Des « combattants ennemis », mineurs lors de leur arrestation, comparaissent devant une commission militaire à Guantánamo

Deux personnes qui étaient âgées de moins de dix-huit ans au moment où elles ont été arrêtées par l’armée américaine en Afghanistan comparaissent devant une commission militaire à Guantánamo. Les audiences préliminaires concernant les cas de Mohammed Jawad et d’Omar Khadr ont repris cette semaine.

Il s’agit des premières audiences qui se tiennent devant une commission depuis que la Cour suprême américaine a estimé la semaine dernière que les détenus de Guantánamo avaient le droit de contester la légalité de leur détention devant un tribunal civil fédéral. Une observatrice d’Amnesty International assiste à ces audiences.

Les avocats des deux jeunes gens ont non seulement contesté la légalité de la procédure mais aussi formulé des allégations alarmantes concernant des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, et fait part de leur inquiétude persistante au sujet de la santé physique et mentale des détenus.

Mohammed Jawad, ressortissant afghan, avait entre seize et dix-sept ans lorsqu’il a été arrêté à Kaboul en décembre 2002. Son avocat, David Frakt, commandant dans l’armée de l’air américaine, a déposé une requête visant à obtenir que les accusations de tentative de meurtre portées contre lui ne soient pas retenues, au motif que l’armée américaine l’avait soumis à la torture – notamment à de graves privations de sommeil – à Guantánamo.

Les registres ont révélé que Mohammed Jawad avait été soumis à un traitement connu sous le nom de « frequent flyer program » (programme vols fréquents) sur une période de deux semaines en mai 2004 à Guantánamo : on l’a changé de cellule 112 fois en tout, soit environ toutes les deux heures. Il avait déjà essayé de se suicider quelques mois auparavant.

Selon son avocat, son dossier montre qu’il avait déjà été décidé au moment où ce traitement lui a été infligé que le jeune homme ne présentait « aucun intérêt pour les services de renseignement ». Son dossier indiquait également qu’il n’avait commis que quelques infractions disciplinaires mineures, comme le fait de héler d’autres détenus en pachto (sa propre langue) alors qu’il était détenu à l’isolement.

Lors de la dernière apparition de Mohammed Jawad devant une commission militaire, en mars, l’observatrice d’Amnesty International a remarqué qu’il était visiblement agité. À un moment, il a enlevé les écouteurs qu’il portait pour suivre l’interprétation des débats dans sa langue, déclarant souffrir de violents maux de tête. Il a posé la tête sur la table et ne l’a plus relevée jusqu’à la fin de l’audience.

Omar Khadr n’avait que quinze ans lorsqu’il a été placé en détention sous la responsabilité des États-Unis. Ce citoyen canadien doit lui aussi comparaître devant une commission militaire ce vendredi 20 juin ; on s’attend à ce que les charges retenues contre lui soient de nouveau contestées. Il aurait récemment dit se sentir indisposé et souffrir de vertiges. Un professionnel de la santé appartenant à l’armée qui lui a rendu visite hier l’a cependant trouvé « en bonne santé, ne présentant aucun symptôme ni problème ».

Les observateurs d’Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales telles que Human Rights Watch, Human Rights First et l’American Civil Liberties Union ont présenté mardi 17 juin une requête conjointe sollicitant l’autorisation de voir les cellules où Mohammed Jawad et Omar Khadr sont actuellement incarcérés, en raison des inquiétudes concernant l’impact de leurs conditions de vie sur leur santé mentale et physique. Les autorités n’ont pas encore donné suite à cette requête.

Amnesty International a déclaré qu’aucun mineur n’aurait jamais dû être transféré à Guantánamo et qu’aucune personne âgée de moins de dix-huit ans au moment des faits qu’on lui impute ne doit être jugée par une commission militaire. Outre les déficiences profondes caractérisant cette procédure de manière générale, rien n’est prévu pour que les commissions puissent juger des mineurs dans les conditions requises par le droit international.

Amnesty International a demandé aux autorités des États-Unis d’abandonner le système fondamentalement injuste des commissions militaires dans tous les cas, de fermer Guantánamo dans les meilleurs délais, et de relâcher les personnes qui y sont détenues ou de laisser à des tribunaux civils fédéraux américains le soin de les inculper et de les juger le cas échéant.