Questions et réponses : Joshua Wong, militant étudiant de Hong Kong, n’a « pas peur » de la prison tandis que la date du jugement approche

Près de deux ans après les manifestations du mouvement des parapluies, l’un des plus célèbres militants étudiants de Hong Kong risque d’être condamné à une peine d’emprisonnement. Joshua Wong, actuellement étudiant de premier cycle en politique et administration publique dans une université locale, est apparu sur la scène internationale lorsqu’il est devenu, à 17 ans, le visage des manifestations pro-démocratie menées par les étudiants.

En juillet dernier, un tribunal de Hong Kong l’a déclaré coupable, ainsi que deux autres dirigeants étudiants, d’avoir « pris part à un rassemblement illégal »pour le rôle qu’il a joué dans un événement largement considéré comme le déclencheur des manifestations de grande ampleur qui ont duré pendant plusieurs mois fin 2014. Joshua Wong risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement. Amnesty International s’est entretenue avec lui.

Joshua Wong, désormais étudiant de deuxième année à l'université ouverte de Hong Kong
Joshua Wong, désormais étudiant de deuxième année à l’université ouverte de Hong Kong

Que pensez-vous du jugement à venir ?

Joshua Wong : Je m’attends à aller en prison. En tant que militant qui organise la désobéissance civile et y prend part, je dois montrer mon courage et mon engagement. Je n’ai pas peur de la prison. J’espère le meilleur et je me prépare au pire, qui serait que le juge nous envoie immédiatement en détention.

Vous avez dit que vous vous attendiez à la décision rendue le mois dernier ?

Joshua Wong : La loi actuelle [l’ordonnance relative à l’ordre public de Hong Kong] restreint de manière significative la liberté de réunion. Personne ne devrait avoir à obtenir une autorisation des forces de police pour participer à un rassemblement, c’est pourquoi j’estime que cette loi a une dimension politique [sic].

Comment réagit votre famille ?

Joshua Wong : Ma famille s’est montrée assez souple et soutient mon implication, mais je pense qu’elle est inquiète. Mais elle sait que le problème, ce ne sont pas les militants mais le gouvernement et la façon dont il force les étudiants à employer des moyens plus novateurs pour lutter en faveur de la liberté et de la démocratie.

L’une des manifestations pro-démocratie de 2014 à Hong Kong
L’une des manifestations pro-démocratie de 2014 à Hong Kong

Cela fait deux ans que la menace de procès plane sur vous. Qu’est-ce que ça a changé ?

Ça a totalement bouleversé ma vie. Même mes examens [universitaires] doivent être repoussés à cause des audiences. Je dois encore comparaître dans d’autres affaires lundi, ce n’est donc pas une période facile. En plus de l’université, je dois aller au poste de police et voir des avocats.

Vous avez commencé à militer dès l’âge de 13 ans. Qu’est-ce qui vous a poussé dans cette voie ?

Joshua Wong : Je voulais prouver au monde et à la société que la politique n’est pas réservée aux personnes plus âgées, aux professionnels, à l’élite ou aux hommes d’affaires. L’avenir de la société appartient aux jeunes. Pourquoi ne devraient-ils pas s’intéresser à la politique et y contribuer pour obtenir des réformes ?

Selon vous, en quoi la conscience politique des jeunes a changé ces deux dernières années ?

Joshua Wong : On assiste à une certaine radicalisation, voire même une fragmentation, au sein de la société civile. Mais je pense que c’est bien d’avoir plus de jeunes impliqués dans la vie politique, peu importe qu’ils aient une attitude plus participative ou progressive. Je pense qu’il y a un consensus parmi la jeune génération : nous avons besoin d’un référendum pour déterminer notre avenir. Ne croyez pas qu’une simple réunion à huis clos avec le gouvernement de Pékin peut entraîner des résultats positifs.

À votre avis, les libertés d’expression et de réunion pacifique à Hong Kong sont-elles mieux respectées depuis 2014 ?

Joshua Wong : Les valeurs universelles à Hong Kong perdent du terrain en raison de l’ingérence du Parti communiste chinois, que ça se manifeste par une censure politique, des candidats aux élections disqualifiés ou l’affaire des libraires. Nous attendons toujours d’obtenir le droit de voter pour l’élection de notre chef de l’exécutif.

Comment êtes-vous passé de fondateur d’un groupe de militants étudiants à cofondateur d’un parti politique local ?

Joshua Wong : Je pense que les gens attendent davantage du fondateur d’un parti politique que du fondateur d’un groupe de militants. Je me considère plus comme un militant que comme un politicien, et je continuerai de mener des actions directes, d’organiser des manifestations de grande ampleur et de me battre aux côtés de la population pour l’avenir de Hong Kong.

La route est semée d’embûches pour vous, n’est-ce pas ?

Joshua Wong : Entre les médias pro-Pékin qui me critiquent, mon adresse et mon numéro de téléphone qui ont été diffusés sur Internet, une lettre qui a été envoyée à ma famille, le fait de ne pas pouvoir entrer en Chine continentale et d’être inscrit sur une liste de personnes indésirables en Malaisie… ce n’est pas facile à gérer. Mais je pense que ce n’est rien comparé aux pressions subies par les militants en Chine continentale.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes militants qui espèrent faire bouger les choses ?

Les militants de la société civile à travers le monde évoluent dans différents contextes politiques et culturels. La situation varie d’un pays à l’autre, mais nous croyons aux mêmes valeurs universelles : la démocratie, la liberté et les droits humains. Ce n’est pas une période facile pour les militants qui veulent obtenir des réformes, mais quand nous nous sentons abattus ou vaincus, nous devons nous rappeler que de nombreuses personnes dans le monde s’engagent en faveur du changement et du progrès dans la société. Ce n’est pas le moment pour nous de baisser les bras.