La souffrance des «orphelins adultes» en Albanie

Renato Kaleshi, trente-cinq ans, a grandi dans les orphelinats d’État albanais. Il est mort d’une pneumonie le 12 février à Vlora, après des années d’une vie de misère.

L’hygiène déplorable, ainsi que les conditions dégradantes dans lesquelles Renato Kaleshi a vécu et péri témoignent de l’échec de l’État albanais à remplir ses obligations légales, aux termes desquelles les orphelins ayant atteint l’âge adulte doivent bénéficier d’un logement adéquat et de l’assistance et de la protection de l’État.

Renato Kaleshi était paralysé depuis son enfance, conséquence d’une chute qui se serait produite lorsqu’il vivait dans un orphelinat sous tutelle de l’État. Il était en chaise roulante depuis 1993. Il souffrait également de problèmes cardiaques. Pendant ses onze dernières années, il a vécu dans des conditions sordides, dans un ancien dortoir à moitié en ruines de l’école de commerce de Vlora, en compagnie de neuf autres adultes, orphelins depuis leur enfance.

Le groupe vit dans une grande pauvreté dans ce bâtiment aux vitres cassées, infesté de rats, au milieu des relents d’égouts. Les membres du groupe se partagent deux ou trois chambres et aucune intimité n’est possible. Ils n’ont aucune garantie de pouvoir rester dans les lieux. Le bâtiment est devenu une propriété privée et le nouveau propriétaire leur aurait demandé de partir. Les autorités municipales, auxquelles incombe en premier lieu la responsabilité de leur procurer un relogement adéquat, n’ont rien fait jusqu’à présent.

Le droit albanais accorde la priorité aux orphelins en matière de logement et d’emploi à la fin de leur scolarité à l’âge de dix-huit ans, afin de les protéger et de favoriser leur insertion dans la société. Le droit à un logement adéquat est garanti en droit international, au titre de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par l’Albanie. L’État albanais a bafoué ces obligations de manière flagrante.

Quelque 320 orphelins devenus adultes connaissent des conditions de vie similaires dans les « ghettos d’orphelins » situés dans d’autres villes d’Albanie. Ils sont souvent peu qualifiés, au chômage ou employés à de menus travaux mal rémunérés, et doivent survivre avec une aide très réduite de la part de l’État.

Ces adultes, orphelins depuis leur enfance et élevés dans des institutions d’État, n’ont pas la possibilité de louer ou d’acheter un logement sur le marché. Les conditions dans lesquelles ils vivent amplifient le phénomène de stigmatisation et d’exclusion sociale qui touche de nombreux orphelins ; leur capacité à fonder un foyer stable et chaleureux pour eux-mêmes et leurs propres enfants s’en trouve diminuée et ils sont plus vulnérables que d’autres à toute forme d’exploitation.

Amnesty International appelle les autorités municipales de Vlora à respecter immédiatement leurs obligations légales et à procurer un logement adéquat aux orphelins devenus adultes vivant toujours dans l’ancienne école de commerce de la ville. L’organisation appelle également les autorités centrales albanaises et les autorités municipales dans tout le pays à prendre en priorité des mesures visant à assurer aux membres les plus vulnérables de la société, notamment les « orphelins adultes », un logement adéquat, comme le prévoit la loi.