Les droits humains en Libye doivent être à l’ordre du jour des discussions avec les États-Unis

Condoleezza Rice sera la première secrétaire d’État américaine à se rendre en Libye depuis cinquante-cinq ans. Amnesty International appelle le gouvernement américain à faire des droits humains une composante à part entière de sa coopération bilatérale avec la Libye. Condoleezza Rice sera dans ce pays aujourd’hui, dans le cadre de son voyage en Afrique du Nord, qui comprendra également des rencontres avec des responsables algériens, marocains et tunisiens.

Dans une lettre adressée cette semaine à la secrétaire d’État américaine, Amnesty International a recensé les problèmes de droits humains qui devraient être abordés au cours de cette visite historique. On peut notamment citer la répression continue de toutes les formes de réflexion et activité politique indépendante, ainsi que la détention des prisonniers d’opinion, condamnés pour le seul fait d’avoir critiqué les autorités libyennes ou cherché à organiser des manifestations contre le gouvernement.

En Libye, malgré quelques modestes avancées sur la question des droits humains ces dernières années, les autorités continuent de contrôler étroitement toutes les formes d’expression, d’association et de réunion publiques. Toute activité de groupe relevant d’une idéologie politique contraire aux principes de la révolution d’al Fateh (1er septembre 1969), qui a permis au Colonel Mouammar Kadhafi d’accéder au pouvoir, est considérée comme une infraction au regard du droit.

La détention prolongée depuis 2004 de Fathi el Jahmi, un prisonnier d’opinion, illustre bien les violations du droit fondamental à la liberté d’opinion et d’expression commises en Libye. Cet homme a été condamné pour ses contacts supposés avec des diplomates américains à Tripoli, et pour des interviews accordées en mars 2004 à des chaînes d’information par satellite, dans lesquelles il critiquait les autorités libyennes.

Autre exemple de répression contre des dissidents politiques pacifiques : en juin 2008, Idriss Boufayed et 11  autres personnes ont été condamnés à de longues peines (allant dans certains cas jusqu’à vingt-cinq années) d’emprisonnement. Ils ont été jugés coupables d’avoir cherché à organiser une manifestation pacifique contre les autorités libyennes. Ce rassemblement devait commémorer le premier anniversaire d’une autre manifestation à Benghazi en février 2006, au cours de laquelle au moins 12  personnes avaient été tuées et de nombreuses autres blessées.

Amnesty International a invité Condoleezza Rice à profiter de cette possibilité de normalisation des relations avec la Libye pour exhorter les autorités du pays à libérer immédiatement et sans condition les prisonniers d’opinion, et à abroger toutes les lois érigeant en infraction des activités relevant du simple exercice pacifique du droit à la liberté d’expression et d’association.

Amnesty International a également demandé aux autorités américaines de ne pas renvoyer de force vers la Libye les ressortissants de ce pays qui sont détenus à Guantánamo. Les personnes ainsi transférées risqueraient en effet de subir de graves violations des droits humains, telles que la détention au secret, la torture, les mauvais traitements et des procès non équitables. Dans sa lettre, Amnesty International a expliqué qu’au lieu de conclure avec la Libye des accords facilitant de tels transferts, les autorités américaines doivent trouver des solutions permettant de traiter les ressortissants libyens de Guantánamo conformément au droit international.

Toujours dans sa lettre, qui mentionnait également les préoccupations de l’organisation par rapport aux autres pays d’Afrique du Nord que la secrétaire d’État américaine doit visiter, Amnesty International recommandait en outre de ne pas procéder au renvoi en Algérie des ressortissants algériens détenus à Guantánamo, car ils risqueraient eux-aussi de subir de graves violations des droits humains. L’organisation a en effet produit des rapports montrant que les autorités algériennes, au nom de la lute antiterroriste, persistent dans des pratiques comme la détention au secret, la torture et les mauvais traitements.

Dans ses rapports de 2007 sur la situation des droits humains par pays, le département d’État américain indique également que les forces de sécurité libyenne torturent régulièrement les prisonniers, et que des allégations de torture subsistent en Algérie, dans un contexte d’impunité.

Amnesty International demande aux autorités américaines de se conformer à la recommandation du Comité des droits de l’homme des Nations unies, qui a exhorté les États-Unis à « prendre toutes les mesures nécessaires » pour veiller à ne transférer aucun détenu dans un autre pays « s’il y a de sérieux motifs de penser qu’il risque d’y être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Amnesty International espère que, dans cette visite historique pour la région, Condoleezza Rice ne va pas ignorer ces questions de droits humains pour se concentrer exclusivement sur des sujets d’intérêt commun.