Les affrontements entre l’armée du Sri Lanka et les Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (LTTE) mettent en danger des dizaines de milliers de personnes déplacées. Les hostilités se poursuivent dans la région de Wanni, dans le nord du pays.
À l’aggravation du conflit s’ajoute une préoccupation majeure : comme l’activité des journalistes est limitée dans la zone, il existe peu d’informations fiables concernant la situation sur le terrain et les deux camps ne cessent de se contredire. Pour cette raison, il est essentiel que des observateurs internationaux indépendants se rendent sans plus attendre sur les lieux.
Il n’existe aucun lieu sûr pour les milliers de familles qui tentent d’échapper aux bombardements aériens et aux pilonnages d’artillerie des forces sri-lankaises progressant vers la ville de Kilinochchi. Depuis le mois de mai, les frappes aériennes et les tirs de l’armée gouvernementale ont forcé plus de 70 000 personnes à fuir leur foyer, essentiellement dans les districts de Kilinochchi et de Mullaitvu.
Dans les zones de la région de Wanni qu’ils contrôlent, les LTTE ont empêché des milliers de familles de gagner des endroits plus sûrs en imposant un système de laissez-passer très strict. Certaines personnes ont dû rester sur place comme garants du retour d’autres membres de leur famille.
« Ces gens n’auront bientôt nulle part où aller, ni aucun accès aux biens et services de première nécessité, a déclaré Yolanda Foster, chercheuse sur le Sri Lanka pour Amnesty International. Les LTTE les gardent dans des endroits dangereux, et le gouvernement ne déploie pas les efforts nécessaires pour leur fournir une assistance de base. »
Selon les informations reçues par Amnesty International, le gouvernement place les personnes ayant pu quitter les zones contrôlées par les LTTE dans des abris temporaires qui s’apparentent souvent à des centres de détention.
Des témoins du camp de Kalimoddai (district de Mannar) ont indiqué à l’organisation que plus de 200 familles se trouvent dans le camp et ne peuvent le quitter sous aucun prétexte (sauf pour se rendre à l’école) lorsqu’elles ne disposent pas d’un laissez-passer des forces de sécurité gouvernementales.
Malgré les demandes visant la mise en place de couloirs humanitaires qui permettraient aux personnes déplacées de se rendre dans des zones plus sûres afin de pouvoir bénéficier d’une assistance de base, on constate que ces personnes servent en fait de tampon entre les deux parties au conflit.
Selon les médias sri-lankais, le général Sarath Fonseka, commandant des forces armées, aurait ordonné à ses troupes de la région de Wanni de barrer toutes les routes permettant de sortir de cette zone, afin de bloquer l’infiltration par les LTTE. Ces barrages vont également empêcher les civils de fuir les zones de conflit.
« Les parties à ce conflit de longue durée ont montré une nouvelle fois qu’elles étaient prêtes à mettre en danger des milliers de civils afin d’atteindre leurs objectifs militaires, a ajouté Yolanda Foster. Sans la présence d’observateurs internationaux, les civils sri-lankais ne bénéficient d’aucune protection et restent à la merci des forces en présence, qui ont toutes les deux de lourds antécédents en matière d’atteintes aux droits humains. »
Ce weekend, les autorités ont assuré qu’elles ouvriraient trois couloirs sécurisés, et qu’elles autorisaient pour le moment le passage de l’aide humanitaire par le poste de contrôle d’Omanthai, qui se trouve à la jonction du territoire sous contrôle gouvernemental et de la zone détenue par les LTTE. Les personnes affectées ont un besoin désespéré de cette aide, mais les organisations humanitaires qui travaillent dans la zone ne cachent pas leur inquiétude : si le conflit se poursuit, la situation des civils déplacés va encore empirer.
Amnesty International a établi qu’environ un tiers des familles déplacées devaient vivre dans des zones à découvert, sans le moindre abri. Beaucoup n’ont pas pu recevoir de nourriture, de bâches pour les abris temporaires, ou de combustible en raison du blocage des accès aux zones contrôlées par les LTTE et des restrictions imposées à la circulation des biens transitant par Omanthai. Pour les femmes et les jeunes filles, on signale une augmentation des violences sexuelles liées à la promiscuité.
Le déplacement des civils a très fortement augmenté en juillet – 14 000 nouvelles familles se sont retrouvées sans logement. Le 7 août, selon les chiffres fournis par le gouvernement, le total des personnes déplacées se situait entre 150 000 et 160 000.