Des centaines de personnes détenues sans inculpation au Soudan après l’attaque du 10 mai

Le gouvernement soudanais détient plusieurs centaines de personnes sans inculpation et sans possibilité de consulter un avocat, après l’attaque armée contre Khartoum perpétrée le 10 mai par le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE). Les autorités se préparent par ailleurs à juger 109 autres personnes arrêtées dans le cadre de cette attaque.

Le sort de la plupart des personnes qui restent placées en détention demeure inconnu. Celles qui ont été libérées ont évoqué des torture et d’autres mauvais traitements. Amnesty International craint que les personnes encore détenues ne soient en grand danger d’être torturées. Selon les informations reçues par l’organisation, des femmes et un bébé de neuf mois figurent parmi les détenus.

Ces craintes font suite à la condamnation à mort par pendaison de huit membres présumés du MJE, le 17 août, par les tribunaux d’exception soudanais chargés des affaires antiterroristes. L’un des huit condamnés est un haut responsable du MJE. Douze autres membres présumés du groupe se sont vu infliger la même peine le 20 août 2008. Ce dernier jugement porte à 50 le nombre de personnes condamnées à mort en lien avec l’attaque du 10 mai.


« Les tribunaux d’exception soudanais chargés des affaires antiterroristes ne sont qu’une parodie de justice,
a déclaré Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International. Certaines des personnes condamnées ont rencontré leurs avocats pour la première fois au moment du procès, tandis que plusieurs ont affirmé avoir été torturées pendant leur détention au secret et avoir été contraintes de faire des “aveux”. »


« Ces procès ont été clairement inéquitables et le Soudan se prépare maintenant à juger d’autres personnes avec le même système. Comment peut-on parler de justice ?
»

L’un des avocats des condamnés du 17 août a déclaré à Amnesty International que sa demande d’enquête sur les allégations de torture et de mauvais traitements formulées par son client avait été rejetée par le tribunal, qui a par la même occasion écarté une demande d’examen médical, alors que les marques de mauvais traitements étaient encore clairement visibles sur les corps des accusés au moment de leur comparution devant le juge, selon l’avocat.

La défense a fait appel des 38 condamnations dans le court délai accordé par les tribunaux d’exception. La décision finale – attendue dans les prochaines semaines – doit être rendue par la Cour d’appel d’exception. Elle devra ensuite être signée par le président soudanais pour que les exécutions aient lieu.


« Le gouvernement soudanais a le devoir d’enquêter sur les crimes et de traduire en justice les auteurs présumés de tels faits mais il doit le faire en respectant le droit international et sa propre Constitution, qui garantit l’équité des procès,
a déclaré Tawanda Hondora.


« Nous demandons instamment aux autorités soudanaises de ne pas exécuter ces hommes et de procéder immédiatement au réexamen de leurs dossiers. »

Amnesty International a également exhorté les autorités soudanaises à donner des informations concernant le sort de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête sur l’attaque du 10 mai, et à inculper rapidement ces personnes ou à les libérer immédiatement.

L’organisation a aussi demandé que tous les détenus puissent contacter et consulter régulièrement leur avocat et leur famille et obtenir les soins médicaux que nécessite leur état.

Complément d’information
Le 10 mai, pour la première fois depuis le début du conflit en 2003, un groupe d’opposition armé basé au Darfour a atteint la capitale soudanaise.

Dans les semaines qui ont suivi cette attaque, des centaines de personnes ont été arrêtées par la police et les forces de sécurité soudanaises. La plupart étaient originaires du Darfour. Selon les informations dont dispose Amnesty International, des exécutions extrajudiciaires ont eu lieu lors de cette vague d’arrestations.

En juillet, le chef de l’État soudanais, Omar Hassan Ahmad el Béchir, a annoncé la libération de 87 enfants soldats présumés, accusés d’avoir pris part à l’attaque.

À la fin du même mois, les tribunaux d’exception ont condamné à la peine capitale 30 personnes reconnues coupables d’infractions pénales liées à l’attaque du 10 mai. Ces juridictions chargées des affaires antiterroristes ont été mises en place le 29 mai pour juger les personnes accusées d’être impliquées dans cette attaque. Les intéressés ont été inculpés et condamnés sur la base d’articles du Code pénal de 1991, de la Loi antiterroriste de 2001 et de l’Ordonnance de 1993 sur les armes et munitions.

Le jugement rendu le 17 août est le quatrième prononcé par ces tribunaux d’exception.