Le 4 juin 2008 marque le dix-neuvième anniversaire de la répression par le gouvernement chinois des manifestations en faveur de la démocratie organisées en 1989 à Pékin sur la place Tiananmen et dans ses environs.
Lors de ces mouvements de protestation, des centaines de civils ont été tués et des milliers d’autres blessés par l’armée chinoise, et des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées. De nombreux militants ont par la suite été placés en détention parce qu’ils avaient attiré l’attention sur les mesures prises par le gouvernement cette année-là, ou les avaient contestées.
À deux mois de l’ouverture des Jeux olympiques de Pékin, Amnesty International demande à nouveau aux autorités chinoises de libérer les militants qui sont toujours détenus, d’amener les responsables de la répression à rendre des comptes, et de permettre à ceux qui le souhaitent de pleurer publiquement les victimes et de commémorer publiquement ces événements. De telles mesures contribueraient grandement à ce que les Jeux de Pékin laissent un héritage positif pour les droits humains.
Le 2 juin, des milliers de sympathisants d’Amnesty International vont manifester dans des villes du monde entier, notamment à Londres, Mexico ou encore Tel-Aviv. Un grand nombre d’entre eux déposeront des fleurs rouges et blanches en signe de solidarité avec les proches de ceux qui ont été tués ou arrêtés. Une minute de silence sera également observée en mémoire des victimes du tremblement de terre qui a frappé la province du Sichuan.
Amnesty International salue les dispositions qui ont été prises par les autorités chinoises pour répondre rapidement aux besoins des nombreuses victimes de cette catastrophe naturelle.
À l’occasion du dix-neuvième anniversaire de la répression du mouvement en faveur de la démocratie, l’organisation exhorte les autorités chinoises à faire preuve de la même humanité envers les familles de ceux qui ont été tués, incarcérés ou réduits au silence de quelque autre manière parce qu’ils avaient exercé leur droit de manifester.
Les chiffres dont disposent les autorités sont tenus secrets mais d’après la Dui Hua Foundation, basée aux États-Unis, 60 à 100 militants seraient toujours détenus. L’année dernière, la veille de l’anniversaire des événements de Tiananmen, le réseau Chinese Human Rights Defenders a rendu publique la liste de 13 personnes maintenues en détention dans la seule région de Pékin. Plusieurs détenus ont été remis en liberté en 2006, mais ils sont maintenus sous étroite surveillance policière et ne peuvent pas mener des activités considérées comme politiquement sensibles – ils ne peuvent notamment pas parler à des journalistes de ce qui leur est arrivé.
Les personnes suivantes font partie de celles qui sont toujours maintenues en détention.
Miao Deshun a été arrêté en juin 1989 et condamné pour incendie criminel. La peine de mort initialement prononcée contre lui a été commuée en peine de détention à perpétuité en 1991, puis en une peine de vingt ans de réclusion en 1998. Il est actuellement détenu dans la prison de Yanqing, dans la banlieue de Pékin, et devrait être libéré le 15 septembre 2018.
Liu Zhihua faisait partie d’un groupe d’ouvriers à l’initiative d’un mouvement de grève à l’usine de matériel électrique de Xiangtan, dans la province du Hubei. Il avait initialement été condamné à une peine de détention à perpétuité pour avoir prononcé des discours « anti-gouvernementaux » et incité une foule à commettre des « actes de violence contre des personnes, des destructions et des pillages », mais cette peine a été ramenée à quinze ans de prison en septembre 1993, puis rallongée de cinq années en 1997 à la suite d’une bagarre. Il a bénéficié en 2001 d’une remise de peine de deux ans pour bonne conduite, et il est actuellement prévu qu’il soit remis en liberté le 16 janvier 2011.
Wang Jun, avait dix-huit ans et travaillait comme ouvrier dans la province du Shaanxi à l’époque des manifestations de Tiananmen. Il a été condamné à mort avec sursis pour avoir lancé des pierres, cassé des réverbères et incendié plusieurs véhicules lors des « graves troubles politiques » qui ont eu lieu le 22 avril 1989 à l’usine de Xincheng, dans la ville de Xian. Il est actuellement détenu à la prison de Fuping, dans la province du Shaanxi. Il a bénéficié de quatre réductions de peine et sa libération devrait intervenir le 11 décembre 2009.
Récemment, des journalistes et des militants s’efforçant de continuer à attirer l’attention du public sur la répression ont été harcelés, arrêtés et placés en détention. Figurent au nombre de ces personnes :
des membres des Mères de Tiananmen, une organisation de militants des droits humains dont un enfant ou un proche a été tué lors de la répression. Ces militants demandent aux autorités chinoises d’accorder aux familles des victimes le droit de pleurer en public la mort des leurs, de cesser de persécuter les victimes et leurs proches, de libérer tous ceux qui continuent d’être détenus pour avoir participé à des manifestations pourtant pacifiques, et de mener une enquête exhaustive et transparente sur les événements de juin 1989. Ces personnes continuent d’être victimes, de la part des autorités, de mesures de harcèlement, de discrimination et de détention arbitraire ;
Yang Tongyan (nom de plume : Yang Tianshui), écrivain indépendant, qui purge une peine de douze années de privation de liberté dans la prison municipale de Nanjing, dans la province du Jiangsu, pour « subversion ». Il a notamment été accusé d’avoir soutenu dans ses écrits un changement politique et démocratique en Chine. Il avait déjà purgé une peine de dix ans d’emprisonnement pour avoir critiqué la répression du mouvement de 1989 en faveur de la démocratie, et essayé, semble-t-il, de former un parti politique d’opposition. En 2007, il aurait été contraint de fabriquer des ballons de football et de basket-ball durant huit à dix heures par jour dans un environnement de travail manifestement toxique. Mais en fin d’année il a été affecté à des tâches moins pénibles et employé comme bibliothécaire dans la prison ;
Shi Tao, qui purge une peine de dix ans d’emprisonnement pour avoir résumé, dans un courriel, un communiqué du Département central de propagande portant sur la manière dont les journalistes devaient traiter le sujet du 15e anniversaire de la répression du mouvement démocratique de 1989. Fin juin 2007, il a été transféré à la prison de Deshan, à Changde (province du Hunan), où ses conditions de détention se seraient nettement améliorées. Il est à présent autorisé à recevoir régulièrement la visite de sa mère. La Cour populaire suprême aurait accepté la demande de réexamen de son dossier, mais il n’y a pas eu de nouvelle décision ;
Kong Youping, ancien militant syndical, qui a été condamné à quinze années d’emprisonnement en septembre 2004 pour avoir mis en ligne sur Internet des articles et des poèmes appelant à une réévaluation du mouvement de 1989 en faveur de la démocratie. Il purge cette peine à la prison de Lingyuan, dans la province du Liaoning.