Voilà pourquoi nous devons soutenir les défenseur·e·s de l’environnement en cette Journée mondiale de l’environnement

Le 5 juin, nous célébrons la Journée mondiale de l’environnement. Cette journée qui a été initiée par les Nations unies pour sensibiliser le public à des enjeux tels que la pollution de l’air et le réchauffement climatique, est devenue l’une des plus importantes plateformes de sensibilisation aux problèmes cruciaux liés à l’environnement.

Le mouvement militant lié à la crise climatique est fort heureusement monté en puissance à travers le monde, mais il est un fait qui reste relativement méconnu à ce sujet : les personnes qui sont en première ligne de ces combats – les défenseur·e·s des droits humains liés à l’environnement – encourent les plus graves dangers lorsqu’elles veulent protéger leurs lieux de vie et leurs communautés.

Qui sont les défenseur·e·s des droits humains liés à l’environnement ?

Les défenseurs des droits humains liés à l’environnement sont des personnes qui prennent la parole pour protéger les droits liés à l’environnement, à la terre et au territoire. Ce sont souvent des dirigeants ou des défenseurs de communautés, qui veulent protéger les droits et le bien-être des leurs, en particulier en cherchant à protéger les habitations, l’air, l’eau, les terres, le territoire et les forêts contre la destruction ou la contamination. Beaucoup appartiennent à des communautés indigènes. C’est plus souvent au niveau local que l’on parle de ces personnes, du travail de campagne qu’elles mènent pour protéger leurs proches et leur entourage, mais leur action nous concerne toutes et tous, car il est d’une immense importance à l’échelle planétaire. Prenons l’exemple de la forêt tropicale amazonienne, les poumons de la terre, qui a pendant des centaines d’années été protégée par des peuples indigènes à l’avant-garde du combat livré pour la préserver de la déforestation.

Cependant, le travail de défense des droits humains liés à l’environnement peut avoir des conséquences mortelles, et il s’agit de l’une des formes de militantisme les plus dangereuses. Selon l’ONG Global Witness, en 2017 – la dernière année pour laquelle elle dispose de statistiques –, presque quatre défenseurs de l’environnement ont été tués chaque semaine parce qu’ils défendaient leurs terres, la vie sauvage et les ressources naturelles. En 2017, 207 défenseurs de l’environnement ont été tués. La grande majorité d’entre eux vivaient en Amérique du Sud, qui est ainsi la plus dangereuse région du monde.

Global Witness indique que les innombrables crimes commis contre des militants découlent en majeure partie du fait qu’un grand nombre de gouvernements et d’entreprises n’ont pas agi de manière responsable, éthique et même légale.

Les militants sont en danger parce que de puissantes forces pensent qu’elles peuvent impunément attaquer, tuer et traiter comme des criminels des personnes qui protestent au niveau local, estimant que le reste du monde n’y prêtera pas attention. C’est pourquoi il est plus urgent que jamais de manifester une solidarité  mondiale et de soutenir les défenseurs de l’environnement qui prennent d’énormes risques pour protéger les gens et la planète.

Nous attirons aujourd’hui l’attention sur le parcours de sept extraordinaires militants du continent américain, qui aide à comprendre pourquoi il est nécessaire de soutenir les défenseurs de la Terre.

BERTA CÁCERES, COFONDATRICE DU COPINH (HONDURAS)

Berta Cáceres a cofondé le Conseil civique d’organisations indigènes et populaires du Honduras (Consejo Cívico de Organizaciones Populares e Indígenas de Honduras, COPINH) en 1993 pour réagir face aux menaces croissantes pesant sur les droits territoriaux des Lencas et pour améliorer leurs moyens d’existence.

Le 2 mars 2016, au Honduras, Berta a été tuée par des hommes armés qui sont entrés chez elle et ont tiré sur elle. Berta et le COPINH menaient campagne au sujet des conséquences qu’allait avoir sur le territoire des Lencas un projet de barrage hydroélectrique. Ce combat a conduit à la mort de Berta, et toutes les personnes travaillant pour une organisation qui conteste la mise en œuvre de projets économiques sur le territoire des Lencas risquent de perdre la vie.

Des personnes ont été déclarées coupables de son assassinat, mais le système judiciaire hondurien doit encore trouver tous les responsables, et pas seulement ceux qui sont directement impliqués dans cet homicide, pour que ce crime ne reste pas impuni.

