L’Égypte continue d’expulser des demandeurs d’asile érythréens

Selon les informations reçues, les autorités égyptiennes ont depuis le 11 juin renvoyé quelque 700 demandeurs d’asile érythréens à Massawa, en Érythrée, en utilisant des vols d’Egypt Air spécialement affrétés, au départ de l’aéroport international d’Assouan. Plus de 900 autres risquent d’être expulsés. Des centaines seraient détenus dans le camp des Forces centrales de sécurité de Shallal, au sud d’Assouan. Les demandeurs d’asile sont regroupés dans ce camp avant d’être emmenés à l’aéroport d’Assouan. Le 12 juin, un responsable des services de sécurité a confirmé que 200 Érythréens avaient été « renvoyés chez eux » la veille.

Le 15 juin, le ministère des Affaires étrangères égyptien a annoncé que le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Égypte allait pouvoir se rendre auprès des Érythréens afin d’examiner leurs demandes d’asile. Or, ce même jour, durant la nuit, quelque 90 Érythréens auraient été expulsés.

Les demandeurs d’asile renvoyés en Érythrée risquent d’être torturés ou autrement maltraités, en particulier ceux qui ont fui pour échapper au service militaire obligatoire. La plupart d’entre eux risquent d’être placés arbitrairement en détention au secret et d’y être maintenus, dans des conditions inhumaines, pendant des semaines, voire des années.

Certains risquent toujours d’être expulsés. D’après les informations dont dispose Amnesty International, près de 270 Érythréens qui étaient détenus dans des postes de police des villes d’Hourgada, d’Halayeb et de Shalatin, au bord de la mer Rouge, été transportés dans le camp de Shallal, de même que 35 autres qui étaient détenus au commissariat d’Assouan. Il n’y a plus aucun demandeur d’asile érythréen dans les postes de police situés près d’Assouan ni dans celui d’Idfu, au nord d’Assouan. La plupart ont été expulsés, mais certains se trouvent toujours dans le camp de Shallal. Parmi les Érythréens qui étaient détenus à Idfu et qui ont apparemment été expulsés se trouvaient environ 25 personnes accusées d’être entrées illégalement sur le territoire égyptien qui attendaient que la justice se prononce sur leur cas. La décision de justice devait être rendue le 21 juin.

Selon les témoignages parvenus à Amnesty International, lorsque ces demandeurs d‘asile ont appris qu’ils allaient être renvoyés de force en Érythrée, ils ont supplié les forces de sécurité de ne pas les expulser, et certains ont même menacé de se suicider. Les agents des forces de sécurité les ont alors fouillés pour vérifier qu’ils n’avaient aucun objet qu’ils auraient pu utiliser pour se blesser. Les demandeurs d’asile n’ont pas résistés physiquement lors de leur embarquement à bord de l’avion, mais ils continuaient de pleurer en implorant la clémence des autorités.

Les 200 demandeurs d’asile expulsés le mercredi 11 juin avaient été détenus dans le camp des Forces centrales de sécurité de Shallal, à Assouan. On leur avait dit qu’ils allaient être conduits au bureau du HCR au Caire.

Leurs avocats ont tenté de les voir le soir même, afin de leur fournir des médicaments et de la nourriture, mais ils n’ont pas pu se rendre auprès d’eux. Les Érythréens ont en réalité été emmenés à l’aéroport international d’Assouan et embarqués sur un vol Egypt Air spécialement affrété, à destination de l’Érythrée.

Depuis fin février, de très nombreux demandeurs d’asile érythréens ont gagné l’Égypte soit en traversant sa frontière avec le Soudan, soit en passant par la mer, depuis le sud d’Hourgada. D’autres, dont le statut de réfugié a pourtant été reconnu par le HCR au Soudan, fuient ce pays afin d’éviter que les autorités soudanaises ne les renvoient en Érythrée.

À Assouan, des centaines de demandeurs d’asile érythréens ont été accusés d’avoir pénétré illégalement sur le territoire égyptien et condamnés à un mois d’emprisonnement avec sursis. Ils ont cependant été maintenus en détention administrative sur ordre du ministère de l’Intérieur, comme le permet la Loi relative à l’état d’urgence.

Le HCR a adressé à tous les gouvernements des directives contre le renvoi des demandeurs d’asile érythréens déboutés, en raison du lourd bilan de l’Érythrée en matière de violations des droits humains. Ces directives sont toujours en vigueur à ce jour.

Deux demandeurs d’asile érythréens renvoyés dans leur pays par l’Allemagne le 14 mai ont vraisemblablement été arrêtés à leur arrivée en Érythrée ; on ne les a pas revus depuis. Un autre, renvoyé du Royaume-Uni en novembre 2007, a été détenu dans des conditions inhumaines et maltraité avant d’être relâché.

Des milliers de personnes sont détenues en Érythrée dans des lieux tenus secrets, pour des durées indéterminées et sans inculpation ni procès. Elles ont été arrêtées en raison de leur opposition présumée au gouvernement, pour avoir pratiqué leur foi alors que leur Église, évangélique ou autre, est interdite, pour s’être soustraites à la conscription ou pour avoir tenté de fuir le pays.