Une cinquantaine de militants ont été arrêtés au Zimbabwe lors d’un rassemblement public qui a eu lieu le 11 mars 2007 alors même que les autorités avaient interdit pour trois mois les défilés et manifestations. Ces militants, parmi lesquels se trouvaient des dirigeants du principal parti de l’opposition, le Movement for Democratic Change (MDC, Mouvement pour le changement démocratique), ont été roués de coups au moment de leur arrestation et certains auraient été torturés pendant leur détention aux mains de la police.
L’un d’entre eux, Gift Tandare, a été abattu par la police. II était le président d’une structure locale de la National Constitutional Assembly (NCA, Assemblée constitutionnelle nationale) dans la banlieue de Harare. Parmi ceux qui ont été torturés figurent le président du MDC, Morgan Tsvangirai, et le président de la NCA, Lovemore Madhuku.
Amnesty International a reçu de nombreuses informations signalant que la police continuait de harceler des opposants politiques et des avocats. De plus, des organisations de la société civile telles que le Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU, Congrès des syndicats zimbabwéens), la NCA et Women of Zimbabwe Arise (WOZA, Femmes du Zimbabwe, debout!), qui défend les droits des femmes, continuent également d’être l’objet de manœuvres de harcèlement de la part d’agents de l’État lorsqu’elles tentent de faire leur travail.
Amnesty International a écrit au président du Zimbabwe, Robert Mugabe, et à son ministre de l’Intérieur, Kembo Mohadi, pour les appeler à prendre des mesures efficaces afin de mettre un terme aux violations graves et persistantes des droits humains.
Des membres de l’opposition harcelés
Grace Kwinjeh et Sekai Holland, tous deux membres du MDC, ont, selon les informations reçues, été torturés par la police à la suite des événements du 11 mars. Le 17 mars, ils ont été empêchés de se rendre en Afrique du Sud pour y recevoir des soins médicaux. On ne leur a pas permis de monter à bord d’un avion sanitaire à l’aéroport international de Harare et ils ont été conduits contre leur gré au commissariat central de la ville.
Leurs documents de voyage auraient été confisqués et ils ont été renvoyés en ambulance à l’hôpital, où ils ont été placés sous la surveillance de policiers armés. Grace Kwinjeh et Sekai Holland n’ont été autorisés à quitter le pays que le 22 mars, après une décision de la Haute cour interdisant aux autorités d’empêcher leur évacuation.
Le lendemain, un dimanche, Nelson Chamisa, le porte-parole national du MDC, qui avait aussi été roué de coups par la police le 11 mars, a été attaqué par des individus non identifiés à l’aéroport international de Harare. Il a subi une fracture du crâne et de multiples lacérations au visage.
Le lundi suivant, Arthur Mutambara, dirigeant d’une faction du MDC, a été relâché par la police, qui l’avait arrêté et incarcéré le 17 mars. Il a cependant de nouveau été arrêté à l’aéroport international de Harare alors qu’il se rendait en Afrique du Sud pour aller voir sa famille. Selon les informations disponibles, il a été conduit au tribunal ce même lundi mais le magistrat a refusé de le placer en détention provisoire, et son passeport a été confisqué par la police.
Des avocats victimes de harcèlement
Amnesty International a également reçu des informations extrêmement préoccupantes signalant que des avocats défendant des membres de l’opposition étaient victimes de manœuvres de harcèlement depuis le 11 mars 2007. Andrew Makoni, qui est membre de l’organisation Zimbabwe Lawyers for Human Rights (ZLHR, Avocats du Zimbabwe pour les droits humains), a été soumis à une fouille corporelle poussée lorsqu’il a tenté de remettre à la police une décision de justice lui interdisant de continuer à intervenir au sujet de la dépouille de Gift Tandare.
Andrew Makoni aurait été accusé par la police de porter des «armes de guerre». Les policiers ont déchiré l’ordonnance du tribunal et ordre a été donné d’arrêter l’avocat s’il était de nouveau aperçu dans les locaux. La police aurait aussi accusé des avocats d’avoir facilité des actes de violence qui auraient selon elle été commis par l’opposition.
Harcèlement de défenseurs des droits humains
Le mardi 13 mars, sept policiers ont fait irruption dans les locaux du ZCTU munis d’un mandat de perquisition les autorisant à fouiller les lieux et à saisir tout «document de nature subversive» qu’ils y trouveraient. Deux responsables du ZCTU, Gilbert Marembo et Michael Kadukuti, auraient été agressés par des policiers qui leur auraient plaqué sur le visage leurs mains ouvertes.
Les policiers ont fouillé les bureaux du ZCTU après avoir arrêté le personnel de l’organisation et des visiteurs qui se trouvaient sur place. Des membres du personnel de cette organisation ont également été menacés de «visites au domicile», en présence de leurs avocats qui avaient enquêté sur les allégations d’agressions. La police a saisi quatre cartons contenant des tracts du ZCTU.
Le lundi suivant (19 mars), des policiers sont allés chercher chez elles, à Harare, deux membres de l’organisation féminine WOZA. Ils les auraient tenues sous la menace d’une arme et leur auraient bandé les yeux. Elles ont été interrogées au sujet des activités de WOZA et agressées, puis abandonnées dans la brousse.
Il avait auparavant déjà été signalé que des membres de WOZA avaient été arrêtées, incarcérées et frappées par des policiers à Masvingo le 6 mars 2007 à la suite d’une manifestation pacifique contre le mauvais fonctionnement des services de distribution d’eau.
Depuis 2003, Amnesty International a réuni des informations sur plus de dix cas où des membres de WOZA ont été rouées de coups durant leur détention aux mains de la police après avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement. Elles ont souvent été privées de nourriture, de soins médicaux et de l’assistance d’un avocat. Il arrive fréquemment que des mères soient placées en détention avec leurs bébés pour une période prolongée.
Les manœuvres de harcèlement persistantes exercées par la police contre l’opposition et des avocats à la suite des événements du 11 mars 2007 sont une illustration de la politique de harcèlement menée contre les membres de l’opposition, les avocats et les défenseurs des droits humains qu’Amnesty International observe depuis 2000.