JULIÁN CARRILLO ET LA COMMUNAUTÉ DE COLORADAS DE LA VIRGEN (MEXIQUE)

« Nous sommes nés et nous avons grandi à Coloradas de la Virgen, et nos enfants sont donc comme des jeunes pousses, comme les nouveaux rameaux d’un arbre. Parfois les arbres vieillissent, s’assèchent, mais les jeunes rameaux restent et continuent de croître. Je commence à vieillir, mais mes jeunes rameaux bourgeonnent. »

Julián Carrillo a été un dirigeant de la communauté de Coloradas de la Virgen. Il était chargé de prendre soin du territoire, de l’eau, de la forêt et de la vie sauvage. Il a publiquement dénoncé les activités forestières et minières pratiquées par des propriétaires privés sur les terres ancestrales de la communauté, ainsi que les violences commises contre elle par des groupes armés criminels.

Coloradas de la Virgen est une communauté indigène qui couvre presque 50 hectares et qui est située dans la municipalité de Guadalupe y Calvo (État de Chihuahua), l’une des régions les plus pauvres et marginalisées du Mexique. Plus de 850 Rarámuris y vivent et ils considèrent ce territoire comme faisant partie de leurs terres ancestrales. Ils sont depuis longtemps soumis à une discrimination.

Le 24 octobre 2018, Julián Carrillo a été tué par des hommes non identifiés. Le meurtre de ce militant était une tragédie prévisible. Il a pendant des années signalé qu’il était la cible d’attaques et de menaces. Sa maison a été incendiée et il recevait depuis 2015 des menaces de la part de groupes armés non identifiés. Cinq autres membres de sa famille, dont son fils, ont également été tués.

PARAGUAY. AMADA MARTÍNEZ, DÉFENSEURE INDIGÈNE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

Amada est une défenseure indigène de l’environnement ; elle est avá guaraní et appartient à la communauté Tekoha Sauce.

Dans les années 1970, la construction de la centrale hydroélectrique Itaipú Binational, à la frontière entre le Paraguay et le Brésil, a conduit au déplacement forcé de sa communauté, qui a ainsi été chassée de ses terres ancestrales et dont la survie a de ce fait été compromise. Depuis, elle défend le droit de sa communauté de disposer d’un territoire où elle puisse se développer en harmonie avec la nature, et elle a dénoncé les graves répercussions des projets hydroélectriques sur la nature et sur la vie des peuples indigènes.

Le 8 août 2018, un groupe d’hommes armés a menacé de la tuer. Amada était en train de s’éloigner de la communauté à bord d’un taxi avec son fils de sept ans, la sœur de ce dernier, et deux jeunes neveux, quand leur véhicule a été intercepté par une camionnette portant le logo de l’usine hydroélectrique. Amada Martínez pense que les menaces dont elle fait l’objet sont liées à son travail de défense des droits des peuples indigènes et de l’environnement.

PATRICIA GUALINGA, DÉFENSEURE INDIGÈNE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

« Nous sommes tous unis et nous allons poursuivre notre combat pour la défense de la Terre, notre mère. »

Patricia est une dirigeante indigène des Kichwas de la communauté sarayaku. Elle défend le droit de son peuple à un territoire et celui de vivre dans un environnement sain, face aux destructions engendrées par les activités liées à l’exploitation du pétrole. Patricia s’efforce également de protéger le milieu naturel amazonien et elle promeut un développement durable.

En 2012, la communauté sarayaku a obtenu une victoire historique pour les peuples indigènes dans son combat contre le gouvernement équatorien, après avoir signalé qu’une concession pétrolière avait installé des explosifs sur son territoire sans l’avoir consultée.

Le 5 janvier 2018, au petit matin, un homme non identifié a menacé Patricia et l’a attaquée à son domicile à Puyo, dans l’est de l’Équateur. Cet homme a crié : « La prochaine fois on te tuera, sale chienne ! », avant de s’enfuir.

Patricia et sa famille ont dû quitter leur domicile à la suite de cette agression, car le propriétaire du logement avait « peur que quelque chose lui arrive [à elle] ».

NEMA GREFA, DÉFENSEURE INDIGÈNE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

« Ils m’ont menacée de mort, mais je ne vais pas me laisser intimider par ces mots. Je suis une Sápara, et je vais me battre pour mon territoire »

Nema défend le milieu naturel amazonien et le droit de son peuple de protéger son territoire contre de possibles répercussions négatives des activités d’exploitation pétrolière.

