Russie. Entourer de secret la mort de soldats constitue une atteinte à la liberté d’expression

Un décret signé jeudi 28 mai par le président Vladimir Poutine, qui fait de la mort de soldats russe « en temps de paix » un secret d’État, représente une nouvelle atteinte à la liberté d’expression dans le pays, a déclaré Amnesty International.

Ce nouveau décret, qui interdit la circulation de toute information sur les pertes militaires russes « dans le cadre d’opérations spéciales » en temps de paix, survient alors que le président Poutine est soupçonné depuis longtemps d’envoyer une assistance militaire aux séparatistes en Ukraine orientale.

« Non seulement ce décret est une atteinte flagrante à la liberté d’expression, mais il a en outre des accents sinistres qui renforcent l’impression que le président Poutine a quelque chose à cacher – en particulier les pertes subies par l’armée russe en Ukraine », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Ce nouveau décret soulève des questions dérangeantes, et amène notamment à se demander si les journalistes et les militants de la société civile qui feront état de pertes présumées en Ukraine à l’avenir risquent d’être poursuivis pour trahison.

John Dalhuisen

Le Kremlin nie systématiquement avoir envoyé des troupes et des armes de l’autre côté de la frontière pour aider les forces séparatistes.

« Cette décision accroît en outre les craintes pour la sécurité des professionnels des médias russes et des militants de la société civile qui ont déjà été la cible de manœuvres de harcèlement pour avoir couvert le conflit en Ukraine de manière indépendante. »

Jusqu’à aujourd’hui, seules les pertes de soldats russes en temps de guerre était classifiées.

Le gouvernement russe a accru son contrôle sur les médias grand public ces dernières années, et plusieurs médias et journalistes ont été pris pour cible en raison de la couverture accordée au conflit ukrainien.

Plusieurs agressions ont été commises au mois d’août dernier contre des journalistes qui essayaient de rendre compte des funérailles organisées en secret de soldats russes apparemment tués en Ukraine.

Le 29 août, Lev Chlosberg, l’éditeur de Pskovskaïa Goubernia, le premier journal à avoir fait état de ces obsèques secrètes, a été roué de coups et a dû être hospitalisé pour des blessures à la tête. L’enquête de police qui a suivi n’a pas permis d’identifier ses trois agresseurs.

« Ce nouveau décret soulève des questions dérangeantes, et amène notamment à se demander si les journalistes et les militants de la société civile qui feront état de pertes présumées en Ukraine à l’avenir risquent d’être poursuivis pour trahison », a déclaré John Dalhuisen.

« Cela signifie également que les familles de soldats tués durant une “opération spéciale” seront privées de la vérité sur ce qui est arrivé à leur proche. »