Trente victoires pour les droits humains qui valent la peine d’être célébrées

Grâce à un intense travail de campagne associé au pouvoir de l’action populaire, d’importantes victoires pour les droits humains ont déjà été remportées en 2019 !

JANVIER

Défenseur des droits humains Julián Carrillo. Crédit : Amnesty International / Marianne Bertrand.
Défenseur des droits humains Julián Carrillo. Crédit : Amnesty International / Marianne Bertrand.

Rahaf Mohammed al Qunun, une Saoudienne de 18 ans, a obtenu une protection et l’accès au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Thaïlande après avoir fui les violences et les menaces de mort émanant de sa famille en Arabie saoudite. Notre travail acharné sur son cas a contribué à une formidable issue puisque cette jeune femme s’est vu accorder l’asile au Canada, où elle est en sécurité.

En hommage à Julián Carrillo, un défenseur des droits environnementaux tué en octobre 2018, nous avons publié Caught between bullets and neglect, une synthèse sur l’absence de protection des défenseur·e·s des droits environnementaux au Mexique. Quelques heures seulement après le lancement, deux personnes soupçonnées du meurtre de Julián ont été arrêtées, ce qui montre l’effet immédiat qu’Amnesty International peut avoir en matière de justice.

Le Parlement angolais a approuvé une révision du Code pénal consistant à supprimer une disposition interprétée en général comme incriminant les relations homosexuelles. Il est même allé plus loin en érigeant en infraction la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, faisant ainsi de l’Angola le premier pays à prendre une telle mesure en 2019 !

FÉVRIER

Abdul Aziz Muhamat. Crédit : Michael Green.
Abdul Aziz Muhamat. Crédit : Michael Green.

Après 76 jours de détention en Thaïlande, le footballer réfugié Hakeem al Araibi a pu rentrer chez lui, à Melbourne, le 12 février. Ce sportif né à Bahreïn avait été arrêté à son arrivée à Bangkok le 27 novembre 2018 en raison d’une notice rouge erronée d’Interpol. La campagne lancée par Amnesty International et d’autres groupes pour faire libérer cet homme, détracteur ardent mais pacifique des autorités bahreïnites, a donné naissance au mouvement #SaveHakeem, auquel ont participé des footballers, des champions olympiques et des célébrités sur trois continents et qui a obtenu le soutien de plus de 165 000 personnes.

L’Australie a enfin adopté une loi facilitant le transfert vers son territoire des personnes réfugiées détenues sur l’île Manus et à Nauru qui ont besoin de soins médicaux urgents. Amnesty International, dans le cadre d’une coalition de personnes et d’organisations, et outre le travail et le courage des personnes réfugiées elles-mêmes, a contribué à cette formidable avancée.

Abdul Aziz Muhamat, un militant soudanais des droits des personnes réfugiées détenu sur l’île Manus depuis 2013, s’est vu décerner le prix Martin Ennals 2019. Son cas avait été retenu au titre de la campagne Écrire pour les droits en 2018, ce qui avait accru sa notoriété internationale en tant que défenseur des droits humains. En 2019, sa demande d’asile a été reconnue par la Suisse, qui lui a accordé le statut de résident permanent.

Face à l’attention internationale et au travail de campagne d’Amnesty International, les autorités saoudiennes ont rejeté l’appel lancé par le parquet en faveur de l’exécution de la militante Saoudienne Israa al Ghomgham pour des infractions liées à sa participation pacifique à des manifestations. Néanmoins, cette femme encourt toujours une peine d’emprisonnement et Amnesty International continue à faire campagne pour sa libération immédiate et sans condition.

MARS

Les amis de Marielle Franco et sa famille montrent leur solidarité. Crédit : Elisângela Leite.
Les amis de Marielle Franco et sa famille montrent leur solidarité. Crédit : Elisângela Leite.

Juste avant le premier anniversaire de l’homicide de Marielle Franco, une éminente défenseure brésilienne des droits humains, la police a arrêté deux personnes soupçonnées d’avoir un lien avec ce crime.

C’est le premier signe d’un progrès réel dans cette affaire, pour laquelle Amnesty International fait campagne depuis un an.

