Le rédacteur en chef d’un journal égyptien a été condamné mercredi à six mois de prison pour avoir évoqué la santé du président Hosni Moubarak. Ibrahim Eissa, rédacteur en chef du quotidien Al Dustour, avait en effet écrit un article laissant entendre que l’état de santé du président égyptien, âgé de soixante-dix-neuf ans, se dégradait.
Les autorités ont soutenu que cet article avait entraîné des retraits d’investissements étrangers et fait ainsi perdre à l’économie égyptienne 350 millions de dollars.
S’exprimant juste après le prononcé du verdict, Ibrahim Eissa a déclaré que sa condamnation était symptomatique du harcèlement judiciaire dont sont quotidiennement victimes les journalistes. Il a ajouté que ces manœuvres étaient destinées à intimider les journalistes et à les dissuader de dénoncer la politique des autorités et de critiquer publiquement le président Hosni Moubarak.
« Ils veulent en faire une personnalité intouchable, à l’abri de toute critique ou remise en question. Ce verdict est dans le droit-fil des autres condamnations dont moi-même et d’autres rédacteurs en chef avons déjà fait l’objet. Ces condamnations mélangent justice et politique et s’appuient sur toute une série de dispositions de la législation égyptienne qui avaient été abandonnées depuis des lustres et jamais utilisées, a poursuivi Ibrahim Eissa.
« Les engagements pris par le président en 2004 [supprimer les peines de prison pour les délits de presse] n’étaient que des promesses de façade. J’ai été condamné à six mois de prison et d’autres verdicts doivent encore tomber samedi, lundi et samedi en huit. Aucun autre journaliste n’a en une semaine fait l’objet d’aussi nombreuses condamnations et ce, peut-être dans le monde entier ! »
Ibrahim Eissa a été reconnu coupable aux termes des articles 171 et 188 du Code pénal égyptien d’avoir publié en 2007 des informations considérées par les autorités comme préjudiciables à l’intérêt public et à la stabilité nationale. Il peut faire appel de cette décision.
Amnesty International a demandé aux autorités égyptiennes d’abandonner les poursuites engagées contre lui.
« Ce procès s’inscrit dans une politique à plus grande échelle des autorités égyptiennes consistant à intenter des procès en diffamation et d’autres poursuites pour empêcher la diffusion d’informations considérées comme secrètes par les autorités mais qui relèvent en réalité de l’intérêt public, a déclaré Amnesty International. Il fait apparaître à quel point il est nécessaire que le gouvernement modifie la loi controversée sur la presse ainsi que les dispositions du Code pénal qui font de l’information légitime une infraction. »
La Loi sur la presse qui a été adoptée par l’Assemblée nationale égyptienne en juillet 2006 a introduit de nouvelles restrictions à la liberté d’expression. Les journalistes et d’autres personnes continuent de courir le risque d’être incarcérés s’ils commettent des infractions à la législation sur la presse telles que l’outrage à un représentant de l’État.
Lorsque cette loi a été adoptée, des journaux indépendants et des journaux de l’opposition ont interrompu leur publication pendant une journée en signe de protestation, et des centaines de professionnels des médias ont manifesté devant le Parlement.
« Nous espérons que lorsqu’elle examinera cette affaire la Cour d’appel annulera ce jugement, respectant ainsi la liberté de la presse, a ajouté Amnesty International. Les autorités doivent cesser d’utiliser les procès en diffamation pour harceler les journalistes et les empêcher d’informer la population sur des sujets d’intérêt public légitimes. »
Le 31 mars, Ibrahim Eissa comparaîtra à nouveau devant la justice, dans le cadre d’une autre affaire, pour divulgation de fausses informations sur l’état de santé du président Moubarak.
En 2007, il a fait partie des quatre rédacteurs en chef de journaux condamnés en application de l’article 188 du Code pénal égyptien, qui dispose que quiconque « publie avec malveillance des informations, déclarations ou rumeurs mensongères susceptibles de troubler l’ordre public », est passible d’une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement et d’une amende de 20 000 livres égyptiennes (près de 2 300 euros). Ils ont tous les quatre fait appel de leur condamnation et ont été laissés en liberté en attendant l’issue de la procédure ; la prochaine audience doit avoir lieu le 5 avril.