Le jour où Amnesty International a présenté son Rapport 2008 aux médias, dans les locaux de l’Association de la presse étrangère, à Londres, le 27 mai, différentes personnes défendant les droits humains à travers le monde étaient invitées d’honneur. Nous avons discuté avec trois d’entre elles.
Majida Razvi, la première femme juge ayant travaillé dans une haute cour au Pakistan, est aujourd’hui à la retraite. Elle se consacre à la défense des droits des femmes et fait partie du comité de sept membres à la tête de Panah, un foyer pour femmes à Karachi.
L’objectif de Panah est de fournir un refuge temporaire et paisible aux femmes qui fuient la violence domestique ou sexuelle ou qui risquent d’être assassinées pour des questions d’honneur.
Majida Razvi se dit heureuse de promouvoir le lancement du Rapport 2008 d’Amnesty International : « Lorsque nous avons ouvert nos foyers en 2001, les premiers fonds sont venus d’Amnesty International, et d’autres organisations liées à Amnesty International nous aident à Karachi. Je trouve qu’Amnesty International nous a été d’une grand soutien et j’espère qu’elle le restera à l’avenir. »
Majida Razvi explique que le changement le plus important qu’elle ait observé depuis la mise en œuvre du projet Panah est la sensibilisation générale au problème de la violence contre les femmes : « Nous ne fournissons pas seulement un refuge à ces femmes, nous essayons aussi de favoriser une prise de conscience au moyen d’ateliers par exemple.
« Le public est également plus à l’écoute aujourd’hui. Nous réussissons à faire évoluer l’attitude des policiers et des juges, en essayant de les amener à être plus sympathiques et plus polis à l’égard des victimes. Nous devons révolutionner les esprits, les mentalités des hommes mais aussi celles des femmes qui doivent obéir à leur mari et au mollah de leur secteur.
Alois Mbawara, un jeune Zimbabwéen vivant à Brighton, est exilé au Royaume-Uni depuis 2002. Il est l’un des membres fondateurs de Free-Zim Youth, une organisation qui essaie de persuader les institutions et les organisations d’adopter une attitude plus ferme à l’égard d’Harare.
« Nous sommes de jeunes Zimbabwéens en exil ayant fui la répression et la violence politique au Zimbabwe, déclare Alois Mbawara. En tant que citoyens de ce pays, nous devons dénoncer les violations flagrantes des droits humains qui sont commises par le régime de Mugabe. C’est pour cela que nous avons eu l’idée de créer cette organisation citoyenne pour faire pression sur l’Union africaine, pour l’amener à prendre position sur ce qui se passe au Zimbabwe. »
Alois Mbawara explique pourquoi il a accepté de participer au lancement du Rapport 2008 d’Amnesty International : « Cela représente une belle opportunité. Ça nous donne une tribune multilatérale pour faire connaître la situation au Zimbabwe. Pour nous, c’est une occasion en or d’exprimer notre point de vue sur la nature politique du Zimbabwe. »
Alois Mbawara ajoute que l’action d’Amnesty International contribue à « rendre compte de la vie quotidienne des gens au Zimbabwe. Je dois dire que, du fait de l’absence de liberté de la presse et des médias, même les personnes qui travaillent pour des organisations de défense des droits humains n’ont pas accès aux informations sur les violences politiques au Zimbabwe et elles ne peuvent donc pas les diffuser. Amnesty International joue par conséquent un rôle très important. »
Alois Mbawara dit que depuis la création de Free-Zim Youth la mobilisation, le travail de pression et les manifestations ont payé. « Certains ont pu trouver que ce n’était pas très diplomate, mais nous avons dû interpeller les dirigeants d’Afrique du Sud lorsqu’ils sont venus au Royaume-Uni, pour leur dire “Écoutez, vous devez faire quelque chose” », raconte-t-il en se remémorant la manifestation de son groupe pendant la conférence donnée en 2006 par le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Nkosazana Dhlamini Zuma, à la London School of Economics.
« Il y a eu des retombées positives. Le gouvernement sud-africain a publié une déclaration cruciale dans laquelle il a indiqué qu’il allait faire preuve de fermeté à propos de ce qui se passe au Zimbabwe. »
Murat Kurnaz, un ressortissant turc né en Allemagne, a été libéré de Guantánamo le 24 août 2006, après avoir été détenu pendant quatre ans et huit mois sans inculpation ni jugement, en l’absence de toute preuve le reliant à des activités « terroristes ». Les services de renseignement américains et allemands reconnaissaient cet état de fait officieusement, mais il a fallu des années pour que Murat Kurnaz soit libéré.
Le jeune homme affirme avoir été torturé et maltraité lorsqu’il se trouvait en détention sous la responsabilité des États-Unis. À l’occasion de la parution de la traduction anglaise de son livre (Five Years of My Life: An Innocent Man in Guantánamo – la version française est sortie en 2007 sous le titre Dans l’enfer de Guantanamo), Amnesty International a organisé une rencontre à Belfast (en Irlande du Nord) le 8 mai. Pour John Le Carre, il s’agit du témoignage « le plus bouleversant, le plus sincère et le plus digne qui puisse être donné à lire sur ce scandale que représente Guantanamo ». Patti Smith a écrit une chanson sur Murat Kurnaz en 2006, Without Chains. Elle a également préfacé le livre.
Murat Kurnaz dit qu’il a accepté d’assister au lancement du Rapport 2008 d’Amnesty International parce qu’il « souhaite saisir toutes les occasions qui se présentent de parler, non pour [lui], qui [a] retrouvé la liberté, mais pour aider ceux qui sont toujours détenus dans des camps de torture et des prisons, et pour faire campagne contre les personnes qui sont favorables à la torture et qui construisent des camps où on pratique la torture ».
S’exprimant à propos d’Amnesty International, Murat Kurnaz a déclaré : « Amnesty essaie de montrer aux gens ce qui se passe. C’est à eux, une fois qu’ils connaissent la vérité, d’essayer de faire changer les choses. »
Tout en étant positif, Murat Kurnaz reconnaît que les changements ne se feront pas du jour au lendemain. « La lumière ayant été faite sur certaines pratiques du passé, elles ne se reproduiront peut-être pas. J’ai l’impression que même si les progrès sont très lents les choses vont changer. Il y a quelques jours, j’ai été le premier ancien détenu de Guantánamo à témoigner devant le Congrès américain. C’était la première fois qu’ils parlaient de Guantánamo. J’espère que cela annonce de grands changements pour l’avenir. »