Résumé Régional Europe et Asie Centrale

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Europe et Asie centrale 2023

Europe de l’Est et Asie centrale

Les libertés et les droits fondamentaux ont cette année encore été constamment remis en question. Ces attaques ont été attisées par la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, qui n’a fait que renforcer les tendances autoritaires dans la région. Un certain nombre d’États ont persécuté les défenseur·e·s des droits humains, réprimé la dissidence et, bien souvent, sanctionné pénalement le droit à la liberté d’expression et la diffusion d’informations indépendantes concernant les droits fondamentaux, qualifiées de « fausses nouvelles » ou de tentatives visant à « discréditer » la politique des autorités ou les institutions. Les perspectives en matière de défense et de protection des droits humains étaient sombres.

La guerre est devenue la « nouvelle normalité » dans la région. La fermeture par l’Azerbaïdjan d’un axe vital desservant le territoire sécessionniste du Haut-Karabakh a engendré une crise humanitaire qui a mis en danger des milliers de personnes. L’offensive militaire qui a suivi a provoqué presque du jour au lendemain la fuite vers l’Arménie de plus de 100 000 personnes.

La poursuite de l’agression russe contre l’Ukraine s’est muée en guerre d’usure, tandis que la liste des crimes de guerre et, plus généralement, des violations du droit international ne cessait de s’allonger. Les civil·e·s, y compris les enfants, ont enduré de terribles souffrances. On ne comptait plus les morts et les blessés, les destructions d’habitations et d’infrastructures essentielles, les déplacements massifs de populations et les menaces et dommages environnementaux.

Les efforts déployés pour mettre en place des mécanismes de justice internationale face à la guerre en Ukraine, notamment pour sanctionner l’agression, n’ont pas abouti. La CPI a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, mais cela n’a pas empêché le président russe d’être reçu officiellement par le Kazakhstan, le Kirghizistan et l’Arabie saoudite, qui n’étaient pas parties au Statut de Rome.

Au-delà des conflits militaires, la discrimination et les représailles contre les minorités religieuses étaient monnaie courante. La torture et, plus généralement, les mauvais traitements étaient toujours aussi fréquents et les personnes soupçonnées d’en être pénalement responsables jouissaient d’une totale impunité. Les violences faites aux femmes et les violences domestiques restaient très répandues. Les droits en matière de genre étaient en régression. La pollution atmosphérique, essentiellement due à la combustion de carburants fossiles, constituait un fléau pour la santé dans de nombreux pays de la région.

Europe de l’Ouest, centrale et du Sud-Est

L’année 2023 a été marquée par une polarisation de la société, attisée par des responsables politiques de nombreux pays européens, autour des droits des personnes LGBTI, des questions d’immigration ou de justice climatique ou encore des terribles événements survenus en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Nombre de gouvernements ont instrumentalisé les droits humains pour stigmatiser certains groupes et mettre en place des restrictions disproportionnées de l’espace civique. Ils s’en sont pris notamment aux manifestant·e·s pour le climat, aux personnes exprimant des opinions dissidentes (en particulier leur solidarité avec les Palestinien·ne·s), aux musulman·e·s ou à d’autres groupes racisés.

Le racisme systémique s’est, cette année encore, traduit par des violations des droits fondamentaux et par des décès. Les États ont poursuivi leurs politiques d’exclusion raciale envers les personnes originaires d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, ce qui a donné lieu à des décès et des souffrances le long des frontières maritimes et terrestres. Les pouvoirs publics n’ont pas fait grand-chose pour lutter contre la discrimination et la ségrégation dont étaient toujours victimes les Roms. L’absence de mise en œuvre des mesures nécessaires pour lutter contre le racisme et l’exploitation politique de celui-ci ont formé un contexte favorable à la multiplication des cas d’antisémitisme et de racisme islamophobe.

Les droits sexuels et reproductifs et la lutte contre les violences liées au genre ont connu des avancées, mais également des retours en arrière. Le glissement vers une société de la surveillance s’est poursuivi. Les personnes les plus marginalisées, notamment les personnes en situation de handicap, souffraient d’un manque de protection sociale.

L’existence d’une politique du « deux poids, deux mesures » était manifeste dans les discours et les actes de nombreux pays : de nombreux gouvernements ont affiché leur solidarité avec Israël, tout en imposant des restrictions aux manifestations en faveur des droits des Palestinien·ne·s ; les États ont prononcé de belles paroles lors de la COP28, tout en continuant d’utiliser et de produire des combustibles fossiles et de réprimer les manifestant·e·s ; et les dirigeants ont sous-estimé l’érosion des droits fondamentaux en Europe, tout en critiquant les pays situés ailleurs dans le monde.

Europe de l’Est et Asie centrale

Liberté d’expression

La liberté d’expression s’est fortement réduite, à mesure que s’intensifiait la répression des voix critiques à l’égard des pouvoirs publics, à grand renfort d’accusations d’« extrémisme », d’« apologie du terrorisme », de « diffusion d’informations fausses en connaissance de cause » ou de « propagande » LGBTI.

