Thérèse Déchade Kapangala Mwanza, tuée par la police sur le pas de la porte d’une église

Thérèse Déchade Kapangala Mwanza était l’ainée d’une fratrie de six enfants. Elle a été abattue par la police sur le pas de la porte de l’église Saint François de Sales à Kinshasa le 21 janvier 2018. Ce jour-là, la paroisse Saint-François de Sales avait organisé une manifestation pacifique pour réclamer la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016 – un accord qui devait faciliter l’organisation sans heurts des élections générales en RDC alors que le pays avait raté le délai de novembre 2016 fixé par la constitution.

Son oncle, le père Joseph Musubao, officiait la messe ce jour-là. À la fin de l’office, il a annoncé aux fidèles qui souhaitaient se joindre à d’autres paroisses catholiques pour une marche pacifique qu’ils devaient d’abord écouter les instructions des représentants du Comité laïc de coordination avant le début de la marche. Il s’agissait d’appels à rester pacifique et à ne pas répondre par la violence à la police. La marche a commencé avec quelques enfants de chœur en tête de cortège, l’un d’eux portant une croix, suivis par le prêtre et ses assistants et les fidèles qui se tenaient derrière chantaient des hymnes et priaient. Thérèse marchait aux côtés de son oncle. À une vingtaine de mètres de l’église, la manifestation pacifique a été interrompue et violemment dispersée par la police. Les marcheurs ont essayé de repartir encore à deux reprises mais à chaque fois la police répondait avec la même violence. Le père Joseph a alors demandé aux fidèles de se mettre à l’abri dans l’église et dans l’enceinte de la paroisse. La police a continué à lancer des gaz lacrymogènes sur les fidèles jusque dans l’enceinte de la paroisse.

C’est alors que Thérèse a voulu aider un enfant incomodé par les gaz lacrymogènes à se laver le visage. Entre temps, un véhicule blindé de la police avait été positionné devant le portail fermé de la paroisse. Sur le toit du véhicule, un officier cagoulé tenait une mitrailleuse. Le portail avait caché la vue de la police sur l’enceinte. Des témoins oculaires présents à l’extérieur de l’enceinte ont déclaré à Amnesty que les agents de police à l’intérieur du véhicule blindé avaient ajusté la hauteur du siège du policier qui tenait la mitrailleuse pour avoir une meilleure vue sur l’enceinte.

Le policier a tiré à balles réelles dans l’enceinte de la paroisse bondée alors que les fidèles se remettaient des coups de gaz lacrymogènes qu’ils venaient d’inhaler. Les témoignages et les images qu’Amnesty International a pu se procurer et vérifier ont montré des scènes de panique et de désespoir. Une des balles a traversé le torse de Thérèse par le côté droit et a touché son bras gauche en ressortant. Un médecin présent à la messe et à la manifestation a tenté de la réanimer en vain.

Le lendemain de sa mort, ses proches ont été empêchés d’embaumer son corps. Il aura fallu deux semaines à l’Auditorat militaire supérieur pour autoriser la remise de son corps à la famille. Une équipe d’inspecteurs a été dépêchée sur la scène du crime au bout de 13 jours pour mener une enquête. À ce jour, ils n’ont produit aucun rapport.

Thérèse a été enterrée le 9 février 2018. Elle devait rejoindre la congrégation de Sainte Famille de Bergame comme religieuse au mois de juillet de la même année. Sa famille a reçu des menaces de mort pour avoir publiquement demandé des comptes pour sa mort.

La famille avait déposé deux plaintes pour réclamer justice dont une contre le commissaire de police de Kinshasa, Sylvano Kasongo. Les autorités n’ont, à ce jour, mené aucune enquête véritable sur ces plaintes ni poursuivi les responsables du meurtre de Thérèse.