Un autre Guantánamo en Malaisie? Détentions illimitées et risques de torture

“Il ne faut pas accepter que des gens soient privés de leurs droits humains au nom de la sécurité nationale, ni qu’ils soient privés de leurs droits humains au nom de la guerre contre le terrorisme.” – Chang Lih Kang, 17 Mars 2006

À la suite de l’appel lancé par l’Organisation des Nations unies, qui demande la fermeture de Guantánamo, le Premier ministre malaisien Abdullah Ahmad Badawi a lui aussi exhorté, le 20 février 2006, les États-Unis à fermer ce centre de détention. “De nombreuses personnes sont d’avis que ce camp doit être fermé après que des photos et des témoignages ont révélé que la torture y est pratiquée”, aurait-il déclaré. Les groupes de défense des droits humains malaisiens ont prié le Premier ministre d’appliquer le même principe au centre de détention de Kamunting, situé en Malaisie, où des personnes sont incarcérées en vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure sans avoir été inculpées ni jugées. Chang Lih Kang, un Malaisien qui milite au sein du Mouvement pour l’abrogation de la Loi relative à la sécurité intérieure, a déclaré: “Notre dirigeant applique une politique à géométrie variable.” Aux termes de la Loi relative à la sécurité intérieure, un individu peut être détenu jusqu’à soixante jours à l’isolement dans un lieu tenu secret, ce qui lui fait courir le risque d’être torturé et maltraité. Les cellules étant souvent dépourvues de fenêtre, les détenus peuvent perdre toute notion du temps. Ils sont agressés, forcés à se déshabiller, privés de sommeil, d’eau et de nourriture, on leur dit qu’on fera du mal à leur famille et ils sont soumis à des interrogatoires prolongés menés de manière agressive, dont le but est de leur soutirer des «aveux» ou d’obtenir des informations. Au bout de deux mois, le gouvernement peut émettre un décret imposant une détention de deux ans et transférer les détenus dans le centre de détention de Kamunting, où ils pourront rester indéfiniment sans jamais être inculpés ni jugés par un tribunal. Depuis 2001, le gouvernement malaisien tente de justifier la Loi relative à la sécurité intérieure en expliquant qu’elle est une nécessité pour combattre le terrorisme. Or, ce texte a été adopté il y a plus de quarante ans et les différents gouvernements qui se sont succédé l’ont utilisé pour défendre la sécurité au détriment des droits humains. Dans le cadre de la “guerre contre le terrorisme”, plusieurs centaines d’individus présentés comme des activistes islamistes ont été arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’entretenir des liens avec des réseaux terroristes. Au moins 70 d’entre eux sont toujours détenus en vertu de la Loi relative à la sécurité intérieure, dont un grand nombre depuis 2001. Les lois d’”urgence” adoptées en Malaisie ne respectent pas les garanties en matière de droits humains prévues par la Constitution malaisienne et le droit international relatif aux droits humains. La Commission malaisienne des droits humains, Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales ne cessent de demander l’abrogation ou la modification de la Loi relative à la sécurité intérieure, afin qu’elle soit compatible avec le respect des droits humains.