La Russie a atteint des sommets en termes de censure en temps de guerre, n’épargnant personne parmi celles et ceux qui étaient en désaccord avec la ligne officielle. Des milliers d’individus ont été sanctionnés et des centaines ont fait l’objet de poursuites infondées. C’était notamment le cas du militant d’opposition Vladimir Kara-Mourza, condamné à 25 années d’emprisonnement pour « haute trahison ».

L’Azerbaïdjan, le Bélarus, le Kazakhstan et le Tadjikistan (entre autres) ont jeté en prison des dizaines de personnes critiques à l’égard des autorités. Au Kirghizistan, un projet de loi sur les médias prévoyait d’interdire la diffusion de « contenus portant atteinte à la santé et à la moralité de la population ». Au Turkménistan, la liberté d’information était toujours réprimée et les pénuries de produits alimentaires essentiels, ainsi que la pratique du travail forcé, étaient passées sous silence.

Liberté d’association

Un peu partout dans la région, la société civile a été soumise à des restrictions ou contrainte à se taire, la Russie continuant de fournir un exemple délétère. Dans ce pays, un nombre toujours croissant d’hommes, de femmes et d’organisations de la société civile ont été étiquetés « agents de l’étranger » ou « organisations indésirables », ce qui limitait leur participation à la vie publique. Le Code pénal a été modifié et sanctionnait désormais la « réalisation d’activités » organisées par des ONG étrangères ne disposant pas de bureaux officiels en Russie, rendant de fait illégale toute forme de coopération avec la plupart des organisations de la société civile hors de Russie. Plusieurs associations majeures de défense des droits fondamentaux, dont le Groupe Helsinki de Moscou, le Centre Sakharov et le Centre Sova, ont été officiellement dissoutes.

Le Bélarus a fermé des dizaines d’organisations indépendantes de la société civile, telles que Viasna, mouvement de défense des droits humains de premier plan, dont les dirigeants ont été jetés en prison pour plusieurs années. Le Kirghizistan a encore régressé, avec la soumission aux parlementaires d’un projet de loi sur les « représentants étrangers » calqué sur la loi russe relative aux « agents de l’étranger », qui risquait de se traduire par la fermeture de nombreuses ONG. En Moldavie, les membres du parti Chance se sont vu signifier une interdiction arbitraire de se présenter aux élections locales.

L’une des rares bonnes nouvelles concernait la Géorgie, où un projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère a finalement été abandonné face à la mobilisation de l’opinion publique.

Liberté de réunion pacifique

Dans toute la région, les pouvoirs publics ont sévèrement restreint le droit de manifester pacifiquement, déjà très limité, voire inexistant, dans de nombreux pays, tandis que de grands rassemblements de soutien au régime en place étaient organisés en Russie et ailleurs. Le recours illégal à la force de la part des responsables de l’application des lois était la règle. Le Kirghizistan a presque totalement interdit toute manifestation pacifique à Bichkek, la capitale, et dans certaines régions. Au Bélarus et au Kazakhstan, les autorités ont continué de ficher et d’emprisonner les personnes qui avaient participé à des manifestations de manière pacifique.

En Géorgie, la police a fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau pour disperser, en mars, une manifestation qui se déroulait pour l’essentiel sans violence. Au Turkménistan, la police a eu recours à une force inutile et disproportionnée pour mettre fin à des manifestations organisées pour protester contre la pénurie de pain.

Les pouvoirs publics doivent cesser d’utiliser des prétextes pour réprimer la dissidence et empêcher le débat sur leur bilan en matière de droits humains. Ils doivent arrêter de harceler et de poursuivre les personnes qui les critiquent, interdire aux forces de sécurité de recourir illégalement à la force pendant les manifestations, et abroger ou modifier les lois qui violent le droit de réunion pacifique.

Liberté de religion et de conviction

La discrimination et les représailles contre les minorités religieuses étaient monnaie courante dans la région. Le Tadjikistan a cette année encore appliqué une politique répressive à l’égard des ismaélien·ne·s, sanctionnant notamment les prières collectives dans des lieux privés. Des témoins de Jéhovah ont été emprisonnés en Russie et dans les territoires ukrainiens occupés par celle-ci pour le simple fait d’avoir pratiqué leur religion. Au Bélarus, les autorités chargées de l’application des lois s’en sont prises à des prêtres catholiques, tandis que le clergé de l’Église orthodoxe ukrainienne, subordonnée de fait à l’Église orthodoxe russe, subissait le même sort en Ukraine. En Ouzbékistan, les musulman·e·s pratiquants étaient toujours la cible de poursuites judiciaires au titre d’accusations d’extrémisme formulées en termes vagues et généraux.

Les États doivent mettre en œuvre de véritables réformes juridiques et politiques afin de protéger, promouvoir et garantir pleinement la liberté de religion et de conviction, sans discrimination.

