Érythrée

Amnesty International ne prend pas position sur les questions de souveraineté ou les conflits territoriaux. Les frontières apparaissant sur cette carte sont basées sur les données géospatiales des Nations unies.
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Érythrée 2023

Aucun signe d’amélioration de la situation des droits humains n’a été constaté dans le pays. Les autorités ont continué de soumettre des dissident·e·s politiques, des membres de congrégations religieuses, des journalistes et des personnes autochtones à des détentions arbitraires et à des disparitions forcées. Le droit de pratiquer sa religion était sévèrement restreint, et un religieux est mort en prison après 10 ans de détention. Les Afars, un peuple autochtone, étaient en butte à la discrimination et à d’autres persécutions. Le recours au service militaire obligatoire pour une durée indéterminée s’est intensifié ; des conscrites ont été victimes de violences sexuelles dans des camps d’entraînement.

Contexte

Les forces de défense érythréennes ont continué de commettre des violences sexuelles systématiques et généralisées, dont des viols et des viols en réunion, contre des femmes de la région du Tigré, en Éthiopie, plusieurs mois après la signature de l’accord de cessation des hostilités en novembre 2022 (voir Éthiopie). Le gouvernement n’a pas ouvert d’enquêtes au sujet de ces exactions ni des autres crimes de droit international perpétrés au Tigré. Le président a rejeté des accusations pourtant fondées dénonçant le comportement de l’armée érythréenne, les qualifiant de « fantaisistes ».

L’Érythrée a cette année encore refusé de coopérer avec les mécanismes internationaux, dont le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Érythrée.

L’interdiction des médias indépendants prononcée en 2001 était toujours en vigueur.

Détention arbitraire et disparitions forcées

Le gouvernement a poursuivi sa politique, appliquée depuis 22 ans, consistant à utiliser comme outil de répression la détention arbitraire et, dans certains cas, la disparition forcée de journalistes, d’opposant·e·s politiques avérés ou présumés et de membres de congrégations religieuses (voir Liberté de religion et de conviction). Des personnes détenues ont été privées de leurs droits de former un recours judiciaire et d’être assistées d’un·e avocat·e. On ignorait toujours ce qu’il était advenu de 11 membres du G-15, un groupe de 15 responsables politiques de haut niveau qui avaient critiqué publiquement le président en 2001. On était également sans nouvelles de 16 journalistes accusés d’être liés à ce groupe.

Liberté de religion et de conviction

Les autorités pratiquaient la discrimination fondée sur les convictions religieuses, privant les personnes appartenant à des cultes non enregistrés du droit de pratiquer leur religion. Des centaines de personnes se trouvaient toujours en détention arbitraire en raison de leur appartenance à des groupes religieux non reconnus, et certaines ont été soumises à une disparition forcée.

Les seules religions reconnues officiellement étaient l’Église orthodoxe tewahedo érythréenne, l’islam sunnite, le catholicisme et l’Église évangélique luthérienne d’Érythrée ; la religion baha’ie était reconnue de fait.

Le 9 avril, le pasteur Tesfaye Seyoum, fondateur et dirigeant de l’Église Meserete Kirstos, est mort à la prison de Mai Serwa, où il était détenu depuis 10 ans pour son appartenance à une religion interdite. Les autorités n’ont autorisé sa famille à enterrer sa dépouille qu’au bout de 10 jours, et l’ont forcée à le faire dans la capitale, Asmara, plutôt que dans sa ville natale.

Droits des peuples autochtones

Le peuple autochtone afar a continué d’être confronté à de multiples tentatives d’ingérence du gouvernement dans son mode de vie coutumier, se voyant notamment interdire son principal moyen de subsistance, la pêche. Selon le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée, ce peuple était victime de discrimination, « d’actes de harcèlement, d’arrestations arbitraires, de disparitions, de violences et de persécutions généralisées » et, en mai, 57 000 de ses membres étaient enregistrés comme réfugié·e·s en Éthiopie, après avoir dû fuir leur pays.

Travail forcé

Le pays a continué à avoir recours au service militaire obligatoire à durée indéterminée, ainsi qu’au travail forcé l’accompagnant, qui s’apparentait parfois à de l’esclavage.

Dans le rapport qu’il a présenté au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à sa session de juin-juillet, le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Érythrée a indiqué avoir reçu des informations faisant état d’« arrestations en masse » de conscrits et conscrites en août 2022. Selon lui, jusqu’en novembre 2022, l’armée a eu recours à « des pratiques de plus en plus coercitives pour […] forcer les personnes à participer à l’opération militaire en Éthiopie », et des familles ont été contraintes de livrer leurs proches, notamment leurs enfants.

Cette année encore, des informations ont fait état de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que de violences sexuelles, perpétrés dans les camps de conscrit·e·s. Le rapporteur spécial a indiqué que, selon d’anciennes recrues du camp d’entraînement militaire de Sawa, des commandants de ce camp avaient commis des viols et d’autres formes de violences liées au genre contre des conscrites.

De nombreux jeunes étaient contraints d’effectuer leur dernière année d’enseignement secondaire au camp de Sawa, ce qui faisait obstacle à la poursuite de leurs études.