Quelques jours seulement après qu’Amnesty International et d’autres organisations non gouvernementales (ONG) ont mis en garde contre un projet de loi sur la cybercriminalité qui porterait gravement atteinte à la liberté d’expression en Irak, le Parlement irakien a choisi de retirer le texte et a confirmé a Amnesty International que « ses craintes avaient été entendues ». Par ailleurs, Amnesty International avait appelé le gouvernement régional du Kurdistan à abandonner toutes les charges liées à la liberté d’expression qui pesaient sur des journalistes et des militant·e·s arrêtés arbitrairement à la suite de manifestations. La même semaine, toutes les personnes détenues ont été libérées et le gouvernement régional du Kurdistan a publié une déclaration indiquant explicitement que ces libérations faisaient suite aux appels lancés par Amnesty International.

À sa dernière session, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution qui fera date en ce qu’elle reconnaît le rôle important des défenseur·e·s des droits environnementaux. Fait encourageant, il a également appelé les États à créer un environnement sûr et favorable pour les initiatives organisées par des jeunes, comme les grèves scolaires pour le climat.

Après la publication de l’enquête d’Amnesty International intitulée The Hidden US War in Somalia: Civilian Casualties from Air Strikes in Lower Shabelle, le Commandement des États-Unis pour l’Afrique a admis pour la toute première fois que ses frappes aériennes avaient tué et blessé des civils en Somalie. Ce rapport a déclenché une enquête et un examen sur les frappes aériennes, qui a abouti à la publication de documents militaires américains confirmant que le Commandement savait qu’un grand nombre de ses frappes aériennes en Somalie avaient fait d’autres victimes civiles.

AVRIL

Esther Kiobel.  Crédit : Amnesty International.
Esther Kiobel. Crédit : Amnesty International.

À la suite du lancement du rapport mondial d’Amnesty International sur la peine de mort, le président équato-guinéen a annoncé que son gouvernement présenterait une loi visant à abolir la peine capitale.

Il y a deux ans, Esther Kiobel et trois autres femmes se sont attaquées au géant pétrolier Shell dans une lutte finale pour la justice. Depuis plus de 20 ans, Esther se bat contre cette entreprise, qu’elle accuse d’avoir joué un rôle dans l’exécution arbitraire de son mari au Nigeria. Amnesty International a fait parvenir plus de 30 000 messages de solidarité à Esther Kiobel et, en avril, le tribunal de district de La Haye a rendu une décision provisoire en faveur des quatre femmes. Celle-ci indique que le tribunal est compétent pour juger cette affaire et que l’action n’est pas prescrite.

« Nous rendons hommage à Esther Kiobel, Victoria Bera, Blessing Eawo et Charity Levula. Sans leur courage et leur persévérance, nous n’aurions pas pu arriver jusque là », a déclaré Mark Dummett, chercheur sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains.

Le journaliste mozambicain Amade Abubacar, arrêté arbitrairement en janvier puis détenu au secret par l’armée et placé en détention provisoire pendant plus de 90 jours, a obtenu une libération provisoire à la suite d’une campagne soutenue d’Amnesty International. Il continue à se battre contre des accusations controuvées et nous continuons à faire pression sur les autorités pour qu’elles abandonnent toutes les charges retenues contre cet homme.

La Cour constitutionnelle de Corée du Sud a rendu un jugement capital ordonnant à l’État de dépénaliser l’avortement et de réformer les lois extrêmement restrictives sur l’interruption de grossesse. La législation sud-coréenne relative à l’avortement doit être révisée d’ici la fin de l’année 2020, ce qui constitue une victoire pour les défenseur·e·s de l’égalité, des droits des femmes et du droit de disposer de son corps dans le monde entier.

MAI

Taïwan devient le premier pays en Asie à légaliser le mariage homosexuel en mai 2019. Crédit : Amnesty International.
Taïwan devient le premier pays en Asie à légaliser le mariage homosexuel en mai 2019. Crédit : Amnesty International.

Le président gambien Adama Barrow a commué les peines capitales de 22 prisonniers en peines de réclusion à perpétuité. Une délégation d’Amnesty International s’était rendue en Gambie afin de présenter aux autorités un ensemble de recommandations portant sur 10 domaines de réforme pour la protection et la promotion des droits humains. Parmi ces recommandations figurent l’abolition de la peine de mort et la commutation de toutes les peines capitales en peines d’emprisonnement.