Torture et autres mauvais traitements

Dans de nombreux pays, la torture et d’autres formes de mauvais traitements étaient toujours aussi fréquentes et les personnes soupçonnées d’en être pénalement responsables jouissaient d’une impunité totale. Au Bélarus, celles et ceux qui étaient emprisonnés sur la foi d’accusations motivées par des considérations politiques vivaient dans des conditions inhumaines (détention au secret, manque de soins médicaux, etc.). Au Kazakhstan, sur six affaires de décès officiellement reconnus comme consécutifs à des actes de torture perpétrés à la suite des manifestations de janvier 2022, cinq avaient été portées devant les tribunaux à la fin l’année. La plupart des autres poursuites engagées pour de tels faits ont été abandonnées « faute de preuves suffisantes ». En Moldavie, les personnes détenues vivaient toujours dans des conditions de surpopulation et d’insalubrité chroniques, sans accès à des soins de santé satisfaisants. La demande de remise en liberté pour raisons humanitaires de l’ancien président de la République de Géorgie, Mikheil Saakachvili, a été rejetée, en dépit de la grave détérioration de son état de santé et du fait qu’il ne semblait pas bénéficier de soins médicaux adaptés. En Russie, Alexeï Navalny a été soumis à une disparition forcée et placé à plusieurs reprises en détention à l’isolement.

Les États doivent agir de toute urgence pour mettre un terme à la torture et aux autres mauvais traitements, en traduisant en justice, dans le cadre de procès équitables, les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de telles pratiques.

Discrimination et violences fondées sur le genre

La violence domestique a été reconnue pour la première fois comme une infraction pénale en Ouzbékistan. Néanmoins, les violences fondées sur le genre et les violences faites aux femmes ont augmenté dans la région, sur fond de conflit armé et d’adoption de lois affirmant des valeurs dites « traditionnelles » et « familiales ». Un record absolu des violences domestiques a été enregistré dans une Ukraine en proie à la guerre, tandis que le Kirghizistan connaissait une vague d’atteintes aux droits humains et de violences sexuelles contre des enfants en situation de handicap, des filles notamment. Les propos sexistes et misogynes proférés à l’égard d’adversaires politiques, notamment par des membres du parti au pouvoir, se sont multipliés en Géorgie. En Azerbaïdjan, les femmes étaient toujours victimes de diverses formes de violences fondées sur le genre, y compris dans le cadre de représailles de nature politique.

Les États doivent mettre en œuvre des politiques exhaustives pour prévenir les violences fondées sur le genre commises contre les femmes et les filles, notamment en luttant contre la discrimination liée au genre et les stéréotypes néfastes profondément enracinés. Ils doivent veiller à ce que les victimes bénéficient d’une protection et d’un soutien et en finir avec l’impunité dont jouissent les responsables de ces crimes.

Violations du droit international humanitaire

L’agression russe contre l’Ukraine a continué d’être marquée par de nombreux crimes de guerre. Les attaques aveugles menées par les forces russes contre des zones habitées et des infrastructures civiles de production d’énergie ou d’exportation de céréales étaient monnaie courante. Aussi bien les forces russes que les forces ukrainiennes ont fait usage de bombes à sous-munitions, malgré leur caractère non discriminant par nature et les risques durables qu’elles présentaient pour la population civile. Selon les estimations, l’Ukraine serait le pays le plus densément miné de la planète. En Russie et dans les territoires ukrainiens occupés par celle-ci, les prisonniers et prisonnières de guerre étaient couramment victimes d’actes de torture et d’autres mauvais traitements. Un tribunal de Moscou a confirmé la condamnation à 13 ans d’emprisonnement prononcée en première instance contre Maxime Boutkevitch. Ce défenseur des droits humains était accusé d’un crime de guerre qu’il ne pouvait pas avoir commis.

Après la reprise du Haut-Karabakh par l’armée azerbaïdjanaise, rien ne semblait avoir été fait pour enquêter sur les violations du droit international humanitaire commises les années précédentes dans la région par les forces azerbaïdjanaises ou arméniennes (attaques aveugles et disproportionnées, torture et exécution de prisonniers·ères, etc.).

Toutes les allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité doivent faire l’objet d’enquêtes impartiales et indépendantes, en vertu notamment du principe de la compétence universelle.

Procès inéquitables

Dans de nombreux pays, le système judiciaire a plus servi à réprimer les droits fondamentaux qu’à les protéger.

En Russie, les tribunaux faisaient preuve d’une extrême partialité, défavorable aux prévenu·e·s, et les procès pour fait de terrorisme, d’extrémisme ou de haute trahison se déroulaient habituellement à huis clos.

Cette année encore, le système judiciaire bélarussien a été instrumentalisé pour réprimer la dissidence sous toutes ses formes, notamment celle provenant d’avocat·e·s et de défenseur·e·s des droits humains. Sviatlana Tsikhnouskaya, Pavel Latushka, Maria Maroz, Volha Kavalkova et Sharhei Dyleuski ont été condamnés en leur absence à de lourdes peines d’emprisonnement sur la foi d’éléments forgés de toutes pièces. Nasta Loika a quant à elle été condamnée à sept années de réclusion. Au Kazakhstan, Marat Jylanbaïev, athlète célèbre, a été condamné à sept ans d’emprisonnement pour avoir exprimé pacifiquement son désaccord avec les autorités. Le Département d’État américain a sanctionné quatre juges géorgiens pour corruption, abus de pouvoir et atteinte au système judiciaire.