Elle a été officiellement nommée présidente de la nation sápara en janvier 2018, mais sa nomination a été contestée par un groupe de personnes qui, selon Nema, soutiennent les activités d’exploitation pétrolière sur le territoire des Sáparas. La nomination de Nema a en conséquence été annulée en avril 2018.

Une vidéo a ensuite été diffusée fin avril sur les réseaux sociaux montrant un homme armé d’une pique, que Nema a identifié et qui selon elle appartient au groupe ayant contesté sa nomination, proférer des menaces de mort contre elle : « Les personnes ici présentes la rejettent unanimement et elles vont donc tuer Nema Grefa ; elle n’a pas de territoire. »

Une année s’est depuis écoulée et le parquet n’a toujours pas ouvert d’enquête sur ces menaces de mort.

Le 19 octobre 2018, Nema a finalement été reconnue en tant que présidente, mais elle continue d’être exposée à de graves menaces mettant sa vie en péril. En avril de cette année, alors que les autorités équatoriennes avaient promis de protéger Nema et sa famille, des individus non identifiés sont entrés par effraction chez elle et ont volé deux ordinateurs contenant des informations sensibles sur son travail de défense des droits humains.

SALOMÉ ARANDA, DÉFENSEURE INDIGÈNE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES DROITS DES FEMMES

« Cette attaque représente des représailles liées au combat que je mène pour protéger la vie et défendre nos territoires contre la menace d’exploitation pétrolière. » 

Salomé est une dirigeante du peuple Kichwa qui défend le milieu naturel amazonien et les droits des femmes de sa communauté de vivre dans un environnement sain et de ne pas subir de violences sexuelles. Salomé est la dirigeante du Comité des femmes et de la famille de la communauté de Moretecocha, dans la province de Pastaza.

Salomé a dénoncé publiquement les possibles répercussions sur l’environnement des activités liées l’exploitation du pétrole dans le bassin de la rivière Villano (province de Pastaza), et les violences sexuelles subies par des femmes indigènes dans ce contexte.

Le 13 mai 2018, au petit matin, des individus non identifiés ont attaqué et menacé cette militante et sa famille à leur domicile. Une plainte a été officiellement déposée, mais le parquet de la province de Pastaza n’a réalisé aucune avancée notable dans l’enquête. Les autorités ne lui ont même pas accordé des mesures de protection pour les mettre à l’abri, elle et ses proches, des dangers auxquels ils font face.

MARGOTH ESCOBAR, DÉFENSEURE DE L’ENVIRONNEMENT ET DES DROITS DES PEUPLES INDIGÈNES

« Nous devons poursuivre notre action de défense, partout dans le monde. Ce que nous faisons pour la nature, c’est ce que nous pouvons accomplir de plus précieux pour les générations futures. Nous recherchons ce qu’il y a de mieux pour tous, car c’est le meilleur héritage que nous puissions laisser pour l’humanité. »

Margoth a voué sa vie à la défense de l’environnement et des droits des peuples indigènes.

En août 2015, Margoth a été agressée physiquement par des policiers lors d’une grève nationale et d’un mouvement de protestation auxquels avaient appelé des organisations indigènes et sociales à Puyo, dans la province de Pastaza. Elle a été maintenue en détention provisoire pendant plus d’une semaine malgré son mauvais état de santé dû à ses blessures. Elle a été accusée de « coups et blessures et résistance », et a finalement été acquittée de ces charges.  

En septembre de l’an dernier, la maison de Margoth a été incendiée et tous ses biens ont été détruits.

Le 1er octobre 2018, le commandant de la brigade des pompiers de Puyo a déclaré qu’il s’agissait d’un incendie volontaire. Margoth a porté plainte au pénal auprès du parquet de la province de Pastaza pour qu’une enquête soit menée sur cette attaque, mais aucune avancée n’a été réalisée dans cette affaire.

Margoth a refusé d’intégrer le programme équatorien de protection des témoins, en raison de ce qu’elle a subi par le passé aux mains de la police : « Je n’ai pas voulu intégrer le système de protection des victimes et des témoins, car je n’ai aucune confiance en l’actuel gouvernement, je ne crois pas du tout à l’indépendance du système judiciaire équatorien, et je ne fais absolument pas confiance à l’armée ni à la police. »