Fosa común en Malí: las familias quieren respuestas

Par Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International

Lundi 9 décembre 2013 — Je venais de descendre de l’avion après une visite au Mali, quand j’ai entendu la nouvelle de la découverte d’une fosse commune près du camp militaire de Kati, juste au nord de la capitale, Bamako. Quelques jours auparavant j’avais rencontré des familles de disparus enlevés de ce même camp en mai 2012 et dont on était sans nouvelles depuis. Elles attendaient désespérément de savoir quel sort leur avait été réservé.

Les corps ont été découverts après l’arrestation du général Amadou Haya Sanogo, auteur du coup d’État militaire de mars 2012. Cet homme, ainsi que plusieurs de ses soldats, avaient été arrêtés fin novembre et inculpés de séquestration, meurtres et assassinats en lien avec la disparition de 21 soldats soupçonnés d’avoir soutenu un contre-coup d’État.

J’ai eu le sentiment d’une immense perte pour ces femmes qui pleurent maintenant leurs fils, époux et frères. Au moins, me suis-je dit, pouvaient-elles maintenant faire leur deuil. Mais non : même si la découverte de la fosse commune est maintenant dans tous les médias, à ce jour aucun représentant des autorités maliennes n’a encore contacté ces femmes pour leur annoncer la nouvelle.

Je ne peux oublier les mots de Cissé Fatimata Ouologuem, dont le mari, Aboubacar, était l’un des 21 disparus.

Prenant la parole lors du lancement à Bamako du rapport d’Amnesty Mali. Agenda pour les droits humains, elle avait demandé que tous les auteurs d’atteintes aux droits humains commises au Mali au cours des dernières années soient contraints de rendre compte de leurs actes.

« Je veux que justice soit faite et que les coupables soient punis. Je veux tout simplement savoir si [mon mari] est vivant ou s’il est mort. S’il est mort, qu’on me le dise, qu’on me le dise vraiment. Je souffre. Mes enfants souffrent, mes parents souffrent, et c’est toute une nation qui souffre. »

L’était d’esprit des familles est maintenant très différent de ce qu’il était quand je les ai rencontrées la semaine dernière.

Elles m’ont dit qu’après l’arrestation du général Sanogo, la veille, elles se sentaient enfin capables de faire la fête.

« Peut-être pourrons-nous commencer à avoir quelques réponses sur ce qui est arrivé à nos maris et à nos fils », m’a dit Sagara Bintu Maïga, présidente du Collectif des épouses et parents des bérets rouges disparus.

Ces femmes, qui ont reçu des menaces du fait de leur courageuse attitude de défi, ont été un formidable moteur pour l’action. Fatimata a raconté qu’elle a frappé à toutes les portes, dont celles du ministère de la Justice et du général Sanogo lui-même, avant qu’elles ne soient finalement reçues au ministère de la Défense.

Elles ont menacé de mener des manifestations qui déshonoreraient les autorités si elles étaient toujours sans nouvelles à l’arrivée de notre délégation, fin novembre.

Le lendemain, mercredi 27 novembre, le général Sanogo a été arrêté. D’après les informations disponibles, l’emplacement du charnier a été identifié grâce à des renseignements fournis par des soldats qui avaient été détenus en même temps que les victimes.

Le courage de ces femmes suscite l’admiration, d’autant plus qu’elles faisaient l’objet de menaces parce qu’elles voulaient connaître la vérité.

Le Mali a connu la pire crise de son histoire. Des milliers de personnes ont perdu des proches parents alors qu’ils étaient aux mains de groupes armés dans le nord, ou des forces de sécurité maliennes. Et rares sont les auteurs qui ont été amenés à rendre des comptes. Les femmes que nous avons rencontrées comptaient sur Amnesty International pour les aider à obtenir justice.

Il est clair, cependant, que nous ne pourrons pas faire revenir les personnes qui leur étaient chères. Mais nous devons tout faire pour que tous les responsables de ces actes soient contraints d’en rendre compte et pour que la vérité soit enfin connue. Ensuite, et seulement ensuite, le Mali connaîtra une paix et une stabilité durables.

Pour en savoir plus :

Le Mali doit identifier de toute urgence les corps trouvés dans un charnier (communiqué de presse, 5 décembre 2013)Les autorités maliennes doivent libérer les enfants emprisonnés (nouvelle, 30 novembre 2013)
Mali. Agenda pour les droits humains (rapport, 30 novembre 2013)