Les Nations unies ont fait part de leur vive inquiétude concernant la définition trop large de la notion d’organisation terroriste au Tadjikistan, qui pouvait donner lieu à des mesures d’urgence et à des dérogations à la procédure régulière. Expulsé par l’Allemagne, où il avait demandé l’asile, Abdoullohi Chamsiddine a été soumis à une disparition forcée à son arrivée au Tadjikistan, puis condamné à sept ans d’emprisonnement. En Ouzbékistan, des dizaines de personnes ont été condamnées en lien avec les manifestations massives de 2022 en Karakalpakie, à l’issue de procès non équitables et sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques.

Droits des enfants et des personnes âgées

La guerre menée par la Russie en Ukraine était source de souffrances et de privations terribles pour tous les Ukrainien·ne·s, mais fragilisait particulièrement les enfants et les personnes âgées.

Selon des chiffres de l’ONU datant du mois de novembre, au moins 569 enfants ont été tués et plus de 1 229 blessés depuis février 2022. Le nombre d’enfants emmenés illégalement par les autorités russes dans les territoires ukrainiens occupés ou en Russie était estimé à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers. La CPI a émis au mois de mars des mandats d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova, pour leur responsabilité dans ce crime de guerre.

Les personnes âgées étaient particulièrement touchées par le conflit. Elles étaient proportionnellement plus susceptibles d’être tuées ou blessées que les autres catégories de population. Celles qui étaient déplacées avaient beaucoup de mal à obtenir seules un logement dans le secteur privé, et les centres d’accueil temporaires leur restaient généralement inaccessibles, en particulier lorsqu’elles présentaient un handicap.

Droits économiques et sociaux

Les conflits armés dans la région ont cette année encore eu des répercussions sur les droits économiques et sociaux. Pendant les neuf mois qui ont précédé son offensive militaire de septembre, l’Azerbaïdjan a bloqué la route reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie, connue sous le nom de « corridor de Latchine », entraînant une pénurie dramatique de produits de première nécessité (denrées alimentaires, médicaments et carburant), qui s’est traduite par une crise humanitaire dans cette région sécessionniste.

De nouveaux manuels d’histoire « unifiés » ont été remis en septembre à tous les lycéen·ne·s de la Fédération de Russie et des territoires ukrainiens occupés. Dans un souci manifeste d’endoctrinement, ces manuels s’efforçaient de présenter sous un jour positif le bilan en matière de droits fondamentaux des différents régimes russes et soviétiques. Les enfants des territoires occupés par la Russie étaient contraints de suivre les programmes ukrainiens « en cachette » pour éviter les représailles.

Les États doivent faire en sorte que chacun·e jouisse d’un niveau de vie suffisant et ait accès à une éducation de qualité.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les personnes en situation de déplacement étaient toujours en proie à de nombreuses difficultés un peu partout dans la région. Les autorités bélarussiennes ont violemment contraint des personnes migrantes à passer la frontière avec l’UE, où elles ont été confrontées à des renvois forcés illégaux (push-backs). Les autorités russes ont quant à elles multiplié les offres mensongères et les pressions pour pousser des migrants à s’engager dans l’armée. Les plus de 100 000 Arménien·ne·s de souche qui ont fui le Haut-Karabakh pour se réfugier en Arménie étaient confrontés à des difficultés économiques et à l’incertitude quant à leurs perspectives de retour.

Les États doivent veiller à ce que toutes les personnes fuyant des persécutions et des atteintes aux droits humains puissent se réfugier en lieu sûr et aient accès à une protection internationale. Ils doivent faire en sorte que nul ne soit renvoyé dans un pays ou un territoire où il risque de subir de graves violations des droits fondamentaux.

Droit à un environnement sain

Les combats militaires dignes de la Seconde Guerre mondiale qui se sont déroulés en Ukraine et dans plusieurs pays de la région producteurs importants de carburants fossiles et grands émetteurs de carbone ont entraîné des pollutions et des dommages environnementaux majeurs.

L’agression de l’Ukraine par la Russie s’est traduite par une grave contamination de l’air, de l’eau et des terres, et a produit une quantité ingérable de déchets dangereux. La destruction du barrage de Kakhovka, manifestement par une action militaire délibérée attribuée aux forces russes par la plupart des observateurs, a eu pour conséquence une pollution massive des milieux, dont les conséquences écologiques sur le long terme se feront sentir au-delà des frontières de l’Ukraine.

La pollution atmosphérique, essentiellement due à la combustion de carburants fossiles, avait également des effets délétères pour la santé des populations. Elle serait la cause, selon certaines estimations, de plus de 10 000 décès annuels au Kazakhstan et de 18 % des décès dus à un accident vasculaire cérébral ou à une maladie coronarienne au Bélarus. La capitale du Kirghizistan a été classée parmi les villes les plus polluées du monde.