Taiwan est devenu le premier pays d’Asie à légaliser le mariage homosexuel en adoptant une loi historique le 17 mai. Les premiers mariages ont été célébrés le 24 mai. Aux côtés des groupes taïwanais de défense des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), Amnesty International faisait campagne en ce sens depuis de nombreuses années. Outre la légalisation du mariage homosexuel, le texte accorde des droits limités en matière d’adoption aux couples de même sexe. Amnesty International et ses sympathisant·e·s se sont réjouis de ces avancées considérables des droits des LGBTI.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a retiré les identités trans de la liste des troubles mentaux et comportementaux, ce qui signifie que les personnes transgenres ne seront plus considérées comme des malades mentaux. Amnesty International fait campagne en faveur de la dépathologisation et de l’acceptation des personnes qui s’identifient comme transgenres ou qui revendiquent des identités de genre diverses depuis 2014.

La pression exercée par des groupes de défense des droits humains a joué un rôle dans la décision de la Fédération internationale de football association (FIFA) d’abandonner l’idée d’élargir la participation à la Coupe du monde 2022, qui se tiendra au Qatar, à 48 équipes, ce qui aurait nécessité de faire appel à de nouveaux pays hôtes dans la région. Amnesty International et une coalition d’ONG, de syndicats, de fans et de groupes de joueurs ont travaillé main dans la main pour attirer l’attention sur les risques pour les droits humains que comportait cet élargissement, y compris la situation difficile des migrants construisant les nouvelles infrastructures, et ont demandé à la FIFA d’assumer sa responsabilité de respecter les droits humains et ses propres critères en la matière. Cette réussite illustre les effets que la collaboration peut avoir et montre qu’ensemble nous pouvons nous appuyer sur les droits humains pour amener des entreprises puissantes à rendre des comptes.

JUIN

Kumi Naidoo, Secrétaire général d'Amnesty International, et Greta Thunberg, militante sur le changement climatique. Crédit : Amnest International.
Kumi Naidoo, Secrétaire général d’Amnesty International, et Greta Thunberg, militante sur le changement climatique. Crédit : Amnest International.

La militante sur le changement climatique Greta Thunberg et le mouvement de collégien·ne·s, de lycéen·ne·s et d’étudiant·e·s Fridays for Future ont été récompensés par le prix Ambassadeur de la conscience 2019 d’Amnesty International. Il s’agit de notre plus haute distinction, qui met à l’honneur des personnes ayant fait particulièrement preuve d’initiative et de courage pour défendre les droits humains.

Ce n’est pas mon prix, il appartient à tout le monde. C’est incroyable de sentir toute cette reconnaissance et de savoir que nous nous battons pour une cause qui a un tel impact.

Greta Thunberg

Le Canada est devenu le 104e État partie au Traité sur le commerce des armes, et d’autres avancées importantes ont eu lieu dans ce domaine. Le travail inlassable d’Amnesty International pour la fin des transferts d’armes alimentant le conflit au Yémen a amené la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles à statuer, en mai, que la décision de l’État britannique de continuer à octroyer les licences d’exportation pour du matériel militaire à destination de l’Arabie saoudite était illégale, en réponse à une action en justice intentée par Campaign Against the Arms Trade (CAAT), conjointement avec Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres intervenants. En mai, le Sénat américain a voté le blocage de ventes d’armes à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour un montant de huit milliards de dollars des États-Unis, ventes pour lesquelles un motif d’urgence avait été invoqué. La Belgique a annulé plusieurs licences d’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite et a ordonné l’ouverture d’une enquête après que nous avons révélé que des milices utilisaient des armes belges. L’Italie et la Suisse lui ont emboîté le pas et l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution en faveur de l’élaboration de lois internationales visant à interdire le commerce d’instruments de torture et à durcir la réglementation relative au matériel utilisé pour le maintien de l’ordre lors de manifestations.

Après que la police de Hong Kong a eu recours à la violence face à des manifestant·e·s, Amnesty International a rapidement publié un document d’information confirmant les preuves d’un recours excessif à la force contre des manifestant·e·s pacifiques pour la plupart. Ce document a été largement diffusé à Hong Kong et, en quelques jours, environ 46 000 actions ont été menées dans le cadre de la campagne en ligne.

