25e anniversaire de la Journée internationale des personnes disparues

Jorge Alberto Rosal Paz a « disparu » au Guatémala le 12 août 1983. Cet agronome de vingt-huit ans a été enlevé par des soldats armés circulant à bord d’une jeep, alors qu’il se rendait de Teculutan à Zacapa. Il n’a jamais réapparu.

Lorsqu’il a « disparu », Jorge Rosal était marié et père d’une petite fille. Sa femme était enceinte de leur deuxième enfant. Il n’avait apparemment aucune affiliation politique ou religieuse. Bien que des personnes aient dit l’avoir vu en détention après son enlèvement, les autorités guatémaltèques ont nié savoir ce qu’il était advenu de lui.

Sa famille a porté son cas devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En 2000, l’État guatémaltèque a publié une déclaration dans laquelle il reconnaissait sa responsabilité dans cette affaire, entre autres. En 2004, un règlement amiable a été conclu entre l’État et la famille de Jorge Rosal.

Jorge Rosal fait partie des centaines de milliers de personnes qui, de par le monde, ont été victimes d’une disparition forcée au cours des vingt-cinq dernières années. Des centaines de milliers de proches et d’amis de ces personnes ne savent toujours pas ce qui leur est arrivé. Le samedi 30 août marque le 25e anniversaire de la Journée internationale des personnes disparues, qui a été instituée afin de ne pas les oublier.

Cette journée a été créée en 1983 par la Fédération latino-américaine des familles de disparus (FEDEFAM), une organisation non gouvernementale (ONG), à une époque où les disparitions étaient le fait de régimes autoritaires.

Depuis, la situation ne s’est guère améliorée. La pratique consistant pour un gouvernement à enlever ou arrêter des personnes puis à les détenir de manière secrète s’est poursuivie et développée, de plus en plus de pays acceptant et justifiant ce crime.

Les disparitions forcées ont lieu dans le monde entier, notamment dans des pays comme l’Algérie, la Colombie, la Fédération de Russie, le Népal, le Salvador, Sri Lanka, la Tunisie ou encore l’ex-Yougoslavie, pour ne citer qu’eux.

Le 6 septembre 2006, le président des États-Unis George W. Bush a révélé un secret de Polichinelle : la mise en place par la CIA d’un programme de détention au secret prolongée dans des lieux tenus secrets. Des gouvernements du monde entier ont, à différents degrés, participé à ces agissements.

Les personnes détenues dans le cadre de ce programme ont été victimes d’une disparition forcée. Personne ne sait où elles se trouvent et elles risquent d’être torturées et de mourir. Le président Bush a de nouveau autorisé ce programme en 2007.

Depuis qu’il s’est rallié à la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis, le Pakistan compte lui aussi parmi les pays qui pratiquent la disparition forcée. Les victimes sont, entre autres, des étrangers ou des ressortissants pakistanais soupçonnés de liens avec des groupes terroristes et des opposants politiques au régime qui réclament davantage de droits pour leur communauté, notamment pour les Baloutches et les Sindhis.

En cette année du 25e anniversaire de la Journée internationale des personnes disparues, le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires dénombre en tout 41 257 cas signalés dans 78 pays et non encore élucidés. La première année, le Groupe de travail avait été saisi de 1 733 cas de disparition forcée signalés dans 11 pays.

Au cours de l’année écoulée, le pires chiffres dont il a eu connaissance concernent Sri Lanka, où 5 516 personnes sont actuellement considérées comme « disparues » et où 30 nouveaux cas liés à une disparition forcée présumée et nécessitant une action urgente ont été relevés.

Les caractéristiques des disparitions forcées ont changé au cours de ces vingt-cinq années. Le Groupe de travail et la Journée internationale des personnes disparues ont été institués à une époque où les disparitions étaient pratiquées par des régimes autoritaires en Amérique latine.

À présent, elles ont tendance à se produire dans des pays en proie à un conflit armé interne, tels que la Colombie, la Fédération de Russie, le Népal, les Philippines et Sri Lanka.

Le 8 août, Ibragim Gazdiev était en train de conduire la voiture de son frère lorsqu’il a, semble-t-il, été arrêté par des hommes armés en tenue de camouflage dans la ville de Karaboulak, en République de l’Ingouchie (Fédération de Russie). Ils l’ont encerclé, forcé à monter dans une autre voiture et emmené avec eux. Personne ne l’a revu depuis.

On pense qu’il est maintenu en détention au secret par les services de sécurité de la Fédération de Russie. Les autorités nient cependant le détenir.

Amnesty International continue de faire campagne pour qu’il soit mis fin au crime de disparition forcée.

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (également appelée Convention contre les disparitions forcées) a été adoptée le 20 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Elle représente l’aboutissement de nombreuses années de travail difficile mené par des associations de proches de victimes, des ONG telles qu’Amnesty International et des gouvernements de premier plan, et constitue l’un des traités en matière de droits humains les plus fermes jamais adoptés par les Nations unies.

La Convention repose sur la définition de la disparition forcée, la portée de la compétence extraterritoriale que les États doivent exercer, et des dispositions concernant la réparation ainsi que la mise en œuvre et la création du Comité des disparitions forcées.

La Convention précise qu’elle « entend par “disparition forcée” l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».

Amnesty International appelle tous les États à ratifier sans délai la Convention et à promulguer les lois nécessaires pour sa mise en œuvre efficace conformément à leurs obligations internationales ; elle les invite ainsi à unir leurs forces pour mettre fin aux disparitions forcées, qui représentent l’une des pires violations des droits humains qui soit.

Pour l’heure, l’Albanie, l’Argentine, le Honduras et le Mexique sont les seuls États à l’avoir déjà ratifiée ; 73 pays l’ont signée, le dernier en date étant les Pays-Bas, le 29 avril 2008.

La Coalition internationale contre les disparitions forcées a été créée en septembre 2007 pour promouvoir la ratification et l’application de la Convention.

Le samedi 30 août, sur tous les continents, les membres de la Coalition, des ONG, des associations de familles et des organisations militantes organisent des événements pour célébrer la Journée internationale des personnes disparues.

Amnesty International soutient la Coalition internationale contre les disparitions forcées. Vous pouvez signer une lettre ouverte qui sera envoyée à tous les gouvernements pour leur demander de mettre fin à ce crime et de veiller à ce que justice soit rendue pour les victimes de disparition forcée et leurs familles.

Mobilisez-vous et agissez à nos côtés pour que les victimes et leurs familles aient accès à la justice et pour que ces crimes ne soient pas oubliés. Rendez-vous sur le site de la Coalition internationale contre les disparitions forcées : www.icaed.org (en anglais).