Violations des droits humains dans différentes villes du monde

Alors que la Journée mondiale de l’habitat est l’occasion de s’intéresser de plus près à la situation des droits au logement dans le monde, voici quelques exemples concrets de violations de ces droits commises au Cambodge, au Brésil, en Italie, en Israël et territoires palestiniens occupés, et en Angola.  1. Cambodge. Chassés de chez eux pour cause de « développement »« Quand nous avons vu le plan de développement, nous nous sommes évidemment inquiétés à cause de ses répercussions directes sur nous : sur ce plan, nous n’existons plus. » Ce témoignage d’un représentant des riverains du lac Boeung Kak à Phnom Penh a été recueilli par Amnesty International en février 2008. Six mois se sont depuis écoulés, le plan de réaménagement est en cours, et des centaines de personnes affectées par ce projet protestent dans un climat d’intimidation et de manque d’information. Quelque 20 000 habitants de Phnom Penh, riverains du Boeung Kak, risquent d’être forcés de quitter leur maison en raison du remblaiement du lac. Les travaux de remblaiement ont débuté le 26 août 2008, sans que les riverains en aient été avertis. Si des mesures ne sont pas prises d’urgence afin de protéger les droits humains de ces personnes, ce projet pourrait donner lieu à la plus importante vague d’expulsions forcées que le pays ait connue depuis la fin de la guerre. Un grand nombre des personnes affectées par le projet de réaménagement sont pauvres. Elles vivent dans des maisons de fortune construites sur les rives du Boeung Kak, dont le niveau ne cesse de monter au fur et à mesure que du sable y est déversé. Ces personnes craignent que le réaménagement du secteur ne les chassent hors de Phnom Penh, dans une zone où des milliers d’autres habitants de la ville expulsés ont été réinstallés mais où manquent les installations d’assainissement, l’électricité et les autres équipements et services de base, et où les possibilités d’emploi sont très restreintes. Des milliers de personnes expulsées d’autres quartiers de Phnom Penh ont déjà été réinstallées dans cette zone où ont de fait été recréés, en dehors de la ville, de nouveaux taudis. 2. Italie. Les Roms victimes d’une chasse aux sorcières « Tous les campements de Roms doivent être immédiatement démantelés et leurs habitants seront soit expulsés soit incarcérés ». Voilà ce qu’a déclaré le ministre italien de l’Intérieur Roberto Maroni, d’après le quotidien italien La Repubblica, le 11 mai 2008. Ce jour-là et aussi le 13 mai, plusieurs camps de Roms ont été incendiés dans la banlieue de différentes villes italiennes. Depuis 2007, en Italie, les communautés et campements roms sont la cible de plusieurs mesures prises par les autorités au nom de la « sécurité », et d’attaques commises par des groupes de particuliers agissant comme des milices privées. On note en particulier une multiplication des expulsions forcées et des destructions de campements roms. L’initiative récente et mal définie visant à rassembler des informations sur l’identité – notamment les empruntes digitales – de toutes les personnes, adultes et enfants, vivant dans les campements roms installés dans le pays constitue l’une des mesures de « sécurité » les plus préoccupantes visant la minorité rom. Ces mesures s’accompagnent souvent d’un discours très négatif à l’égard des Roms de la part d’hommes politiques aux niveaux local et national, et de propos calomnieux dans les médias du pays. Cette stigmatisation et cette façon d’attiser la peur ont créé un climat où les attaques contre les Roms semblent de plus en plus tolérées. 3. Brésil. Prises entre deux feux : les femmes confrontées à la violence dans les favelas « Nous ne pouvons pas continuer de vivre dans ces conditions. Nous avons tout le temps peur. » Paola, couturière et mère d’un enfant, vit à l’entrée d’une favela de Rio de Janeiro. Alors qu’elle s’entretenait avec Amnesty International en 2005, un ordre a retenti dans la rue : « Plus personne dehors après 18 heures ! Tous les commerces sont fermés demain ! ». Les trafiquants annonçaient le couvre-feu pour la soirée. Dans les favelas du Brésil les femmes vivent dans un climat de violence permanente, qu’il s’agisse des brutalités policières ou des agissements des bandes criminelles. Amnesty International a rassemblé des informations montrant qu’en l’absence de protection de l’État, les femmes sont à la merci de la violence domestique et des violences commises par les bandes criminelles qui contrôlent tous les aspects de la vie quotidienne dans ces quartiers. Elles sont violemment sanctionnées lorsqu’elles-mêmes ou leurs proches enfreignent les « règles » édictées par les bandes et groupes criminels. Les services de maternité, les crèches et les écoles sont parfois fermés pendant de longues périodes à cause des opérations de police ou des violences criminelles. Les personnels de santé et les enseignants hésitent souvent à aller travailler dans des quartiers rongés par la criminalité, car ils ont peur. Les seuls contacts que ces femmes ont avec le gouvernement se résument généralement aux interventions sporadiques de groupes d’assaut de la police, au cours desquelles elles subissent des fouilles illégales et sont injuriées, brutalisées et même agressées sexuellement par des policiers ; certaines sont blessées, voire tuées lors des échanges de tirs. Ces femmes se heurtent en outre, dans leurs rapports avec la police, à une discrimination liée aux quartiers où elles vivent. À Salvador de Bahia, les habitants du quartier de Nordeste Amaralina ont indiqué que la police appelle les femmes vivant dans ce secteur des « clochardes ». Des femmes ont également raconté que la police a une attitude discriminatoire et ne réagit pas lorsqu’elles lui signalent des violences dont elles ont été victimes. 