Avertissement aux actionnaires. Les profits de Shell ne feront pas apparaître le coût réel des fuites de pétrole dans le delta du Niger

Photo : © Amnesty International

Les fuites de pétrole non maîtrisées observées depuis des décennies dans le delta du Niger pourraient coûter des milliards d’euros à la Royal Dutch Shell en indemnisations, a déclaré Amnesty International aux actionnaires alors que le géant anglo-néerlandais du pétrole vient de rendre public le montant de ses profits pour le premier trimestre 2015.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a chiffré à 1 milliard de dollars le coût des cinq premières années de nettoyage de la pollution dans le seul pays ogoni, une région du Nigeria où Shell est présente. Il a estimé en outre que le nettoyage de cette zone pourrait prendre 30 ans.

« Les actionnaires doivent se méfier des dépenses cachées qui attendent Shell du fait de ses opérations dans le delta du Niger. Pendant des décennies, cette multinationale du pétrole s’est abstenue de remédier aux fuites ou de nettoyer la pollution dévastatrice qui a détruit des vies et des moyens de subsistance », a déclaré Mark Dummett, spécialiste de la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International.

« L’an dernier, les profits de Shell se sont élevés à 15 milliards de dollars. Il est donc possible que les actionnaires considèrent l’entreprise comme une valeur sûre. Mais des actions en justice l’ont déjà forcée à verser des millions de dollars à titre d’indemnisation, ouvrant la voie à de futures procédures impliquant d’autres populations nigérianes ayant fait les frais de la négligence de Shell. »

En janvier dernier, Shell, la plus grande compagnie pétrolière en activité dans le delta du Niger, a finalement accepté de verser 55 millions de livres britanniques à la ville de Bodo, en pays ogoni, après que des milliers de résidents l’ont attaquée en justice. L’entreprise leur avait dans un premier temps proposé la somme dérisoire de 4 000 livres pour la destruction des moyens de subsistance de pêcheurs et d’agriculteurs, causée par seulement deux des centaines de fuites que connaissent les oléoducs de Shell chaque année.

Shell a fait état de plus de 1 000 fuites dans le delta du Niger depuis 2009, et notamment de 204 en 2014 et 203 en 2013. Le Nigeria est un pays important pour les opérations de Shell, puisqu’il était à l’origine de 10 % de sa production de pétrole en 2014.

« Shell aura par ailleurs un rôle à jouer dans le nettoyage des dégâts durables des centaines de fuites de pétrole qui continuent à souiller le delta du Niger chaque année. Elle doit faire preuve de transparence vis-à-vis de ses actionnaires quant aux provisions pour imprévus mises en réserve afin de réparer les torts causés ce dernier quart de siècle », a déclaré Mark Dummett.

Shell affirme que l’immense majorité des fuites au Nigeria sont dues à des actes de sabotage ou à des vols de pétrole. S’il s’agit là de problèmes graves, Shell a été contrainte à révéler dans le cadre du procès que lui ont intenté les résidents de Bodo qu’elle savait que certaines sections identifiées de ses oléoducs présentaient des « risques et dangers majeurs » depuis au moins 2002. Les affirmations de Shell s’appuient en outre sur un processus d’enquête défaillant concernant ces fuites.

« Shell continue à accuser voleurs et saboteurs pour les fuites de pétrole, mais l’ancienneté des oléoducs et le mauvais entretien des infrastructures sont des causes majeures de pollution », a déclaré Mark Dummett.

Les actionnaires de Shell doivent lui demander de remédier aux abus commis dans le delta du Niger, et exiger qu’elle fasse preuve de plus de transparence sur les fuites de pétrole, les futures opérations de nettoyage et les plans d’indemnisation.

Pour en savoir plus sur la localité de Bodo et l’indemnisation qu’elle a reçue de Shell, rendez-vous sur : https://www.amnesty.org/fr/nigeria-shell-oil-compensation/