Nilar Thein
Nilar Thein, trente-six ans, et son mari Kyaw Min Yu sont des militants de premier plan du groupe Étudiants de la génération 88. Nilar Thein avait été arrêtée et détenue pendant deux mois en 1991. En décembre 1996, elle avait de nouveau été arrêtée, cette fois pour avoir participé aux manifestations étudiantes à Yangon. Elle avait alors été condamnée à dix années d’emprisonnement.

Mie Mie
Mie Mie, trente huit ans, était lycéenne lorsqu’elle a participé au soulèvement de 1988. Elle a été arrêtée le 13 octobre 2007, quand les autorités se sont lancées à la recherche des organisateurs des principaux mouvements de protestation contre le gouvernement. Elle avait été obligée de se réfugier dans la clandestinité après avoir mené le 22 août 2007 avec Nilar Thein une marche pour les droits des femmes. La veille, 13 dirigeants du groupe Étudiants de la génération 88 avaient été arrêtés à cause de leur participation au mouvement de protestation. Elle avait continué, pendant qu’elle se cachait, à soutenir les manifestants en envoyant des messages de solidarité et en donnant des interviews à des médias internationaux.

Mie Mie a été détenue pendant quatre mois en 1989 en raison de ses activités politiques. Lors des manifestations étudiantes de 1996, elle a été arrêtée et condamnée à sept ans d’emprisonnement. Elle ne reçoit pas en détention les soins médicaux dont elle a besoin à cause de ses problèmes de santé.

Thet Thet Aung
Thet Thet Aung, trente et un ans, militait au sein du groupe Étudiants de la génération 88. Elle a été arrêtée le 19 octobre 2007. Les autorités ont arbitrairement arrêté sa mère et sa belle-mère dans le but, semble-t-il, d’intimider Thet Thet Aung et de la contraindre à se livrer.

Nay Phone Latt
Nay Phone Latt, propriétaire de deux cybercafés à Yangon, à été arrêté dans cette ville le 29 janvier 2008. Il était en possession d’une vidéo interdite par le gouvernement militaire. Cet homme de vingt-huit ans avait par ailleurs créé un blog (https://www.nayphonelatt.net/) où il parlait des difficultés auxquelles les jeunes Birmans ont été confrontés dans le sillage des manifestations de septembre 2007.

Su Su Nway
Su Su Nway, membre du mouvement de jeunesse du principal parti d’opposition, la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), a été arrêtée le 13 novembre 2007 au cours de la visite d’un représentant de l’ONU venu au Myanmar pour enquêter sur la répression de septembre 2007. Cette militante de trente-six ans a été arrêtée après avoir tenté d’afficher des tracts près de l’hôtel où séjournait le représentant de l’ONU.

Su Su Nway avait déjà été emprisonnée après avoir intenté et remporté une action en justice contre les autorités d’un village dans une affaire de travail forcé. Les responsables incriminés avaient été condamnés à des peines d’emprisonnement mais Su Su Nway avait ensuite été inculpée d’intimidation, une infraction pénale, et condamnée, en octobre 2005, à dix-huit mois de prison. Elle avait été libérée en juin 2006. Elle souffre depuis longtemps de problèmes cardiaques, mais elle ne reçoit pas en détention les soins médicaux que nécessitent pourtant son état de santé.