Dans toute la région, les personnes qui tentaient de protéger l’environnement ont fait l’objet de sévères mesures de répression. En Arménie, des militant·e·s qui s’opposaient à un projet de mine d’or ont fait l’objet de poursuites judiciaires dans le cadre desquelles des indemnisations abusives leur étaient réclamées pour les dommages supposés que leur action écologique aurait causés à des entreprises. En Russie, deux grandes ONG de défense de l’environnement ont été classées « indésirables » et interdites sur l’ensemble du territoire.

Les États doivent prendre des mesures immédiates pour protéger les personnes et les populations contre les risques liés au changement climatique et aux conditions météorologiques extrêmes et leurs conséquences, y compris en faisant appel à la solidarité et à la coopération internationales pour mener une action suffisante en matière d’adaptation et d’atténuation.

Droits des personnes LGBTI

En Ukraine, un projet de loi sur les unions civiles qui s’appliquerait aussi aux couples de même sexe a été rendu public en mars. Celui-ci n’autorisait cependant pas les couples de même sexe à adopter.

La Russie a en revanche promulgué de nouvelles dispositions législatives transphobes et a interdit de fait toute activité publique en lien avec les droits des personnes LGBTI, en classant comme « extrémiste » ce qu’elle appelait le « mouvement social international LGBT », sans le définir. En Asie centrale et dans le reste de la région, les droits relatifs au genre étaient en repli. Le Kirghizistan a ainsi proposé de modifier la législation pour interdire toute information « contraire aux valeurs familiales » ou faisant la promotion de « relations sexuelles non traditionnelles », tandis qu’au Turkménistan et en Ouzbékistan les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe restaient prohibées par la loi.

Les États doivent abroger les lois et renoncer aux politiques et pratiques qui sont discriminatoires à l’égard des personnes LGBTI, notamment en dépénalisant les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe et en levant les obstacles juridiques au mariage des couples de même sexe.

Europe de l’Ouest, centrale et du Sud-Est

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les États membres de l’Union européenne ont continué d’appliquer des politiques meurtrières d’exclusion fondée sur l’origine ethnique et d’externalisation, et n’ont guère avancé sur la question du partage des responsabilités au sein de l’UE. Les négociations en cours sur les réformes du système d’asile indiquaient que l’UE se dirigeait vers un compromis qui réduirait les garanties et augmenterait les souffrances des personnes en quête d’un lieu sûr. Les États n’ont pas mis en place de voies d’accès sûres et légales, et ces manquements ont exposé des hommes, des femmes et des enfants à des violences et à des risques inutiles aux frontières terrestres et maritimes. Plus de 600 personnes racisées, dont des enfants, ont trouvé la mort dans un seul et même naufrage au large de Pylos, en Grèce. Des centaines d’autres personnes originaires d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie ont été victimes d’atteintes aux droits humains et de violences tout au long de l’année, les renvois sommaires forcés restant une pratique quotidienne aux frontières de toute l’Europe.

La Commission européenne n’a pas déclenché de procédure d’infraction contre la Lettonie et la Lituanie lorsque ces deux pays ont inscrit dans leur législation nationale la possibilité de procéder à des renvois sommaires. L’impunité restait courante pour les violations des droits humains commises aux frontières. Ainsi, l’Espagne n’a pas enquêté sérieusement sur les décès, les actes de torture et les expulsions illégales qui avaient eu lieu en 2022 entre l’enclave de Melilla et le Maroc.

Certains pays européens n’ont pas respecté le droit des Afghan·e·s à se mettre en lieu sûr. En Allemagne, moins d’une centaine de personnes ont finalement bénéficié d’un programme humanitaire d’accueil censé permettre l’arrivée chaque mois de 1 000 ressortissant·e·s afghans. Le Danemark, la Finlande et la Suède ont en revanche pris des mesures louables visant à accorder automatiquement le statut de réfugiées aux femmes et aux filles afghanes.

Des réfugié·e·s et des migrant·e·s ont été agressés en Allemagne, à Chypre, en Grèce et en République tchèque. Nombre de responsables politiques ont tenu des propos racistes et discriminatoires envers les personnes réfugiées et migrantes, notamment en Turquie, dans le contexte des élections.

Les pays européens ont continué d’externaliser le contrôle de leurs frontières, au mépris des droits humains. Ils étaient de plus en plus nombreux à vouloir nouer des accords de traitement extraterritorial des demandes d’asile. C’était notamment le cas de l’Italie avec l’Albanie. De même, un compromis qui risquait de se traduire par des atteintes aux droits fondamentaux était en cours de négociation entre l’UE et la Tunisie. La coopération s’est poursuivie avec la Turquie, où des milliers de personnes ont été victimes de renvois forcés. Bien que la justice lui ait donné tort à plusieurs reprises, le gouvernement britannique semblait déterminé à mettre en œuvre son projet de transfert de demandeurs et demandeuses d’asile au Rwanda, où seraient traités leurs dossiers.

Les États doivent mettre fin aux politiques d’exclusion fondée sur l’origine ethnique. Ils doivent au contraire veiller à ce que leurs politiques et leurs pratiques protègent, respectent et garantissent le droit à la vie des personnes réfugiées et migrantes, mettre en place des voies sûres et légales et respecter le droit de demander l’asile à leurs frontières.