Au vu de l’attention suscitée par cette affaire, les autorités saoudiennes ont rejeté l’appel lancé par le parquet en faveur de l’exécution de Murtaja Qureiris, un jeune Saoudien arrêté à 13 ans pour des infractions qu’il aurait commises à l’âge de 10 ans.

Au Botswana, la Haute Cour a rendu un jugement dépénalisant les relations consenties entre personnes de même sexe à la suite du travail de campagne acharné de plusieurs organisations, dont Amnesty International.

La Grèce a modifié son droit de façon à reconnaître les rapports sexuels non consentis comme des viols, une décision attendue depuis très longtemps, et l’État danois s’est engagé à faire de même. Cette évolution témoigne de la persévérance et du courage des victimes et des personnes chargées du travail de campagne et crée un véritable élan dans toute l’Europe, qui fait suite au rapport d’Amnesty International sur les obstacles entravant l’accès des victimes de viol à la justice.

Tom Ciotkowski, un défenseur britannique des droits humains inculpé d’outrage et d’agression pour avoir recueilli des informations sur les violences policières alors qu’il aidait des personnes réfugiées et migrantes à Calais, a été relaxé.

L’hostilité à l’égard des personnes migrantes et de celles et ceux qui les aident doit disparaître et une solution véritable et empreinte de compassion doit être trouvée.

Tom Ciotkowski

JUILLET

Des militants des droits humains demande à Google de mettre fin au projet Dragonfly. Crédit : Amnesty International.
Des militants des droits humains demande à Google de mettre fin au projet Dragonfly. Crédit : Amnesty International.

Lors d’une audition devant le Congrès américain, un cadre de haut niveau de Google a confirmé sans équivoque que l’entreprise avait « mis fin » au projet Dragonfly, son programme secret visant à concevoir un moteur de recherche qui faciliterait la surveillance et la censure répressive de l’État chinois sur Internet, à la suite de la campagne #DropDragonfly d’Amnesty International et après que des centaines de membres du personnel ont dénoncé ce projet.

En associant action à destination des médias, soutien à des manifestations et travail de pression, Amnesty International a mis en place, au Sri Lanka, une campagne  qui a permis de suspendre des exécutions qui auraient été les premières dans le pays en 43 ans. Fin octobre, la Cour suprême réexaminera l’affaire qui a abouti à la décision de surseoir aux exécutions.

AOÛT

Amnesty International will continue to stand with women human rights defenders in Saudi Arabia. Credit: Amnesty International.
Amnesty International will continue to stand with women human rights defenders in Saudi Arabia. Credit: Amnesty International.

Depuis des décennies, Amnesty International met en évidence la discrimination généralisée que subissent les femmes en Arabie saoudite du fait du système répressif de tutelle masculine. En août, l’Arabie saoudite a annoncé des réformes visant à assouplir les principales restrictions imposées aux femmes, y compris à leur octroyer le droit d’obtenir un passeport qui leur permettrait de voyager sans l’autorisation d’un tuteur masculin. Les femmes pourront également déclarer un mariage, un divorce, une naissance ou un décès et obtenir des actes d’état-civil. Bien que nous nous réjouissions de ces changements, de nombreuses personnes faisant campagne pour les droits des femmes demeurent derrière les barreaux et nous devons lutter de toutes nos forces pour leur libération.

À la suite de sa libération, le blogueur mauritanien Mohamed Mkhaïtir, condamné à mort et maintenu en détention arbitraire pendant plus de cinq ans pour avoir publié un billet de blog sur la discrimination liée aux castes, a déclaré : « Sans vos efforts, je n’aurais pas été libéré. Au cours de cinq années de détention, je n’ai vu le soleil que six fois. Il y a eu tellement de changements en cinq ans, je me réhabitue peu à peu à la vie en dehors de la prison. Maintenant je suis libre, et j’espère pouvoir retourner à l’école et reprendre mes études. »

Maintenant je suis libre, et j’espère pouvoir retourner à l’école et reprendre mes études.

Mohamed Mkhaitir