Amnesty International a qualifié de scandaleux les propos de l’armée israélienne, qui a déclaré que le tir d’obus ayant causé la mort de Fadel Shana, un caméraman de l’agence Reuters, constituait une décision « raisonnable ». L’armée est parvenue à cette conclusion après avoir mené une « enquête » sur l’homicide de ce journaliste et de trois autres civils non armés, dont deux enfants, le 16 avril 2008.
Cette investigation était manifestement biaisée, et Amnesty International a exigé l’ouverture d’une enquête indépendante et impartiale sur ces homicides. L’organisation estime que les conclusions de l’armée ne peuvent que renforcer la culture d’impunité qui a entraîné un si grand nombre d’homicides injustifiés d’enfants et de civils non armés imputables aux forces israéliennes à Gaza.
Fadel Shana travaillait pour l’agence de presse Reuters. Il se trouvait dans un véhicule portant un marquage « Presse » clairement visible. Lui et son collègue sont sortis du véhicule. Tous deux portaient des vêtements qui les identifiaient comme des journalistes. Fadel Shana a été tué par le char d’assaut qu’il filmait. L’obus que le char a tiré contre Fadel Shana a également touché des civils, notamment des enfants, qui se trouvaient près de lui.
Le journaliste et deux enfaxnts, Ahmad Farajallah et Ghassan Khaled Abu Ataiwi, ont été tués par des fléchettes. Amnesty International a déclaré que les obus à fléchettes, dont le manque de précision est notoire, ne doivent jamais être utilisés dans ou près des zones habitées. Ces projectiles contiennent près de 5 000 dards métalliques, ou fléchettes, de cinq centimètres de long.
Selon la lettre envoyée à l’agence Reuters par l’avocat général de l’armée israélienne, l’équipage du char n’avait pas vu de signe distinctif sur le véhicule, et pensait que Fadel Shana était un activiste qui les visait avec un lance-roquettes.
« Les deux chars israéliens étaient dotés de systèmes optiques très perfectionnés et se trouvaient à moins d’un kilomètre de leur cible. La zone était dégagée, en plein jour, et la visibilité était très bonne. Il est donc particulièrement difficile de croire que les soldats n’ont pas vu le marquage “TV-Presse” sur le gilet de Fadel Shana et sur le camion Mitsubishi de l’agence Reuters », a déclaré un représentant d’Amnesty International.
Il n’y a pratiquement jamais d’enquêtes indépendantes sur les homicides de civils non armés commis par les forces israéliennes. Même lorsqu’une réaction internationale contraint l’avocat général des forces armées à se pencher sur ces affaires, la procédure reste limitée et manque d’indépendance et d’impartialité. Dans cette affaire, comme dans presque toutes les autres, les témoins n’ont pas été interrogés.
Aucune enquête digne de ce nom n’a été menée sur la mort de 13 autres civils non armés, dont huit enfants, tués le même jour après que des Palestiniens eurent pris en embuscade et abattu trois soldats israéliens.
Lorsque les responsables d’homicides illégaux n’ont pas à rendre de comptes, ni à redouter une enquête, les victimes subissent un déni de justice et d’autres abus peuvent survenir plus facilement. Par ailleurs, une telle situation réduit les perspectives de résolution pacifique du conflit, car les Palestiniens peuvent en conclure qu’il n’y a pas de justice pour eux.
« Il est évident qu’une enquête indépendante et impartiale sur cet homicide s’impose », a déclaré le représentant d’Amnesty International.
Amnesty International a, à maintes reprises, condamné les attaques, notamment les attaques à la roquette, lancées contre des civils israéliens par des groupes armés palestiniens, et demandé qu’il y soit mis fin et que les auteurs de ces agissements soient déférés à la justice. Toutefois, l’organisation a aussi indiqué que les attaques des groupes armés ne justifiaient pas la culture d’impunité qui entoure les homicides de civils palestiniens par l’armée israélienne.
Durant les six premiers mois de l’année 2008, l’armée israélienne a tué environ 400 Palestiniens, dont plus de 50 enfants. La plupart ont été tués à Gaza, et au moins la moitié d’entre eux étaient des civils non armés.
Au cours de la même période, 25 Israéliens, dont 17 civils, ont été tués par des groupes armés palestiniens.