Droits des femmes et des filles

La Lettonie a ratifié la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique [Conseil de l’Europe], et la Macédoine du Nord a mis sa législation en conformité avec ce traité. La Croatie a annoncé que le féminicide allait devenir une infraction pénale à part entière. La Suisse a adopté une définition du viol fondée sur la notion de consentement, et les Pays-Bas étaient en voie de faire de même.

De nombreux pays ont toutefois enregistré un nombre élevé de violences liées au genre contre des femmes et des filles, dans un contexte marqué par l’action insuffisante des pouvoirs publics pour y remédier. Des dizaines voire des centaines de féminicides ont ainsi été signalés en Albanie, en Autriche, en Espagne, en Grèce, en Italie, en Serbie et en Turquie. La diffusion en direct d’un meurtre en Bosnie-Herzégovine a suscité une vague de protestations, de même que l’indulgence des juges à l’égard d’un agresseur en Bulgarie.

En Finlande, une loi autorisant l’avortement sur demande au cours des 12 premières semaines de grossesse est entrée en vigueur en septembre. L’Espagne a de son côté adopté un texte autorisant les mineures de 16 et 17 ans à avorter sans accord parental. Plusieurs pays continuaient toutefois d’imposer des restrictions au droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En Pologne, au moins une femme est décédée après s’être vu refuser des services d’avortement. En Croatie, en Irlande, en Irlande du Nord et en Italie, il était fréquent que le personnel médical invoque une clause de conscience pour refuser de pratiquer une intervention. Dans plusieurs régions autrichiennes, l’avortement n’était pas couvert par le système de santé. En République tchèque, des ressortissantes de l’UE non tchèques se sont vu refuser une IVG. Les dispositions interdisant l’avortement à Malte ont été modifiées, mais l’accès à l’interruption volontaire de grossesse restait extrêmement limité. Andorre était le seul pays où l’avortement était interdit en toutes circonstances.

Les pouvoirs publics doivent de toute urgence combattre toutes les formes de violences fondées sur le genre et s’attaquer à leurs causes profondes.

Droit au respect de la vie privée

Plusieurs villes et cantons suisses ont interdit la reconnaissance faciale dans l’espace public. En France, en revanche, une nouvelle loi a autorisé la surveillance biométrique de masse à l’occasion des Jeux olympiques de 2024.

Amnesty International a révélé que l’alliance Intellexa avait vendu le logiciel espion Predator à de nombreux pays, dont l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Elle a établi que ce logiciel avait été utilisé contre un site d’actualités berlinois, les institutions européennes et un certain nombre de chercheurs et chercheuses. En Espagne, au moins 65 personnes ont été visées par le logiciel espion Pegasus, essentiellement en Catalogne.

Droit à un procès équitable et érosion de l’indépendance de la justice

Le travail de sape de l’indépendance de la justice s’est poursuivi en Hongrie, en Pologne et en Turquie. La Hongrie a pris des mesures pour limiter le pouvoir de l’appareil judiciaire. En Pologne, le gouvernement s’en est pris aux juges qui osaient exprimer des critiques. En Turquie, la Cour de cassation a refusé d’appliquer un arrêt de la Cour constitutionnelle, accusant les juges qui la composaient d’avoir outrepassé leurs prérogatives.

Les États doivent arrêter le glissement actuel vers une société de la surveillance, respecter le droit à un procès équitable et mettre un terme à l’érosion de l’indépendance de la justice.

Liberté d’expression

Des journalistes ont été pris pour cible un peu partout dans la région. Beaucoup ont par exemple été arrêtés ou placés en détention en Turquie sur la foi d’accusations mensongères d’atteintes à la législation antiterroriste.

En Autriche, en Bulgarie, en Croatie, en Grèce, en Macédoine du Nord et en Serbie, des responsables politiques et des entreprises ont eu recours à des procès-bâillons pour faire taire des journalistes et des militant·e·s. Tandis que la Republika Srpska (Bosnie-Herzégovine) faisait de la diffamation une infraction pénale, la Bulgarie a au contraire réduit les amendes encourues pour propos diffamatoires envers des responsables des pouvoirs publics et la Croatie a adopté un plan permettant d’annuler les procédures-bâillons à un stade précoce.

À de rares exceptions près, les États de la région ont proposé ou adopté des mesures visant à limiter de manière excessive l’expression, notamment en ligne, d’avis critiques concernant les bombardements israéliens à Gaza et d’un soutien aux droits fondamentaux des Palestinien·ne·s.

Liberté de réunion

À mesure que l’urgence climatique se précisait, les manifestations pacifiques se sont multipliées, sévèrement réprimées par les autorités. Des militant·e·s du climat se livrant à des actes pacifiques de désobéissance civile ont fait l’objet d’arrestations collectives, de poursuites judiciaires pour des chefs d’inculpation graves et de campagnes de dénigrement.

De nombreux pays ont mis en place des restrictions disproportionnées du droit de réunion. Aux Pays-Bas, la police a utilisé des contrôles d’identité illégaux comme outil de surveillance des manifestant·e·s. En France, en Italie, en Serbie et en Turquie, entre autres, les forces de l’ordre ont souvent eu recours à une force abusive, ainsi qu’à des pratiques de maintien de l’ordre discriminatoires.

