Un avocat algérien est condamné pour avoir dénoncé des violations des droits humains

La cour d’appel d’Alger a confirmé le 26 novembre la condamnation d’un avocat bien connu spécialisé dans la défense des droits humains. Amine Sidhoum a été déclaré coupable le 13 avril 2008 d’avoir jeté le discrédit sur la justice algérienne.

La cour d’appel a confirmé la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et l’amende de 20 000 dinars (230 euros environ) qui lui avaient été imposées en première instance.

La condamnation est liée à un article de journal paru en 2004, selon lequel Amine Sidhoum avait déclaré que l’un de ses clients avait passé trente mois en détention sans jugement à la suite d’une « décision arbitraire ». Amine Sidhoum affirme qu’il a en réalité parlé d’une « détention arbitraire ».

Amnesty International a condamné la décision de la cour d’appel et exprimé la crainte que le procès intenté à l’avocat ne soit motivé par des considérations politiques.

« La décision de la cour d’appel est un obstacle à la poursuite des activités professionnelles d’Amine Sidhoum en tant qu’avocat impliqué dans la protection des droits humains et la lutte contre l’impunité, a déclaré Diana Eltahawy, chercheuse sur l’Afrique du Nord à Amnesty International. Pour l’organisation, cette affaire s’inscrit dans un vaste ensemble de manœuvres de harcèlement exercées par les autorités algériennes contre les défenseurs des droits humains. »

Amine Sidhoum a assuré la défense de plusieurs personnes poursuivies dans des affaires liées au terrorisme. Il a dénoncé les violations des droits humains dont font l’objet les suspects dans ces affaires, soulignant en particulier le fait qu’ils étaient systématiquement détenus au secret dans des lieux non révélés, qu’ils étaient soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, qu’ils étaient privés des droits qui auraient dû être les leurs dans le cadre d’un procès équitable, et que les autorités judiciaires n’enquêtaient jamais sur les allégations de torture et de mauvais traitements.

L’avocat a conseillé des militants qui œuvrent en faveur du droit à la vérité et à la justice des proches des milliers de personnes victimes d’une disparition forcée aux mains des forces de sécurité pendant le conflit interne des années 1990, dont on ignore toujours le sort.

Ce n’est pas la première fois qu’Amine Sidhoum fait l’objet de harcèlement judiciaire. En août 2006, lui et sa consœur Hassiba Boumerdesi avaient été accusés, au titre de lois régissant l’organisation et la sécurité carcérales, d’avoir remis des objets interdits à des détenus. Il était reproché en particulier à Amine Sidhoum d’avoir donné plusieurs de ses cartes de visite à l’un de ses clients placé en détention. Les deux avocats avaient été acquittés par un tribunal d’Alger en mars 2007.

Après la décision de la cour d’appel, Amine Sidhoum a réaffirmé à Amnesty International qu’il était déterminé à poursuivre son travail de défense des droits humains malgré les persécutions dont il fait l’objet. Lors de l’audience du 12 novembre, le bâtonnier du barreau d’Alger a souligné qu’Amine Sidhoum n’avait pas commis de faute professionnelle et qu’il pourrait continuer à exercer sa profession même s’il était condamné. Amnesty International craint cependant que cette condamnation n’ait des conséquences négatives sur les activités professionnelles de l’avocat, qui pourrait se voir interdire de voyager.

« La décision de la cour porte le message que les avocats et les autres personnes qui dénoncent les violations des droits humains seront sanctionnés, et Amnesty International le déplore, a déclaré Diana Eltahawy. Un climat dans lequel peut s’instaurer le débat public est nécessaire, en particulier dans les mois qui vont précéder l’élection présidentielle d’avril 2009, durant lesquels la situation des droits humains en Algérie et les engagements du pays dans ce domaine doivent pouvoir être débattus sans crainte de persécution », a-t-elle ajouté.

Ces dernières années, le gouvernement algérien a durci les lois sur la liberté d’expression. Les modifications apportées au Code pénal depuis 2001 ont rendu plus difficile le travail des journalistes et des défenseurs des droits humains. Par ailleurs, des mesures d’amnistie ont été adoptées qui rendent passibles de poursuites pénales les personnes qui critiquent publiquement la conduite d’agents de l’État responsables de violations des droits humains durant le conflit interne des années 1990.

Amnesty International a fait part à de multiples reprises de sa préoccupation quant à l’utilisation des procès en diffamation contre ceux qui critiquent les autorités ou leur politique, tels que les avocats spécialisés dans les droits humains, comme Amine Sidhoum, et les journalistes travaillant pour les médias privés.

Des modifications à la Constitution adoptées le 13 novembre ont supprimé la limite de deux mandats présidentiels, ce qui va permettre à Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, de se représenter une nouvelle fois.