La Russie extrade, l’Ouzbékistan maltraite

Depuis la chute de l’Union soviétique, les préoccupations relatives à la sécurité régionale et à la «guerre contre le terrorisme» influent de plus en plus sur la coopération entre la Russie et l’Ouzbékistan, deux anciennes Républiques de l’URSS.

Amnesty International a recensé de nombreux cas de personnes qui ont été renvoyées de Russie en Ouzbékistan parce qu’elles étaient soupçonnées d’appartenir à des groupes islamiques interdits. Ces personnes ont ensuite été placées au secret, torturées ou maltraitées, puis condamnées à l’issue de procès iniques, parfois à de longues peines d’emprisonnement voire à la peine de mort.

Les autorités ouzbèkes continuent de demander l’extradition de ceux qu’elles soupçonnent d’implication dans les événements d’Andijan, en mai 2005. Plusieurs centaines de personnes avaient été tuées lorsque les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur les manifestants, pacifiques pour la plupart. De telles extraditions montrent que la Russie ne respecte pas le droit international, qui interdit de renvoyer un individu dans un pays où il risque d’être victime de graves violations de ses droits humains.

Cette affaire a fait beaucoup de bruit dans les médias et donné lieu à une mobilisation d’Amnesty International et d’autres organisations. C’est peut-être grâce à toute cette attention que des poursuites judiciaires ont été engagées contre le responsable du centre de détention pour étrangers de Moscou, où Roustam Mouminov avait été placé avant son renvoi. En mai 2007, ce responsable a été reconnu coupable d’abus d’autorité pour avoir permis l’opération de renvoi. Mais à ce moment-là, Roustam Mouminov avait déjà été condamné à cinq ans et demi d’emprisonnement en Ouzbékistan.

Amnesty International a récemment eu connaissance d’autres cas où des personnes sont menacées d’un renvoi forcé en Ouzbékistan. Dilchod Kourbanov et Moukhamadsolikh Matiakoubovitch Aboutov sont tous deux détenus en Russie, où ils attendent une décision sur leur statut.

Dilchod Kourbanov vit dans la Fédération de Russie depuis 2003. Il a été arrêté le 30 mai dans la région de Toula, puis conduit au service de police chargé de la lutte contre le crime organisé. Il se trouve actuellement dans un centre de détention provisoire à Novomoskovskoe 2. Il avait demandé peu de temps avant le statut de réfugié au HCR, qui ne s’est pas encore prononcé sur son cas.

Dilchod Kourbanov affirme avoir été persécuté en Ouzbékistan en raison de ses profondes convictions religieuses. La police l’a interrogé à plusieurs reprises au sujet de membres du Hizb-ut-Tahrir (Parti de la libération), un parti islamique interdit. Il dit avoir appris en 2002 que son nom figurait sur une liste de terroristes présumés établie par la police. Lorsqu’on l’a informé que des policiers s’étaient rendus au domicile de ses parents afin de l’emmener et de l’interroger, il a décidé de quitter l’Ouzbékistan pour aller en Russie.

Le domicile de Moukhamadsolikh Matiakoubovitch Aboutov en Ouzbékistan a été fouillé en janvier 2007 et la police a emporté des ouvrages religieux pour vérifier s’ils avaient une «teneur extrémiste». Moukhamadsolikh Aboutov avait été emprisonné en Ouzbékistan dans les années 1990 après avoir fait l’objet, selon lui, d’accusations forgées de toutes pièces. Craignant d’être à nouveau privé d’une procédure équitable et emprisonné, il a quitté l’Ouzbékistan en février 2007 pour la Russie.

Avant d’avoir pu contacter les autorités pour solliciter une protection en tant que réfugié, il a été interpellé par des individus faisant apparemment partie des forces de sécurité ouzbèkes, le 13 juin, devant son appartement de Krasnogorsk, dans la région de Moscou, puis remis aux services de police locaux. Il a rempli une demande de réfugié auprès du HCR, mais la police a refusé de la transmettre.

Le 26 juin, le tribunal de la ville de Krasnogorsk a ordonné son maintien en détention, de manière à ce qu’il puisse être renvoyé en Ouzbékistan. Le 27, il a été transféré dans un centre de détention provisoire à Mojaïsk, dans la région de Moscou, d’où il a pu demander l’asile à la Fédération de Russie. Aucune décision n’a été rendue jusqu’ici au sujet de son statut.

Amnesty International déplore que, malgré les très nombreuses preuves sur le caractère systématique de la torture en Ouzbékistan, les autorités russes aient affirmé à plusieurs reprises que les droits civils étaient protégés dans ce pays. L’organisation condamne fermement toute action d’un État visant à porter atteinte aux principes fondamentaux de la protection internationale des réfugiés.