De nombreux gouvernements ont restreint illégalement les manifestations organisées en solidarité avec le peuple palestinien. L’Allemagne, l’Autriche, la France, la Hongrie, la Pologne et la Suisse, notamment, ont interdit par anticipation de telles manifestations, sous le prétexte vague que des atteintes à l’ordre public ou à la sécurité nationale risquaient d’être perpétrées. Des médias et des responsables politiques ont fréquemment tenu des propos déshumanisants envers les Palestinien·ne·s, diffusant des stéréotypes racistes et pratiquant l’amalgame entre musulman·e·s et terroristes.

La France a invoqué la législation antiterroriste pour interdire des manifestations pacifiques et a procédé à des arrestations arbitraires. Lors des marches des fiertés, la police turque a mis en place des mesures d’interdiction totale, fait usage d’une force injustifiée et arrêté 224 personnes. Le Royaume-Uni a adopté une loi élargissant les pouvoirs de la police, qui créait des arrêtés d’interdiction de manifester et autorisait les ordonnances civiles contre des manifestant·e·s.

Liberté d’association

La France a cette année encore cherché à dissoudre plusieurs ONG en dehors de toute procédure régulière. La Turquie a multiplié les audits agressifs d’ONG. En Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska a adopté une loi créant un registre des ONG financées par des fonds venant de l’étranger. En Hongrie, le gouvernement a fait adopter une nouvelle loi limitant le financement des ONG depuis l’étranger.

L’espace au sein duquel chacun·e peut exercer ses droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique doit être protégé des mesures abusives prises par les États.

Défenseur·e·s des droits humains

Les défenseur·e·s des droits humains militant pour les droits des femmes ou des migrant·e·s ont souvent été la cible de mesures de répression. En Andorre, une militante risquait d’être condamnée à une lourde amende pour avoir dénoncé l’interdiction de l’avortement en vigueur dans la principauté. En Pologne, Justyna Wydrzynska a été condamnée à huit mois de travaux d’intérêt général pour avoir aidé une femme à se procurer des pilules abortives. En Grèce, Sarah Mardini et Séan Binder, deux défenseur·e·s des droits des personnes migrantes, ont été inculpés de quatre délits. Les autorités lettones ont ouvert une procédure judiciaire contre deux personnes à qui il était reproché d’avoir apporté un soutien humanitaire à la frontière avec le Bélarus. La Turquie a confirmé la condamnation d’Osman Kavala, au mépris de plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

Les États doivent protéger les défenseur·e·s des droits humains et reconnaître leur rôle crucial, plutôt que de chercher à les stigmatiser et à sanctionner pénalement leurs activités.

Discrimination raciale

Le profilage ethnique par les responsables de l’application des lois restait une pratique courante. En France, le Conseil d’État a reconnu que la police procédait à des contrôles discriminatoires, sans toutefois proposer de mesures pour régler le problème. La police des frontières néerlandaise a été reconnue coupable de profilage ethnique. Au Royaume-Uni, un rapport a dénoncé l’existence d’une discrimination institutionnelle au sein de la police métropolitaine de Londres.

L’Allemagne a enregistré un nombre record de crimes motivés par la haine. La Cour européenne des droits de l’homme a une nouvelle fois condamné la Bosnie-Herzégovine pour ses règles électorales discriminatoires. En Lettonie comme en Lituanie, des ressortissant·e·s russes risquaient de perdre leur permis de séjour.

Les Roms étaient victimes de discrimination, de ségrégation et d’exclusion sociale. Le Comité européen des droits sociaux a estimé que l’Italie avait violé les droits en matière de logement de membres de la communauté rom. En Slovaquie, des tribunaux ont jugé que l’existence de classes réservées aux élèves roms était discriminatoire. En Bulgarie, la Commission pour la protection contre la discrimination a ouvert une enquête sur le cas de plusieurs piscines qui avaient refusé l’entrée à des personnes roms. En Macédoine du Nord, un Rom est mort après que les services médicaux eurent refusé de le prendre en charge parce qu’il n’avait pas de carte d’identité. En Roumanie, une femme rom enceinte atteinte de surdité a accouché sur le trottoir faute d’avoir été admise à l’hôpital.

En France, les musulmanes étaient tout particulièrement visées par certaines restrictions en matière de sport et d’enseignement. Les terribles événements qui ont secoué Israël et les territoires palestiniens occupés ont provoqué dans toute la région une forte recrudescence des discours antisémites et islamophobes, ainsi que des crimes motivés par la haine.

Au lendemain des tremblements de terre qui ont frappé la Turquie en février, des civil·e·s et des représentant·e·s de l’État s’en sont pris aux migrant·e·s et aux réfugié·e·s participant aux opérations de secours, qui ont été victimes d’attaques racistes.

Droits des personnes LGBTI

La Lettonie a reconnu l’union civile, contrairement à la Lituanie. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Bulgarie et la Roumanie, car elles ne reconnaissaient pas juridiquement les couples de même sexe.

