Une nouvelle Constitution sera soumise au vote du peuple bolivien le 25 janvier 2009. Si elle est adoptée, elle constituera l’avancée la plus significative que le pays ait connue en termes de droits économiques, sociaux et culturels depuis de nombreuses décennies.
Ces dernières années, les pauvres et les exclus n’ont cessé de se révolter en Bolivie – en particulier en 2000, quand certains se sont opposés à la privatisation des services de distribution d’eau et en 2003, lors de protestations contre l’exportation de gaz bolivien. Les barrages routiers et les rassemblements de masse, dégénérant souvent en heurts violents entre l’armée bolivienne et les manifestants, ont mené à des changements au sein de la classe dirigeante du pays, ainsi qu’au niveau des priorités du gouvernement.
Puis, en 2005, Evo Morales a été élu président. La population indigène de Bolivie n’a le droit de vote que depuis 1952 et l’élection de cet homme – lui-même d’ascendance aymara – a changé les rapports de force dans le pays.
Evo Morales a été élu président alors qu’il était à la tête du Mouvement pour le socialisme, qui avait participé à ces actions de protestation. Il est également le premier indigène à être devenu chef de l’État bolivien en plus de quatre siècles, soit depuis la conquête espagnole, bien que la majorité de la population soit indigène.
Son arrivée au pouvoir a fait naître de l’espoir et des aspirations chez beaucoup des personnes pauvres et exclues qui avaient bloqué les routes autour de La Paz toutes ces années.
Le projet de Constitution comporte des dispositions sur : le droit à un approvisionnement en eau ; la sécurité alimentaire ; la santé ; l’éducation ; le logement ; les services de base ; la justice salariale ; et le droit de grève et de créer un syndicat. Il innove dans plusieurs domaines clés, notamment la prise en compte de la population autochtone, la nature « plurinationale » de l’État, l’affirmation des droits collectifs, le renforcement du rôle de l’État dans les politiques économiques et le fait de placer l’intérêt collectif au-dessus des intérêts privés.
S’il est approuvé, le texte empêcherait la privatisation de la gestion de l’eau ou que celle-ci fasse l’objet d’accords commerciaux. Il interdirait également le contrôle, par des sociétés commerciales privées, des services de base, des entreprises de distribution d’énergie et du système de sécurité sociale.
En septembre de cette année, les rues du pays ont été le théâtre d’affrontements après l’annonce des projets du gouvernement. Les réactions des groupes d’opposition ont mis en évidence la généralisation du racisme et de la discrimination au sein de la société bolivienne. L’élection d’Evo Morales et la formation de son gouvernement ont permis aux couches traditionnellement marginalisées de la société bolivienne de participer au processus de décision. Cela a déclenché l’hostilité de puissantes familles de propriétaires terriens et de l’élite des affaires, qui craignent de perdre des privilèges dont elles jouissent depuis longtemps.
En septembre, des civils affiliés à certains représentants des autorités régionales opposés au président Morales ont bloqué des routes et pris le contrôle d’aéroports et de branches locales d’administrations nationales en usant de la force. Ils ont également attaqué les locaux de plusieurs médias et les bureaux de plusieurs ONG travaillant avec les populations indigènes et paysannes.
Le 9 septembre 2008, dans la ville de Santa Cruz, dans l’est du pays, des étudiants et des membres de l’Union des jeunes de Santa Cruz, favorable à l’opposition, ont pris d’assaut et pillé des antennes de services gouvernementaux, dont le bureau local de la réforme agraire, ainsi que les sièges de deux médias. En l’espace de trois jours, trois ONG défendant les droits des populations indigènes et paysannes ont également été attaquées. Leurs locaux ont fait l’objet d’une effraction, du matériel et du mobilier ont été détruits, et des documents brûlés.
L’une de ces organisations, le Centre d’études juridiques et de recherches sociales (CEJIS) œuvre à la protection des droits fonciers des agriculteurs indigènes et des petits paysans.
Leonardo Tamburini, directeur du CEJIS, a commenté ainsi ces violences : « Ils sont arrivés à bord de trois quatre-quatre, en tout environ 50 personnes, de jeunes voyous, certains d’entre eux saouls. Ils ont défoncé la force d’entrée à l’aide d’un véhicule. Ils sont entrés, ont saccagé tous les documents qu’ils ont pu trouver et y ont mis le feu. Ils ont brisé tout ce qui était en verre, on détruit des bureaux et des armoires, et se sont emparés de livres – près d’un tiers de notre bibliothèque, qui contient des milliers de volumes. Ils les ont tous amassés dans la rue et y ont mis feu. Des piles de documents retraçant l’histoire du CEJIS, de son travail en faveur du processus d’attribution de terres, de son soutien à l’Assemblée constituante. Les trente ans d’existence du CEJIS ont été entièrement ravagés et carbonisés. »
Ces attaques sont les derniers exemples en date de l’explosion de la violence observée en Bolivie ces dernières années. Au moins 18 personnes – pour la plupart des agriculteurs indigènes et de petits paysans, ainsi que trois étudiants – ont été tuées le 11 septembre lorsqu’elles sont tombées dans une embuscade dans le département de Pando (nord du pays). Selon des témoins, les agresseurs sont arrivés à bord de véhicules officiels appartenant aux autorités représentant l’opposition.
Le bureau du médiateur, qui a mené l’enquête initiale sur cette affaire, a déclaré que le massacre avait été orchestré à l’avance.
Le gouvernement bolivien se prononce constamment en faveur de l’ouverture du dialogue. Ce n’est cependant qu’après les récentes flambées de violence et sous l’effet de l’indignation qu’elles ont suscitée tant en Bolivie qu’à l’étranger (notamment au sein de la toute récente Union des nations sud-américaines, ainsi que de l’Union européenne) que des négociations officielles entre l’opposition autonomiste et le gouvernement ont débouché sur un accord au sujet du texte constitutionnel.
Les principales questions à l’étude incluaient les recettes tirées de la taxation du pétrole et du gaz, l’autonomie des départements, la propriété foncière et la désignation de membres du Congrès national. Le Congrès est parvenu à la décision finale le 21 octobre, au bout d’un mois de discussions. Il a été décidé que le nouveau projet de Constitution serait soumis à référendum le 25 janvier 2009.
Passez à l’action :
Justice pour les populations indigènes, les petits paysans et leurs défenseurs !