L’exécution d’un scientifique chinois vendredi est la dernière en date d’une série d’exécutions capitales qui vont à l’encontre de la tendance mondiale orientée vers un moratoire sur la peine de mort.
Wo Weihan, scientifique âgé de cinquante-neuf ans, avait été déclaré coupable d’espionnage pour le compte de Taiwan. Il a passé trente minutes avec sa famille le jour de son exécution. Il n’avait plus été autorisé à recevoir la visite de ses proches depuis son transfert à l’hôpital de la prison, en mars 2005.
« Il a été surpris et très heureux de nous voir. Comme il ne savait pas que son exécution était imminente, il avait de l’espoir et il n’a pas adressé de dernières paroles à sa famille ni fait part de ses dernières volontés », a déclaré sa fille, Ran Chen.
Wo Weihan, détenteur de plusieurs brevets liés à des découvertes biomédicales, a été privé d’avocat pendant dix mois après son placement en détention, et il a été condamné à mort à l’issue d’un procès à huis clos en mai 2007.
« Nous, ses proches parents, nous n’avons pas pu bénéficier du droit pourtant fondamental et universel à l’information concernant ce qui était en train d’arriver à notre père. L’exécution a eu lieu en secret alors que nous avions encore de l’espoir. C’est non seulement notre père qui a été tué mais aussi la confiance que nous avions placée dans le système judiciaire chinois », a ajouté sa fille.
La Chine est l’un des trois pays qui continuent de tuer leurs propres citoyens et ce, alors qu’il y a une semaine à peine, à l’ONU, un nombre record de pays se sont prononcés en faveur de la fin des exécutions capitales.
En Iran, mercredi 26 novembre, dix personnes ont été pendues lors d’une exécution collective dans la prison d’Evin, à Téhéran. Les condamnés avaient, semble-t-il, été déclarés coupables de meurtre, vol qualifié et enlèvement. Cela porte à 296, au minimum, le nombre d’exécutions relevées par Amnesty International pour l’année 2008.
L’une des personnes pendues était Fatemeh Haghighat-Pajouh, dont la condamnation à qesas (« juste châtiment ») – exécution judiciaire afin de sanctionner un meurtre en l’occurrence – pour le meurtre de son époux temporaire avait été confirmée en 2006 à la suite d’un réexamen de l’affaire par la Cour suprême. Les tribunaux n’ont pas tenu compte du fait qu’elle avait affirmé avoir commis ce meurtre afin d’empêcher son mari, toxicomane, de violer sa fille, née d’un précédent mariage et alors encore adolescente. Il lui avait apparemment dit avoir perdu la jeune fille au jeu. L’avocat de Fatemeh Haghighat-Pajouh n’a pas été averti quarante-huit heures à l’avance de l’exécution de cette dernière, contrairement à ce que prévoit la loi iranienne.
Trois autres personnes risquent d’être exécutées de manière imminente. Farzad Kamangar est un enseignant kurde. Sa condamnation à la peine capitale pour moharebeh (« inimitié à l’égard de Dieu »), un chef d’accusation formulé en termes vagues et souvent utilisé pour signifier insurrection armée, a été confirmée en juillet 2008. Son premier procès, avant lequel il avait été torturé dans plusieurs lieux, avait été d’une iniquité flagrante. On lui a fait quitter sa cellule le 25 novembre, ce qui a fait craindre une prochaine exécution. Son avocat a déclaré que l’affaire était examinée par la Cour suprême et qu’il n’était pas possible légalement de l’exécuter en l’absence de tout préavis. Cependant, des militants des droits humains continuent de craindre qu’il ne soit exécuté à tout moment, comme ce fut le cas pour Fatemeh Haghighat-Pajouh.
Parallèlement à cela, on a appris que la Cour suprême avait confirmé, en août 2008, un verdict d’exécution par lapidation prononcé contre Afsaneh R. par une juridiction inférieure de Shiraz, dans le sud de l’Iran. Selon les informations reçues, ce verdict a été prononcé en vertu du « savoir » du juge, la loi iranienne autorisant en effet un juge à décider d’une peine de manière subjective. Les informations liées au verdict incitent à douter de l’honnêteté de la déclaration d’un responsable des services judiciaires, faite le même jour en août 2008 et selon laquelle la peine d’exécution par lapidation avait été suspendue. Le responsable du pouvoir judiciaire en Iran avait annoncé un moratoire en 2002, mais une lapidation a eu lieu en 2007. Reste à savoir si, comme l’affaire Afsaneh R. le montrera, l’annonce faite au mois d’août était ou non une fausse promesse.
En Jamaïque, le vote sur le maintien de la peine de mort s’est inscrit dans le contexte de discussions portant sur la nouvelle proposition de Charte des droits et des libertés, qui doit remplacer le Chapitre III de la Constitution jamaïcaine voué à la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes.
Le vote visait à décider si les dispositions autorisant la peine de mort en tant qu’exception au droit à la vie devaient être maintenues dans la Charte ou supprimées. À la suite du vote à la Chambre des représentants, un débat et un vote auront lieu au Sénat.
En Jamaïque, la dernière exécution remonte au 18 février 1988. Plus de 190 prisonniers se trouvaient sous le coup d’une peine capitale à la fin de l’année 1988. Ils sont neuf actuellement.
« Même s’il est peu probable que la Jamaïque procède à une exécution dans un proche avenir, Amnesty International craint que ce vote n’annonce une reprise des pendaisons dès que le résultat des recours déposés par les condamnés le permettra, a souligné Piers Bannister, d’Amnesty International.
« Alors que le monde se détourne de plus en plus de la peine capitale, Amnesty International appelle l’Iran, la Chine et la Jamaïque à réexaminer leur politique en matière d’homicide judiciaire. Lors de l’Assemblée générale de l’ONU, la communauté internationale a clairement indiqué que les exécutions étaient inacceptables. Les pays qui maintiennent la peine de mort doivent tenir compte de ce message essentiel. »
Le 20 novembre, la deuxième résolution de l’Assemblée générale de l’ONU (Troisième Commission) appelant à un moratoire sur le recours à la peine de mort a été largement soutenue par une grande majorité d’États de toutes les régions du monde. Cent cinq pays ont voté en faveur du projet de résolution, 48 contre, et 31 se sont abstenus. Des amendements proposés par une petite minorité de pays favorables à la peine capitale ont été rejetés par une majorité écrasante.
Le projet de résolution adopté par le Troisième Comité de l’Assemblée générale des Nations unies doit encore être adopté par l’Assemblée générale en séance plénière au mois de décembre.