4. Israël et territoires palestiniens occupés. La population victime de châtiments collectifs « Le siège israélien a transformé Gaza en une gigantesque prison. On ne peut pas partir, pas même pour recevoir des soins médicaux ou étudier à l’étranger, et la plupart des choses dont nous avons besoin ne sont pas disponibles à Gaza. Nous ne vivons pas vraiment ; c’est à peine si nous survivons, et les perspectives d’avenir sont sombres. » Ainsi s’est exprimé Fathi, un habitant de Gaza. La bande de Gaza s’enfonce dans une crise humanitaire qui n’est pas due à une catastrophe naturelle, mais dont les hommes portent l’entière responsabilité, et qui était évitable. Le renforcement du blocus israélien depuis juin 2007 a piégé un million et demi de Palestiniens, qui disposent de peu de ressources. Israël a interdit les exportations à partir de Gaza et ne laisse entrer le carburant et les marchandises qu’au compte-gouttes (principalement l’aide humanitaire, les vivres et les produits médicaux). La pénurie a fait grimper les prix des denrées alimentaires à un moment où les Gazaouis ont moins d’argent. Une part grandissante de la population s’est ainsi retrouvée dans une situation de pauvreté extrême et souffre de malnutrition. Environ 80 p. cent des habitants de Gaza, contre 20 p. cent il y a dix ans, dépendent désormais de l’aide internationale qu’Israël laisse arriver au compte-gouttes. Près de 450 000 Gazaouis – soit environ 30 p. cent de la population – n’ont pas accès à une eau salubre. Les malades ayant absolument besoin de traitements médicaux qui ne sont pas disponibles à Gaza sont eux aussi souvent empêchés de quitter le territoire ; un très grand nombre n’ont dès lors pas pu survivre. Les autorités israéliennes ont longtemps soutenu que le blocus de Gaza était une réponse aux attaques palestiniennes, notamment aux roquettes tirées sans discernement depuis Gaza sur la ville israélienne voisine de Sdérot. Au cours du premier semestre de cette année, les attaques palestiniennes ont fait 25 tués parmi la population israélienne, mais les forces israéliennes ont elles tué 400 Palestiniens. Bien qu’un cessez-le-feu entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens soit respecté à Gaza depuis le 19 juin 2008, le blocus israélien n’a pas été levé. Israël affirme à présent qu’elle ne le lèvera qu’après la libération de Gilad Shalit, un soldat israélien capturé par des groupes armés palestiniens en juin 2006 et toujours détenu à Gaza sans accès au Comité international de la Croix-Rouge. Actuellement, quelque 8 500 Palestiniens sont détenus dans des prisons israéliennes, certains depuis des dizaines d’années, et 900 d’entre eux originaires de Gaza ne sont pas autorisés à recevoir la visite de leur famille. Or, le blocus israélien ne cible pas les groupes armés palestiniens qui sont responsables des attaques mais punit de manière collective l’ensemble de la population de Gaza. 5. Angola. Des vies en ruines : expulsion forcée de personnes vivant dans la pauvreté Amnesty International estime que près de 10 000 familles ont subi une expulsion forcée à Luanda, en Angola, au cours des sept dernières années. Ces personnes n’ont pas reçu d’avertissement ni été informées ou consultées au préalable, elles n’ont bénéficié d’aucune protection juridique ni d’aucune solution de relogement adéquate, et n’ont eu accès à aucun recours efficace. Entre juillet et décembre 2007, des centaines de familles ont été expulsées de force du quartier d’Iraque, dans la municipalité d’Kilamba Kiaxi, à Luanda, afin que puisse se construire un complexe immobilier luxueux. La majorité de ces expulsions forcées ont été réalisées par des employés de l’entreprise de bâtiment Jardim do Éden, chargée de la construction des logements de luxe, sous la protection de gardes privés et de la police nationale. Des milliers d’autres habitants de Luanda risquent également d’être chassés de chez eux et de voir leur logement détruit. Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles en novembre 2007 deux enfants sont morts lorsque des engins de démolition ont détruit les maisons où ils dormaient. Deux journalistes qui, le 28 novembre 2007, étaient allés en reportage assister à des expulsions forcées ont été arrêtés, agressés verbalement et physiquement par la police, et détenus durant plusieurs heures avant d’être libérés sans inculpation.