Les personnes LGBTI étaient toujours en butte à la discrimination. En Croatie et en Macédoine du Nord, les marches des fiertés ont donné lieu à des menaces et à des propos discriminatoires de la part aussi bien de fonctionnaires que de particuliers. La police norvégienne a constaté que les lieux de réunion LGBTI étaient sous la menace constante d’attaques violentes. En Turquie, un certain nombre de responsables politiques ont tenu un discours discriminatoire à l’égard des personnes LGBTI.

Alors que la Hongrie faisait l’objet d’une procédure judiciaire devant la Cour de justice de l’UE pour sa « loi sur la propagande », les autorités du pays ont infligé une amende à une librairie accusée de ne pas avoir respecté cette loi et le Conseil des médias a refusé d’autoriser une publicité télévisée en faveur de la marche des fiertés. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Lituanie pour avoir censuré un livre qui mettait en scène des relations amoureuses entre personnes de même sexe.

Les droits des personnes transgenres ont enregistré des avancées dans certains pays et régressé ailleurs. L’Allemagne a abrogé la disposition qui interdisait de façon discriminatoire aux hommes gays ou bisexuels et aux personnes transgenres de donner leur sang. Une nouvelle loi sur le libre choix, qui permettrait aux personnes transgenres, non binaires et intersexes de choisir leur genre par simple déclaration auprès d’un bureau de l’état civil, a par ailleurs été examinée par le Parlement. En Finlande, cette reconnaissance était désormais possible pour les adultes, sur demande. En Espagne, une nouvelle loi garantissait désormais l’accès aux services de santé et la reconnaissance juridique du genre fondée sur l’autodétermination. En revanche, la Bulgarie a mis fin à cette reconnaissance pour les personnes transgenres, et le gouvernement du Royaume-Uni a bloqué la promulgation de la Loi réformant la reconnaissance du genre adoptée par le Parlement écossais.

Les États doivent prendre des mesures sérieuses pour mettre fin à la discrimination systémique dont sont victimes notamment les personnes juives, musulmanes, noires, roms ou LGBTI.

Droits économiques, sociaux et culturels

En Finlande, le gouvernement a annoncé son intention de faire des coupes dans le système de santé public et d’augmenter les prix et les taxes sur les médicaments, ce qui touchera en premier lieu les personnes les plus défavorisées. Une plainte portée contre la Grèce concernant les mesures d’austérité appliquées au système de santé a été considérée comme recevable par le Comité européen des droits sociaux. La Slovénie a adopté une Loi sur la prise en charge de longue durée des personnes âgées, mais le pays était confronté à une pénurie de médecins.

Le Danemark et la Finlande ont annoncé des coupes dans le budget de l’aide sociale. La France, l’Irlande et le Portugal ont enregistré un nombre record de personnes sans abri. L’Espagne a adopté une Loi sur le droit au logement, qui ne protégeait cependant pas des expulsions les personnes économiquement défavorisées. En Serbie, la mise en place d’un nouveau système de protection sociale partiellement automatisé pourrait s’être traduite par l’exclusion de milliers de personnes, qui ne bénéficiaient plus d’une aide pourtant essentielle (les Roms et les personnes en situation de handicap étant tout particulièrement touchés).

La réaction des autorités turques après les séismes du mois de février n’a pas été à la hauteur des besoins des personnes en situation de handicap.

Les États doivent agir sans attendre pour garantir les droits économiques et sociaux de tous et toutes, sans la moindre discrimination, notamment en y consacrant les moyens nécessaires et en veillant à ce que la protection sociale soit universelle et complète.

Droit à un environnement sain

Sur le plan positif, un tribunal de Chypre a reconnu le droit des ONG de défense de l’environnement d’engager des recours d’intérêt public ; en Irlande, plusieurs ONG ont saisi la justice, accusant l’État de ne pas réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre ; et un groupe de jeunes Portugais·es a porté plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme contre 33 pays, leur reprochant l’insuffisance de leur action en matière de changement climatique. Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a politiquement reconnu le droit à un environnement sain, sans toutefois adopter d’instrument juridiquement contraignant pour le faire appliquer.

De nombreux pays continuaient néanmoins de recourir aux combustibles fossiles. La Bulgarie et la Roumanie envisageaient de prospecter en mer Noire à la recherche de gisements de gaz. La Grèce et la Slovaquie avaient des projets de terminaux de gaz naturel liquéfié. Malte était favorable à un important projet de gazoduc. La Norvège a accordé des avantages fiscaux aux exploitants de gisements de pétrole et de gaz, tandis que l’Allemagne a donné son feu vert au financement de projets dans le secteur des énergies fossiles. Les banques françaises figuraient quant à elles parmi les premiers bailleurs de fonds des projets d’extraction de combustibles fossiles.

Les États doivent renoncer progressivement à l’utilisation et à la production de combustibles fossiles, dans le cadre d’une transition juste. Ils doivent en outre augmenter de toute urgence le financement climatique à destination des pays à faibles revenus et s’engager à fournir des fonds dédiés supplémentaires destinés à compenser les pertes et préjudices.